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Culture - Rencontre

Darina al-Joundi : J’ai écrit l’histoire de May Ziadé pour accepter la mienne

L'auteure et comédienne signe au Salon du livre son troisième opus, « Prisonnière du Levant » (éditions nos héroïnes, Grasset), et évoque cette région à laquelle elle est très attachée.

Darina al-Joundi : «  J’écris comme je le dis et je joue comme je vis. » Photo Michel Sayegh

Darina al-Joundi parle à grand renfort de gestes, ses mains effectuent des circonvolutions dans l'air, comme une danseuse de ballet qui s'exprime avec son corps, ou comme quelqu'un qui voudrait chasser certaines pensées et en rapprocher d'autres. Les mots, qu'elle fait siens avec aisance, sont directs, francs, honnêtes, et son rire se répercute en faisant des ondes. Un écho qui traverse les couloirs du temps.

 

Miroir pour l'éternité
Dans la préface de son troisième opus, Prisonnière du Levant (éditions nos héroïnes, Grasset), qu'elle est venue présenter au Salon du livre, l'auteure a écrit un beau merci à May Ziadé, la grande poétesse et romancière libanaise du début du XXe siècle à qui elle dédie cet ouvrage en reprenant les mots d'Ahmad Shamfou : « Je mets un miroir devant le tien. Pour faire de toi une éternité. » Plus loin, elle explique les raisons qui l'ont poussée à rédiger ce roman : « J'ai décidé d'écrire l'histoire de May Ziadé pour m'aider à accepter la mienne. Un peu comme une thérapie. J'avais besoin de savoir que quelqu'un était passé par là. » En May Ziadé, Darina al-Joundi retrouve son alter ego, son autre. Et bien que la grande écrivaine vouait un amour platonique à Gebran Khalil Gebran et que la comédienne porte, elle, un amour profond pour l'amour tout court, les similitudes sont nombreuses entre les deux femmes. Féministes engagées, par exemple, elles ont toutes deux provoqué maintes vagues et toutes deux été internées à l'instigation de leurs familles respectives.

Darina al-Joundi est un électron libre. Inclassable. Sans la moindre étiquette. « J'écris comme je le dis, et je joue comme je vis. Le but de mon écriture n'est pas de soigner un vocabulaire recherché, mais de faire parvenir les émotions que je ressens en écrivant des mots vivants. C'est tout d'abord à moi-même que je le fais. Je m'approprie tout. Et les mots et la pièce. Je transforme ainsi mes douleurs en rêves, en succès, en joies. Je ne distingue pas entre Darina la comédienne et Darina l'auteure. »

 

Censure
Contrairement au titre de son roman – qui pourrait faire l'objet d'un film et non d'une pièce de théâtre, cette fois-ci –, Darina al-Joundi se dit non prisonnière du Levant. Elle peut être embastillée par l'amour, mais ceci est une autre histoire. Pour réaliser son ouvrage, l'auteure entame ses recherches en 2001, rassemble la matière qu'il faut, voyage au Caire sur les traces de la grande écrivaine, visite les moindres recoins qu'elle fréquentait, lit ses correspondances, ses écrits, le legs qu'elle a laissé. En osmose avec elle, elle va même se recueillir sur sa tombe pour lui dire merci. « May Ziadé m'a suivie, m'a aidée, m'a soutenue et m'a guidée quand j'étais à l'asile. C'est la moindre des choses que je rende cet hommage à sa personne et à sa vie intense. »

La tumultueuse Darina al-Joundi sursaute pourtant lorsqu'on évoque ses frasques. Et elle part d'un grand éclat de rire : « J'ai vécu une vie riche et je ne regrette rien. » Mais pourquoi donc refuse-t-elle de présenter au Liban sa pièce Le jour où Nina Simone chantait, alors qu'elle a été jouée dans plus de trente pays ? « Quand la censure cessera d'exister au pays du Cèdre, à ce moment-là, on en reparlera. Mais ne me comprenez pas mal. Je ne suis pas en colère contre mon pays uniquement. Je suis en colère contre le monde entier. Contre l'injustice, la haine, le manque de communication... »
Une colère qui se traduit chez elle en mots et en gestes, mais aussi en rires.

 

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