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À La Une - Analyse

Conflit syrien : rôle compromis pour l'ONU, la Russie incontournable

"Le rapport de force est incontestablement favorable aux Russes", estime Karim Bitar, de l'Institut des affaires internationales et stratégiques de Paris (Iris).

Le président syrien Bachar el-Assad et son homologue russe Vladimir Poutine, le 11 décembre 2017, sur la base russe de Hmeimim, en Syrie. AFP/Page Facebook de la présidence syrienne

Après l'aveu d'échec du médiateur des Nations unies sur la Syrie, le rôle que l'ONU peut encore jouer dans le règlement de ce conflit semble compromis alors que la Russie apparaît comme un acteur incontournable.

Jeudi soir, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui se targue pourtant d'être "un optimiste incorrigible", a jeté l'éponge après presque trois semaines de discussions avec les représentants de l'opposition syrienne et du gouvernement. "Je suis déçu (...) c'est une occasion en or manquée", a-t-il avoué, avant d'accabler de reproches le gouvernement syrien, accusé d'avoir fait de l'obstruction en refusant tout dialogue.

Mais ce constat d'échec n'est pas nouveau : avant lui, deux médiateurs de l'ONU s'étaient succédé depuis le début du conflit syrien il y a bientôt 7 ans, sans trouver de solution. Alors face à une opposition tiraillée entre durs et modérés et un gouvernement renforcé par ses victoires militaires sur le terrain, l'ONU peut-elle encore s'imposer ?

"Ce round a été très décevant, très frustrant", a commenté un diplomate européen, familier du dossier. "Il faut être deux pour danser le tango. Mais nous avons fait du surplace et nous n'avancerons pas tant que le régime aura un sentiment d'impunité et ne subira aucune pression pour négocier".

Après les critiques d'une sévérité inhabituelle de la part d'un diplomate chevronné comme M. de Mistura, il est fort à parier que le gouvernement syrien réfléchira à deux fois avant d'envoyer à nouveau ses négociateurs à Genève. Et le négociateur en chef de l'opposition, Nasr Hariri, a lui-même avoué jeudi soir qu'il doutait de la nécessité de revenir à Genève dans ces conditions.

 

(Lire aussi : L’ONU accuse Damas de faire échouer les pourparlers de paix à Genève)

 

Légitimité
"Le processus de Genève a permis de gagner du temps, on l'a maintenu en vie artificiellement (...) afin qu'on ait un cadre dans lequel négocier", a estimé Karim Bitar, de l'Institut des affaires internationales et stratégiques de Paris (Iris).

"Malgré toutes ses faiblesses, le processus de Genève demeure le plus légitime, même si ça ne veut pas dire qu'il est efficace", a-t-il ajouté. Cette légitimité se fonde sur la résolution 2254 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU en 2015, qui a fixé un cadre de négociations. Mais être légitime ne suffit pas pour obtenir des résultats. Au cours des deux dernières années, le médiateur de l'ONU a tenté à plusieurs reprises d'imposer un cessez-le-feu afin de pouvoir distribuer de l'aide à la population, en vain.

Face à l'impuissance des Nations unies, la Russie, intervenue fin 2015 aux côtés de Damas pour lutter contre les rebelles syriens et les jihadistes, a pris les choses en mains. Avec l'Iran, autre allié de Damas, et la Turquie, soutien de l'opposition syrienne, Moscou a réussi à imposer des "zones de désescalade" militaire sur le terrain.

Parallèlement, le président russe Vladimir Poutine a organisé plusieurs rencontres intersyriennes à Astana (Kazakhstan) et à Sotchi, au bord de la mer Noire. Il souhaite maintenant réunir plusieurs centaines de Syriens de tous bords au début de l'an prochain à Sotchi pour un "Congrès du dialogue national" syrien.

 

(Lire aussi : Syrie, le déni destructeur)

 

Équilibre entre Moscou et Téhéran
"Le rapport de force est incontestablement favorable aux Russes", selon M. Bitar. "Leur idée derrière Sotchi, c'est précisément de légitimer, de consacrer diplomatiquement (...) ce rapport de force", a-t-il ajouté.

Le diplomate européen est quant à lui convaincu que "les Russes savent qu'il ne peut y avoir qu'une solution politique". "Ils ne veulent pas rester avec ce problème sur les bras. Nous pensons qu'ils peuvent faire plus, qu'ils devraient faire plus", a-t-il estimé.

Nikolaï Kojanov, de l'Université européenne de Saint-Pétersbourg, pense que le Congrès va surtout servir à "renforcer les positions de l'opposition plus loyale" au président syrien Bachar el-Assad. "L'influence de Moscou sur Assad est limitée. Ce n'est pas une marionnette de la Russie", a-t-il souligné. "Sans la Russie, l'aide de l'Iran ne l'aurait pas maintenu au pouvoir. Mais sans l'Iran, la Russie aurait eu du mal à le maintenir. Cela donne un équilibre sur lequel s'appuie Assad", a-t-il commenté. Selon lui, tout règlement politique devra malgré tout être validé par l'ONU. "Au final, il sera impossible de se passer de Genève", a-t-il estimé.

 

 

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