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Liban - La Carte du Tendre

Dites l’heure avec des fleurs

Photo Georges Boustany/LLL

S'il faut se fier aux apparences, l'homme est l'un de ces jeunes étudiants contestataires anticapitalistes, antisystème, anti-establishment de cette époque : cheveux en rupture avec la mode de papa, barbe audacieuse tendance gauchiste, mine se voulant menaçante quoique à peine sortie de l'adolescence, et eût-il abaissé son angle de vue, il est permis d'imaginer que le photographe eût saisi dans les mains du jeune révolté un pavé prêt à être lancé sur une vitrine de notre bonne vieille place des Martyrs de ce début des années 1970.

Derrière, petite escapade touristique, avec à gauche un lieu légendaire qui devait opportunément s'effondrer à la suite d'un incendie trois ans avant que la guerre ne le balaie : le théâtre Farouk, reconnaissable à ses tuiles qui teintent de rouge les cartes postales aux couleurs vives de nos années de nostalgie. Au centre, au rez-de-chaussée, on peut reconnaître l'enseigne triangulaire de l'ABC, un des principaux points de repère du vieux Beyrouth, installé à cet endroit depuis 1947.

Mais ce qui capte surtout l'attention est cette butte curieuse devant laquelle se tient notre homme : il s'agit en fait d'une horloge florale de dix mètres de diamètre, œuvre de Michel Medawar, inaugurée en grande pompe le 1er janvier 1969 par le président de la République en personne. Située en contrebas de la statue des martyrs, elle avait à cette occasion souhaité, de sa voix mécanique trilingue, la bonne année à Charles Hélou avant de se mettre à réciter les heures à l'intention des passants et des touristes. Soixante camions de terre avaient été nécessaires pour créer ce monticule planté de fleurs composant, entre autres, les chiffres de l'heure et l'emblème phénicien d'Astarté.

L'horloge florale, dont la mécanique sponsorisée par Patek Philippe lui-même se voulait d'une précision exceptionnelle (une seconde de décalage en trois ans, soit deux secondes avant sa destruction), n'aura duré que ce que durent les fleurs, avant que les combats n'aient raison de cet élan de beauté. En 1977, à la suite de la « guerre des deux ans », les bulldozers ne feront qu'une bouchée de ses restes, des aiguilles de plusieurs dizaines de kilos. Elle aura vécu si peu de temps que seules quelques photos comme celle-ci, une poignée d'articles de journaux et encore moins de cartes postales en gardent témoignage. L'occasion de rendre justice à notre jeune homme qui, loin d'être un anarchiste, se faisait tout simplement photographier devant cette curiosité touristique de son temps.

 

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S'il faut se fier aux apparences, l'homme est l'un de ces jeunes étudiants contestataires anticapitalistes, antisystème, anti-establishment de cette époque : cheveux en rupture avec la mode de papa, barbe audacieuse tendance gauchiste, mine se voulant menaçante quoique à peine sortie de l'adolescence, et eût-il abaissé son angle de vue, il est permis d'imaginer que le photographe eût...

commentaires (1)

La liberté d'expression me permet d'jouter ceci : Je n'ai jamais accepté l'installation de l'horloge de Michel Médawar à l'endroit où se trouvait le Petit Sérail depuis les années 1880 et ce, pour une raison sentimentale. Je connaissais le Petit Sérail depuis les années 1935, quand je venais à Beyrouth avec mes parents, dès notre arrivée nous prenions un fiacre parqué sous les sycomores face au Sérail pour aller visiter des parents à Zouqaq-el-Blatt. En plus, en ma qualité de gaulliste historique, j'imagine le général de Gaulle en visite au Petit Sérail le 27/7/1941 pour rencontrer le Président de la République Alfred Naccache et échanger solennellement des propos pleins d'optimisme*. Le Petit Sérail démoli en 1950 afin de "dégager la vue" devant le cinéma Rivoli des Makassed.

Un Libanais

14 h 44, le 14 octobre 2017

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Commentaires (1)

  • La liberté d'expression me permet d'jouter ceci : Je n'ai jamais accepté l'installation de l'horloge de Michel Médawar à l'endroit où se trouvait le Petit Sérail depuis les années 1880 et ce, pour une raison sentimentale. Je connaissais le Petit Sérail depuis les années 1935, quand je venais à Beyrouth avec mes parents, dès notre arrivée nous prenions un fiacre parqué sous les sycomores face au Sérail pour aller visiter des parents à Zouqaq-el-Blatt. En plus, en ma qualité de gaulliste historique, j'imagine le général de Gaulle en visite au Petit Sérail le 27/7/1941 pour rencontrer le Président de la République Alfred Naccache et échanger solennellement des propos pleins d'optimisme*. Le Petit Sérail démoli en 1950 afin de "dégager la vue" devant le cinéma Rivoli des Makassed.

    Un Libanais

    14 h 44, le 14 octobre 2017

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