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Liban - Interview

« Entre la justice et la politique, il faut rechercher le dialogue »

Laszlo Trocsanyi, ministre hongrois de la Justice récemment en visite au Liban, a signé un protocole d'entente avec son homologue libanais.

« Il faut désormais discuter de la reconstruction en Syrie », affirme le ministre hongrois de la Justice.

C'était à la veille de la démission-surprise du chef du gouvernement que le ministre hongrois de la Justice, Laszlo Trocsanyi, effectuait une visite à Beyrouth, en vue de signer un protocole entre les deux ministères. Rencontré à Beyrouth, il explique à L'Orient-Le Jour que « ce partenariat porte sur une participation à la formation de juges, un échange d'informations, une organisation de tables rondes... ».

À la question de savoir ce que peuvent s'échanger la Hongrie et le Liban dans le cadre de ce partenariat, il répond : « La justice s'internationalise. Tous les juges sont intéressés par la jurisprudence d'autres pays. Des questions comme le respect de la vie privée, la dignité humaine... les préoccupent parce qu'elles sont interprétées de différentes manières sous différents cieux, mais devraient faire l'objet d'une plus grande harmonie. Si les chefs politiques sont habitués aux conflits, les juges, eux, recherchent le compromis et les réponses. »

Il cite l'exemple de la question des migrations en Europe, interprétée de manières diverses suivant les visions politiques. Sachant qu'il se trouve au Liban qui accueille un nombre très important de réfugiés, alors que son propre pays a été critiqué pour avoir refoulé des migrants, quelle est sa vision de ce problème et comment évalue-t-il la politique européenne en la matière ? « L'Europe a affronté cette crise migratoire sans préparation, estime-t-il. Les causes de ce flux migratoire varient entre instabilité politique, guerres et changement climatique au Sud... Mais les réponses apportées par Bruxelles passent par un système de quotas, afin de répartir ces réfugiés entre différents pays membres de l'Union européenne. Nous estimons que ce système de quotas ne fonctionne pas pour différentes raisons : d'une part, cette formule est inefficace parce que ces réfugiés veulent surtout se rendre dans des pays comme l'Allemagne ou la Suède. La Hongrie, pour eux, est un pays de transit. D'autre part, nous ne souhaitons pas une Europe fédérale. Nous restons attachés à la question de la souveraineté et estimons que le quota doit rester volontaire et non obligatoire, pas comme veulent l'imposer les autorités à Bruxelles. Preuve en est, seule Malte a pu respecter ce quota jusque-là. »

Et d'ajouter : « Un autre argument présenté par la Hongrie tient au fait que ce pays fait partie de l'espace Schengen. En 2015, près de 400 000 migrants sont passés par son sol. Quelle était la dernière fois que 400 000 personnes ont traversé un pays ? Conscients qu'il faut contrôler ceux qui pénètrent en territoire hongrois, nous avons alors construit une clôture pour laquelle nous avons été critiqués. Or comment faire autrement ? Quand il y a eu des actes terroristes à Paris et à Bruxelles, les terroristes ont été identifiés comme étant passés par le territoire hongrois. »

 

(Pour mémoire : Après le Danemark, la Hongrie met en garde les migrants par le biais de la presse libanaise)

 

« Les réfugiés sont-ils prêts à rentrer ? »
M. Trocsanyi précise avoir visité un camp de réfugiés syriens au Liban-Nord, géré par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Il affirme avoir discuté avec les Syriens de leur éventuel retour dans des zones sûres en Syrie, mais assure avoir constaté que ces familles, vivant depuis cinq ans au Liban, semblent ne pas être prêtes à rentrer dans leur pays. « Et c'est la grande question, dit-il. Je pense que le Liban a fait un travail énorme, mais il faut désormais réfléchir à la reconstruction de la Syrie, aux acteurs qui vont y participer, notamment les Syriens eux-mêmes, afin que ces personnes puissent rentrer chez elles. » Il précise que la Hongrie a donné des fonds pour l'éducation des réfugiés, notamment.

Très attaché à l'idée de souveraineté nationale, comme on peut le constater à travers son discours, le ministre hongrois de la Justice l'est tout autant de la question d'identité constitutionnelle. « L'identité constitutionnelle est importante dans un monde globalisé, dit-il. Aujourd'hui, il existe un clivage entre les institutions européennes et les citoyens, ces derniers ne comprenant souvent pas comment fonctionne la machine européenne, malgré son importance. Or chaque pays dispose d'une Constitution nationale qui joue un rôle de cohésion intérieure dans la société. Le traité européen ne peut pas donner réponse à tout, les valeurs sont véhiculées par la Constitution. Cette notion est cruciale pour un pays multiconfessionnel comme le Liban aussi. »

 

(Lire aussi : Le primat de Hongrie invite les Libanais à « s’attacher à l’espérance »)

 

Les juges et l'élaboration des lois
L'autre volet de sa visite est la coopération universitaire, sachant qu'il existe déjà un partenariat entre l'université où enseigne le ministre en Hongrie, Szeged, et l'Université Saint-Joseph (USJ), où il a donné une intervention sur les liens entre monde politique et justice au cours de son séjour.

M. Trocsanyi parle aussi d'un programme plus vaste de bourses à l'intention d'étudiants libanais en Hongrie. « Jusque-là, 15 étudiants libanais en ont bénéficié, souligne-t-il. Actuellement, nous réservons cinquante nouvelles places aux étudiants. Nous avons pu offrir des études gratuites à 400 Syriens, ce qui prouve bien que les critiques sur notre manque de solidarité ne sont pas fondées ! »

De par son intervention à l'USJ durant son séjour, comment définit-il les relations entre l'exécutif et le pouvoir judiciaire ? « Je pense que le dialogue est très important pour dissiper d'éventuelles tensions qui pourraient naître entre les juges et le monde politique, dit-il. À titre d'exemple, quand un gouvernement veut proposer une loi, il me semble nécessaire d'inviter les juges parce que ce sont eux qui l'appliqueront par la suite. Le ministre de la Justice ne peut jamais critiquer la décision d'un juge, mais il peut inviter les juges à discuter de l'élaboration des lois, afin qu'à terme la population soit satisfaite de la prestation de la justice et que les décisions judiciaires soient prises dans un délai raisonnable. »

 

 

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