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Moyen Orient et Monde - États-Unis

Trump et les médias : un prisme qui s’est aggravé...pour le bonheur des deux

En un an, les grandes rédactions sont devenues de plus en plus clivées dans leurs positions face à l'hôte de la Maison-Blanche.

Les unes des journaux au lendemain de l’élection de Donald Trump, le 10 novembre 2016. Benjamin Fathers/AFP

La nouvelle tombe comme un couperet dans les grandes rédactions américaines le soir du 8 novembre 2016 : Donald Trump est élu 45e président des États-Unis. L'ensemble des médias est sous le choc, et pour cause, personne n'a vu venir cette victoire considérée comme absolument improbable par la plupart : peu ont été ceux à parier sur l'élection de ce magnat de l'immobilier et ancienne star de téléréalité.

Au lendemain de l'élection, les mea culpa s'enchaînent du côté des médias. La pilule est difficile à avaler. Les journalistes tentent d'expliquer la victoire du candidat républicain, font vœu de réajuster leurs méthodes de travail. Ils reconnaissent surtout avoir sous-estimé la popularité de Donald Trump à travers le pays, notamment chez les classes populaires blanches, un lectorat et une audience oubliés, mais bel et bien présents et laissés de côté dans la couverture médiatique de l'élection. Durant la campagne, seulement une douzaine de journaux se sont portés en faveur de Donald Trump contre pas moins de 200 en faveur d'Hillary Clinton, selon une étude menée par le journal en ligne Politico.

« Le raté de mardi soir était beaucoup plus qu'un échec dans les sondages. Ce fut un échec à capter la colère bouillonnante d'une grande partie de l'électorat américain qui se sent abandonnée par une récupération sélective, trahie par des accords commerciaux qu'elle considère comme des menaces pour les emplois et non respectée par l'establishment de Washington, Wall Street et les médias traditionnels », écrit Jim Rutenberg, journaliste au New York Times, le 9 novembre 2016. « Les journalistes n'ont pas remis en question les résultats des sondages quand ils confirmaient leur intuition que M. Trump ne pourrait y arriver même en un million d'années. Ils ont dépeint les partisans de Trump qui croyaient encore qu'il avait une chance comme étant déconnectés de la réalité. En fin de compte, c'était l'inverse », admet-il.

Même son de cloche du côté du Washington Post et du New Yorker, qui regrettent de ne pas avoir vu plus tôt les signaux annonçant une possible élection du milliardaire. Pourtant, suite à la nomination de Donald Trump en mars 2016 pour représenter le Parti républicain lors de la course présidentielle, des voix s'étaient déjà élevées pour dénoncer la responsabilité des médias dans son élection, mais aucun changement notable ne s'en est suivi.
« Le mea culpa de la presse américaine a révélé sa capacité à se remettre en question », observe Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS, Paris) et spécialiste des États-Unis, contactée par L'Orient-Le Jour. « Cela montre aussi le profond clivage idéologique dans le pays et la division du paysage médiatique aux États-Unis : les médias plus traditionnels se sont trompés sur Trump et pourtant d'autres, moins connus, avait prédit sa victoire », ajoute-t-elle.
À la fin de l'année 2016, les médias promettent donc de tirer les leçons de la couverture de l'élection, mais surtout, de sortir de la bulle médiatique du pays.

Les instituts de sondage, autre facteur crucial dans la couverture médiatique de la campagne, présentent également leurs plates excuses. La plupart des sondages annonçaient une victoire écrasante pour la candidate démocrate oscillant entre 70 %, voire 90 %. Les choix des panels et les méthodes de calcul inadaptées au contexte sont pointés du doigt par les sondeurs eux-mêmes.

 

(Pour mémoire : A Phoenix, Trump étrille à nouveau les médias)

 

 

Des médias plus « polarisés »
L'impact des résultats de l'élection a cependant été moindre sur les méthodes de travail des sondeurs, qui avaient correctement prédit la victoire d'Hillary Clinton dans le vote populaire (48,2 % contre 46,1 % pour Donald Trump), nuance Frank Newport, éditeur en chef de l'institut Gallup, contacté par L'Orient-Le Jour. « Ce sont ces mêmes sondages que nous utilisons pour estimer les tendances au sein de la population nationale », indique-t-il. « Donc je dirai que peu de choses ont changé dans la manière de mener les enquêtes suite à l'élection de l'année dernière, bien que les méthodes de sondage évoluent constamment », estime le spécialiste.

Et malgré les promesses faites à la fin de l'année 2016, peu de choses ont changé concernant la couverture médiatique du locataire de la Maison-Blanche. Les médias pro-Trump, tels que la chaîne Fox News et le site Breitbart News, et anti-Trump ont respectivement renforcé leur positionnement initial à l'égard du président américain, devenant de plus en plus « polarisés », observe M. Newport.
« Nombreux sont ceux dans la presse aujourd'hui qui traitent Trump comme un témoin hostile. Ils vérifient tout ce qu'il dit et soulignent ses dérapages », à l'instar du New York Times et du Washington Post, note pour sa part Theodore L. Glasser, professeur émérite en journalisme et en communication à l'université de Stanford.
« Les enquêtes sur le fonctionnement de la Maison-Blanche sont plus approfondies, les partisans de Trump sont pris plus au sérieux », souligne également Marie-Cécile Naves.

Pourtant, la tentative des médias de se rapprocher des citoyens américains semble donner peu de résultats. Selon une étude du Pew Research Center, sur 3 000 articles et reportages de 24 organes d'information (télévision, radio et presse écrite) examinés couvrant l'administration Trump durant ses 100 premiers jours, seulement 5 % d'entre eux citent un citoyen américain.
Car le personnage Donald Trump est sans précédent aux États-Unis. Le président s'emporte sur Twitter, contourne les médias classiques pour s'exprimer, entre en guerre contre les médias qui lui sont hostiles, les traitent de « fake news » avant de les bannir des conférences de presse de la Maison-Blanche. « Trump a volontairement contourné les normes politiques traditionnelles, amenant l'attention des médias sur ce qu'il dit et la manière dont il le dit, plutôt que de seulement se concentrer sur ses politiques ou ses positions », précise M. Newport.

Le Pew Research Center démontre par ailleurs que sur les 100 premiers jours de Donald Trump à la Maison-Blanche, une grande majorité de ces articles fondent la couverture du président plutôt sur son caractère et son leadership que sur les politiques annoncées ou mises en place par son administration.

Plus que jamais, l'affrontement idéologique et politique entre républicains et démocrates se joue donc au sein des rédactions. Et dans le même temps, le locataire de la Maison-Blanche représente un marché particulièrement lucratif pour les organes d'information. « Ce n'est peut-être pas bon pour l'Amérique, mais c'est sacrément bon pour CBS », reconnaît Leslie Moonves, PDG de la chaîne, à propos de la candidature de Trump en février 2016. Car les frasques et paroles du président font vendre et attirent l'attention des publicitaires. Entre autres, la chaîne CNN a engrangé 100 millions de dollars en plus par rapport à ses profits habituels pour une année d'élection présidentielle grâce aux placements publicitaires pour l'année 2016.

Toujours porté par l'effet Trump, le New York Times, régulièrement dans le collimateur du président, a, pour sa part, enregistré au premier trimestre 2017 un gain net de 348 000 abonnés en ligne.

 

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