La démission du Premier ministre Saad Hariri a marqué une rupture avec le compromis de la présidentielle. Une rupture que le Hezbollah ainsi que le chef de l'État avaient choisi de contourner, en se focalisant sur la « contrainte » qu'aurait exercée le pouvoir saoudien sur M. Hariri. « Les surenchères d'amour à l'égard de Saad Hariri sont risibles, émanant de ceux-là mêmes qui avaient assassiné son père », avait tweeté samedi le ministre d'État saoudien, Thamer el-Sabhane.
À travers son apparition télévisée hier soir, Saad Hariri a d'abord levé l'ambiguïté sur sa démission, en confirmant sa volonté de la transmettre formellement, en temps voulu, au chef de l'État. Il s'est en outre exprimé dans une perspective d'un retour imminent au Liban, qu'il a été jusqu'à fixer à « dans les prochains jours ». Il a ainsi écarté l'hypothèse de son retrait de la vie politique libanaise, tout en confirmant l'existence d'un agenda saoudien au Liban, « la nouvelle Arabie étant différente de l'ancienne ».
En optant pour un ton conciliateur, en nette discordance avec la virulence de son discours de démission, qui, a-t-il dit, avait pour objectif de produire « un électrochoc », M. Hariri a ôté tout caractère militaire que le Hezbollah continue d'accoler à cet agenda. Jusqu'à hier, des responsables de ce parti, notamment Nabil Kaouk, tenaient un discours de mobilisation guerrière face à Israël.
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Face à cette logique belliqueuse, enfermée dans un hermétisme pro-iranien – en attestent les parasitages sur l'entretien télévisé de M. Hariri, que la plupart des chaînes libanaises se sont abstenues de retransmettre, en osmose avec la position du chef de l'État selon qui les propos du Premier ministre « obtenus sous la contrainte sont nuls et non avenus » –, M. Hariri a pris une initiative envers le président Michel Aoun.
S'adressant à lui en tant que seule autorité à même de réunir tous les protagonistes autour d'un « dialogue franc », M. Hariri lui a proposé de renflouer le compromis, mais en le rééquilibrant. C'est-à-dire en instaurant un respect réciproque de la politique de distanciation.
« Nous voulons un compromis définitif sur base de la question de la distanciation », telle que prévue dans la déclaration ministérielle, a-t-il confié. Même si le compromis actuel est rompu, la volonté du leader du courant du Futur serait donc de le rétablir, selon les règles qui l'avaient dicté, sans plus, avant que celles-ci ne soient enfreintes par le Hezbollah. « C'est comme si Saad Hariri était revenu à l'instant où il négociait le compromis de l'élection de Michel Aoun », constate l'analyste Sami Nader.
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Sauf que cette fois, le pari n'est plus seulement sur l'aptitude de Michel Aoun à l'équidistance, mais sur sa proximité, qu'il a fini par assumer ouvertement, avec le Hezbollah. M. Hariri s'est abstenu de tout commentaire sur les récentes positions du président justifiant les armes du Hezbollah. C'est au contraire, en homme de confiance, en garant de la neutralité du Liban, qu'il s'est adressé à lui, valorisant son rôle de rempart de la stabilité face à la confrontation irano-saoudienne. C'est d'ailleurs à lui exclusivement qu'il dit vouloir se confier sur les ressorts de cette confrontation au Liban. « L'Arabie aime le Liban, mais pas plus que ses intérêts », n'a-t-il eu de cesse de répéter, en déplorant le peu d'amour que portent les Libanais à leur pays.
Le Premier ministre appelle donc à neutraliser le conflit irano-saoudien au Liban – peut-être pour éviter des développements plus graves en phase avec la crise régionale –, chose qu'il lui sera impossible de mettre en œuvre sans le président Aoun.
L'ultime pari de la stabilité serait donc un pari sur la lucidité de Michel Aoun.
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commentaires (8)
Naif Aoun? Lol, plus cynique et lâche, on meurt.
Christine KHALIL
21 h 10, le 13 novembre 2017