Le régime syrien semble vouloir mener la danse à Genève. Alors que le huitième round des pourparlers sur l'avenir de la Syrie a commencé hier, les représentants du gouvernement de Bachar el-Assad ne devraient arriver qu'aujourd'hui sur les bords du lac Léman, d'après Alessandra Vellucci, porte-parole de l'ONU à Genève. La délégation gouvernementale syrienne avait prévenu dimanche soir le médiateur de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, de ce retard délibéré, décidé pour protester contre la décision de l'opposition, réunie la semaine dernière en Arabie saoudite, de continuer à réclamer le départ immédiat du président Assad du pouvoir.
Ces débuts difficiles ne laissent augurer rien de bon pour la suite, et des progrès dans les discussions à venir paraissent peu probables. L'opposition est certes unifiée pour la première fois depuis le début du conflit, résultat de la réunion la semaine dernière à Riyad de toutes ses composantes. Une délégation unique et unifiée a été composée pour négocier avec le régime, et le communiqué final a pour la première fois appelé à des discussions directes, sans conditions préalables des deux côtés... tout en continuant de réclamer le départ du président Assad dès le début d'un processus éventuel de transition.
Et cette exigence, sur laquelle butent toutes les rencontres diplomatiques depuis qu'elles ont commencé, a été réitérée par Nasr Hariri, le chef de la délégation de l'opposition, à son arrivée à Genève, où se déroule le seul processus « légitime » aux yeux de Paris et de Washington. « Le processus de Genève demeure le seul cadre agréé par la communauté internationale pour la recherche d'une solution politique en Syrie », a rappelé hier Agnès Romatet-Espagne, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. « En appui au processus de Genève, la France agit pour mobiliser les membres permanents du Conseil de sécurité afin de soutenir la médiation de M. de Mistura et faire émerger les contours d'un règlement politique », a-t-elle ajouté, alors que la France a organisé en matinée une rencontre à Genève avec les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni), en présence de M. de Mistura.
(Lire aussi : Avant Genève, qui veut quoi, qui peut quoi ?)
Forcing damascène
Dans un tel contexte, la décision de la délégation officielle syrienne de forcer les participants de Genève VIII à attendre son arrivée pour entamer les pourparlers n'est pas difficile à décrypter. Il s'agit avant tout, pour Damas, d'imposer son propre rythme, de garder la main diplomatiquement, tout en se montrant disposé à s'asseoir à la table des discussions. Des rencontres sans délégation gouvernementale syrienne ou un quelconque représentant du régime seraient de facto inutiles.
À quelques jours d'un congrès du dialogue national à Sotchi, censé avoir lieu début décembre sous l'égide de la Russie, de l'Iran – alliés du régime Assad – et de la Turquie, un tel forcing de la part de Damas ne peut que donner davantage de poids à toute rencontre organisée par ses parrains russe et iranien. Alors que Staffan de Mistura a déjà organisé sept cycles de discussions à Genève depuis 2016, tous sans succès, sept rencontres initiées en parallèle par le président russe Vladimir Poutine ont réuni régime et opposition à Astana, au Kazakhstan, qui ont fini par mener à la création de quatre zones de désescalade en Syrie, réussissant là où M. de Mistura avait échoué, contribuant à la baisse relative, sinon à l'arrêt total, des violences sur le terrain syrien. La Russie a ainsi proposé – et obtenu – hier un cessez-le-feu dans la Ghouta orientale, l'une de ces quatre zones de désescalade, assiégée depuis 2013 par le régime syrien et où la situation humanitaire est catastrophique. Une décision qui vise à montrer que le régime syrien est en possession de toutes les cartes, même sur le terrain, avant d'entamer les discussions à Genève.
Reste à voir comment se dérouleront les pourparlers à Genève et dans quelles dispositions seront les participants. Au menu des discussions, la rédaction d'une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections. Staffan de Mistura compte également tenter d'obtenir que les deux délégations discutent de manière directe, ce qui n'était pas le cas jusque-là.
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15 h 19, le 29 novembre 2017