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Moyen Orient et Monde - Climat

À la COP23, la transition à pas de fourmi

Si certains points des négociations ont été mis sur les rails, d'autres restent en suspens, notamment les considérations financières.

Le « fossile du jour » attribué au groupe des pays arabes et à l’Inde pour « obstruction des négociations ».

La 23e conférence des parties de l'agence onusienne sur le climat, la CCNUCC, se termine officiellement aujourd'hui, mais depuis hier règne déjà une atmosphère de fin de sommet. Un négociateur dénonce même une certaine « nonchalance » dans les débats. Et pour cause : cette COP23 était un événement transitoire par excellence, tous les yeux étant déjà rivés vers 2018 à Katowice en Pologne, une COP d'ores et déjà qualifiée de plus « politique » puisque les pays devront (ou devraient plutôt) y annoncer des objectifs plus ambitieux de réduction de leurs émissions. En bref, des négociations qui avancent à une lenteur de fourmi, alors que se multiplient les rapports scientifiques alarmants dont le seul mot d'ordre est : « On ne peut plus attendre ! »

Rappelons qu'en marge de l'adoption de l'accord de Paris (global) en 2015, les pays ont présenté des « contributions nationales volontaires », en d'autres termes des engagements pris de manière volontaire, sans contrainte aucune. Alors même que l'accord de Paris place la limite de réchauffement à deux degrés, et même au plus proche de 1,5 degré par rapport aux températures de l'ère préindustrielle, l'ensemble des engagements des pays, suivant les calculs de l'ONU, maintiennent le monde sur une trajectoire de hausse de trois degrés environ. D'où l'effort de mettre en place un processus visant à pousser ces pays à revoir leurs engagements à la hausse.

Dans cette COP23 principalement conçue pour décider de feuilles de route pour l'avenir, il a été question des finances, le point litigieux par excellence qui traverse les années, ainsi que de la mise sur les rails du processus de révision à la hausse des ambitions par le biais de ce que les Fidjiens ont appelé « le dialogue de Talanoa », et, enfin, la poursuite de l'élaboration du guide sur la mise en application de l'accord de Paris, un texte-cadre dont les dispositions avaient besoin d'être précisées.

 

(Lire aussi : Climat: Macron et Merkel soulignent à l'unisson leur détermination à agir)

 

De l'ambition dans l'air ?
Mohammad Adaw, de l'ONG internationale Christian Aid, un des observateurs africains de longue date des négociations climatiques, n'est pas déçu des progrès réalisés au niveau de ce dialogue sur l'ambition. « Le dialogue de Talanoa est un outil parfait pour pousser les pays à prendre des engagements mieux en accord avec les objectifs fixés à Paris, explique-t-il à L'OLJ. Le processus est sur les rails, et chaque équipe aura un an pour étudier les moyens d'avancer sur ce terrain, et revenir avec une proposition concrète. »
Pour Safaa el-Jayoussi, directrice exécutive de l'ONG IndyAct et observatrice chevronnée des négociations dans les pays arabes, cette COP a tenu ses (très maigres) promesses, en délivrant des mécanismes nécessaires, comme celui de la feuille de route des révisions d'ambition d'ici à 2018. « Le point très positif, dit-elle à L'OLJ, est la mise sur le tapis du sujet des efforts de réduction d'émissions avant 2020 (NDLR : date d'entrée en vigueur de l'accord de Paris). Cela est très encourageant parce qu'il est crucial de commencer à inverser la tendance des émissions mondiales avant cette date butoir, afin d'éviter les pires conséquences du changement climatique. »

Mais tout n'est pas rose, loin de là. Ainsi que le note bien Vahakn Kabakian, négociateur dans l'équipe libanaise et chef de projet sur le changement climatique au PNUD, basé au ministère de l'Environnement, les finances restent un terrain litigieux sur lequel les différents groupes de pays n'arrivent pas à s'entendre. Creusant davantage la question, Mohammad Adaw souligne que la discorde entre pays développés et pays en développement reste celle de savoir où ira cet argent mis dans la caisse, et qui devrait atteindre les 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.

« Les pays en développement insistent pour que le financement d'actions pour une meilleure adaptation au climat changeant soit inclus dans les dispositions de l'accord de Paris, parce que pour l'instant, il reste inclus sous le protocole de Kyoto (qui prend fin en 2020), explique-t-il. Cela inquiète les pays en développement qui comptent sur cet argent en vue de faire face aux changements, et sur ce point, je crois qu'il reste beaucoup à faire. » Ce qui n'a pas empêché ce fonds pour l'adaptation de recevoir hier des promesses de dons de l'ordre de 81 millions de dollars.

La finance est donc encore un débat qui sera probablement reporté à l'année d'après, ce qui n'étonne pas outre mesure Vahakn Kabakian, pour qui cette COP était « une étape de préparation pour l'année prochaine, ce qui a été effectivement réalisé », dit-il à L'OLJ.

 

(Lire aussi : Lutte contre le changement climatique : comment sortir du discours vague pour aller à l'essentiel)

 

Une alliance contre le charbon
Pour Safaa el-Jayoussi, cependant, une bonne surprise est venue de l'annonce de l'alliance globale contre le charbon, énergie fossile extrêmement polluante mais toujours largement utilisée de par le monde pour la production d'énergie. Une alliance de 25 pays et régions – il y a même certains États des États-Unis hostiles à la décision de leur gouvernement fédéral – lancée par la Grande-Bretagne et le Canada. L'Allemagne, largement critiquée au cours de cette COP pour son utilisation du charbon, ne figure pas sur la liste.

Parallèlement à cette annonce et dans un contexte d'efforts pour l'éradication des énergies fossiles, le groupe des pays arabes reste soupçonné d'une volonté de freiner les négociations, certains de ces pays (pas tous évidemment) ne s'étant pliés que de très mauvaise grâce à la pression de devoir signer l'accord de Paris, selon une source. Le groupe international d'ONG Réseau d'action pour le climat (CAN) leur a décerné hier son « fossile du jour », ainsi qu'à l'Inde, pour ce qu'il a appelé « une volonté d'obstruction des négociations, et notamment de la transition vers les énergies renouvelables, sous divers prétextes ». Une obstruction qui ne serait pas étrangère à la décision des États-Unis de se retirer de l'accord de Paris en 2020 et qui fournit le parfait prétexte à plus d'un, ce qui pose des points d'interrogation sur l'avenir du financement des actions climatiques.

En cette fin de sommet, malgré une nouvelle alliance contre le charbon et de nombreux programmes annoncés, les négociations semblent se cantonner à des aspects techniques. Les efforts contre le changement climatique continuent, quoi qu'on en dise et quels que soient les progrès, de n'avoir rien de contraignant. Rien ne semble combler, pour le moment, le fossé avec les cris d'alarme de la science.

 

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