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Liban - carte du tendre

Soirée aux Caves du Roy

Caves du Roy. Crédit photo : Yva Moufarrège.

La photo respire l'élégance jusque dans la texture et la qualité du papier. Les personnages sont sur leur trente et un, vestes impeccables et cravates pour les hommes, décolletés juste-ce-qu'il-faut pour les femmes joliment hâlées pour l'été. On est probablement au début des années 1960 et le photographe, qui écume les lieux sélects du quartier des grands hôtels tous les soirs pour revendre les photos-souvenirs le lendemain dans son studio, a parfaitement cadré ses sujets. Ceux-ci sont réunis autour d'une table où trônent de beaux verres, devant un mur étonnant où l'on distingue, dans une niche aménagée entre de belles pierres de taille bouchardées, sous une poutre massive, un bas-relief de style médiéval.

Pas de doute pour les connoisseurs : l'on se trouve bien aux Caves du Roy, et nos personnages se préparent à y passer une soirée mémorable, qui va peut-être démarrer par le « Foie Gras Truffé Strasbourg dans sa Gelée au Rubis », suivi des « Crevettes Flambées Fine Champagne », du « Blanc de Dindonneau Châtelaine » accompagné de la « Purée de Marrons » et de « Pointes d'Asperge au Beurre », avant de se terminer par le « Parfait Glacé et ses Tuiles aux Amandes ». Après le dîner, les convives se précipiteront sur la piste, située au niveau inférieur, là où les tables sont les plus prisées, pour y danser tango et cha-cha-cha.

S'il est un nom emblématique entre tous de l'âge d'or de Beyrouth, c'est bien celui des Caves du Roy. Fondé en 1954 par un des entrepreneurs les plus doués de sa génération, Prosper Gay-Para (PGP pour les intimes), dans le sous-sol de l'hôtel Excelsior qu'il vient de faire construire en face du Palm Beach et du Saint-Georges, ce haut lieu du Beyrouth by night va très rapidement devenir culte, et ce pour une durée record : plus de vingt ans ! Il faudra la guerre de 1975 et la destruction des grands hôtels pour mettre un terme provisoire à cette incroyable longévité. Vendues en 1977 par PGP au nouveau propriétaire de l'hôtel Excelsior, cheikh el-Ard, pour la coquette somme de deux millions de livres, les Caves reprendront vie pour quatre ans avant d'être à nouveau et définitivement dévastées lors de l'invasion israélienne.

Certains personnages de la photo sont toujours là pour témoigner, y compris la grand-mère de l'auteur de ces lignes, troisième à partir de la gauche. Elle se souvient de la classe et de la distinction des clients et du personnel, du service irréprochable et de l'excellente cuisine. Elle se souvient également qu'il arrivait que les Caves proposent des huîtres venues de France par avion, un luxe outrancier à l'époque, et qu'alors il fallait être un habitué pour en profiter, certains clients ayant leur table réservée tous les samedis de l'année. Elle se souvient encore de l'orchestre, car la musique s'y jouait live, et de l'impeccable barman qui servait, jusqu'à pas d'heure, des clients de renom assis devant le magnifique bar. « Ce n'est plus comme ça aujourd'hui », précise-t-elle, mais ça, on s'en doutait un peu.
Détail notable, les Caves sont toujours là et dorment, comme le Titanic, au fond des ruines de l'Excelsior.

Bien que le lieu soit aujourd'hui dans un état de délabrement avancé, l'on distingue encore le tapis rouge, l'incroyable bar mais surtout les bas-reliefs où le Roy et ses courtisanes semblent toujours inviter à faire la fête, clin d'œil d'une époque qui n'en demandait pas plus.

 

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La photo respire l'élégance jusque dans la texture et la qualité du papier. Les personnages sont sur leur trente et un, vestes impeccables et cravates pour les hommes, décolletés juste-ce-qu'il-faut pour les femmes joliment hâlées pour l'été. On est probablement au début des années 1960 et le photographe, qui écume les lieux sélects du quartier des grands hôtels tous les...

commentaires (4)

Petite erreur, dans les années 60 on ne dansait pas le tango aux caves du Roy, mais plutôt le rock, le twist, ou des slows. Je me souviens d'un orchestre italien dont le chanteur principal à la chevelure tombant jusqu'aux épaules chantait les tubes des Beatles, et ça se tortillait sur la piste de danse, hélas un peu petite !

ASSAF Milka

13 h 04, le 20 janvier 2018

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Commentaires (4)

  • Petite erreur, dans les années 60 on ne dansait pas le tango aux caves du Roy, mais plutôt le rock, le twist, ou des slows. Je me souviens d'un orchestre italien dont le chanteur principal à la chevelure tombant jusqu'aux épaules chantait les tubes des Beatles, et ça se tortillait sur la piste de danse, hélas un peu petite !

    ASSAF Milka

    13 h 04, le 20 janvier 2018

  • Les Caves du Roy qui peut oublier cet endroit , les soirées que j'ai passé, j'ai aussi des photos . Nous vivons avec nos souvenirs de Beyrouth et du Liban

    Eleni Caridopoulou

    20 h 14, le 11 décembre 2017

  • Jolie parenthèse dans cette actu bizarre et ravie de faire connaissance avec votre grand-mère. Autour de moi, beaucoup s'en souviennent, avec nostalgie, des Caves du roy et de soirées mythiques sur place mais personne n'était en mesure de citer les noms des plats à la carte. Vous avez fait comment? Le foie gras truffé Strasbourg dans sa gelée au rubis par exemple??

    Marionet

    09 h 02, le 12 novembre 2017

  • Ah, le Liban d'antan où il faisait bon de rêver d'un avenir meilleur...

    Wlek Sanferlou

    02 h 08, le 11 novembre 2017

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