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Liban - Institutions

Aoun : Une justice tardive n’est pas une justice

Renouant avec une tradition négligée depuis 2010, le CSM inaugure la nouvelle année judiciaire en grande pompe. Le 8 juin sera désormais commémoré comme la journée des « martyrs de la justice ».

Le chef de l’État prononçant son discours lors de l’ouverture de l’année judiciaire 2017-2018. Photo ANI

Le corps de la magistrature a renoué hier avec une tradition négligée depuis sept ans : l'organisation d'une cérémonie oratoire pour l'inauguration de la nouvelle année judiciaire. Une solennité particulière a entouré cette année cette cérémonie, qui s'est tenue dans la salle des pas perdus du Palais de justice, en présence des trois présidents, Michel Aoun, Nabih Berry et Saad Hariri, ainsi qu'en présence du ministre de la Justice Salim Jreissati, des deux bâtonniers de Beyrouth et Tripoli, Antonio el-Hachem et Fahd Mokaddem, des anciens chefs de l'État Amine Gemayel et Michel Sleiman, de tous les corps constitués de la magistrature et d'une foule d'officiels, de juges, d'avocats et de membres du corps diplomatique.

Avant de prendre la parole, le chef de l'État a décrété que le 8 juin sera désormais commémoré comme la journée des « martyrs de la justice », en hommage aux quatre juges assassinés le 8 juin 1999 à Saïda, au Liban-Sud. Hassan Osman, Imad Fouad Chéhab, Walid Harmouche et Assem Bou Daher qui occupaient respectivement les postes de président et de membres de la Cour criminelle de Saïda, et de procureur général auprès de cette cour, avaient été mitraillés en plein prétoire. On sait que l'acte d'accusation dans cette affaire qui a défrayé la chronique vient de paraître et qu'il incrimine plusieurs membres de l'organisation islamiste Osbat el-Ansar.

Des mots prononcés hier à cette occasion se distingue celui du chef de l'État, qui a développé à gros traits sa vision du système judiciaire, « pierre angulaire de toutes les institutions », définissant comme relevant de la justice « toutes les institutions qui règlent les différents entre les personnes et publient des jugements, ou qui décident de la validité ou de l'invalidité d'un jugement, en cas de recours ».

 

Corps élu
Puis le chef de l'État a parlé de la possibilité de transformer la magistrature « en un corps élu », et non plus partiellement nommé, de sorte que son statut soit celui d'un pouvoir indépendant, « y compris sur le plan administratif ».
Mais, a-t-il relevé, « ce changement demande du temps et présente des difficultés. Entre-temps, il faut réaliser que les lois et règlements n'ont pas de valeur et ne garantissent pas la justice, si celui qui veille à leur application n'a pas les vertus morales, la compétence et la conscience éclairée qui lui permettent de vaincre la peur et la séduction ».

Des « rumeurs » accusent le système judiciaire d'être « corrompu, inefficace ou vendu au pouvoir politique, a reconnu le chef de l'État (...) et lorsque les rumeurs abondent, elles ont tendance à être confondues avec la vérité (...), ce qui tue tout sens critique dans l'opinion et l'entraîne à la généralisation ».
Le président a relevé de ce fait que « l'opinion publique » possède désormais un poids qu'elle n'avait pas avant l'ère numérique, et qu'il faut désormais en tenir compte, « en formulant de nouvelles règles de contrôle ».

 

(Lire aussi : Abou Mahjan et ses complices accusés de l'assassinat des quatre magistrats à Saïda)

 

 

Protéger les investisseurs
Mais, a-t-il avancé, la justice ferait bien de se saisir rapidement de telles rumeurs, surtout « quand elles démoralisent la société, comme c'est arrivé dernièrement avec des rumeurs portant sur la situation financière, la stabilité de la monnaie nationale, l'état de la sécurité, l'institution militaire, sans parler des accusations de marchés suspects ou de corruption lancées à la légère ». « Enquêtons, a affirmé en substance le président, et de deux choses l'une : où nous arrêterons un criminel, ou nous arrêterons un menteur. »

Le chef de l'État est revenu ensuite sur la mise en accusation de personnes détenant des postes de responsabilité. « Pourquoi la justice n'entend pas ces responsables comme témoins ? » a-t-il demandé, estimant qu'il n'est pas nécessaire dans ces cas-là de lever leur immunité.
Et d'ajouter, laconique, mais pressant les juges d'agir : « Dites-moi donc si l'on peut édifier une société solidaire avec des gens qui ne se font pas confiance ? »

Et Michel Aoun de rappeler aux magistrats leur responsabilité dans le redressement économique, précisant que « la stabilité ne suffit pas », mais qu'il faut y ajouter le droit. « Les investisseurs, a-t-il précisé, doivent sentir que leurs droits sont protégés », et qu'ils n'ont pas besoin d'un « protecteur politique » pour engager leurs capitaux. « La seule couverture dont ces investisseurs ont besoin, c'est celle que la loi et vous-mêmes leur assurent », a-t-il insisté.

Par ailleurs, le chef de l'État a préconisé la création « d'organisme de contrôle » de la compétence, de l'intégrité et de la productivité des magistrats. Il s'est enfin exprimé sur la lenteur de la justice. « Les citoyens ne peuvent pas comprendre comment certains dossiers prennent des années à être instruits, de surcroît lorsque les preuves sont criantes », a-t-il indiqué. « Une justice tardive n'est pas une justice », a-t-il lancé, se permettant d'évoquer, sans citer de noms, l'affaire Georges Rif qui traîne depuis deux ans, alors que l'assassinat de la victime a été filmé en direct, puis diffusé des dizaines de milliers de fois. Et de préconiser une réforme de la procédure afin d'accélérer les jugements.

 

Jreissati interpelle Berry
Par la suite, le ministre de la Justice, Salim Jreissati, et le président du Conseil supérieur de la magistrature ont pris la parole pour rappeler, en particulier, certains droits corporatifs des juges. Ainsi, M. Jreissati devait interpeller M. Berry en affirmant : « Les magistrats de ce pays attendent que le Parlement les inclut dans la grille des salaires pour la fonction publique. Ils attendent aussi que la question de la caisse d'entraide soit réglée », a-t-il ajouté.

Pour rappel, les magistrats refusent le projet de suppression de l'autonomie de leur caisse de solidarité qui interviendrait en vue de l'unification de toutes les mutuelles des fonctionnaires, selon la loi sur la grille des salaires récemment adoptée. Ils refusent aussi que soient ramenées à un mois et demi les vacances judiciaires, au lieu de deux mois.

 

 

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Le corps de la magistrature a renoué hier avec une tradition négligée depuis sept ans : l'organisation d'une cérémonie oratoire pour l'inauguration de la nouvelle année judiciaire. Une solennité particulière a entouré cette année cette cérémonie, qui s'est tenue dans la salle des pas perdus du Palais de justice, en présence des trois présidents, Michel Aoun, Nabih Berry et Saad...

commentaires (3)

FALLAIT PLUTOT DIRE - UNE INJUSTICE TARDIVE- CAR S,EN EST UNE QUAND ON LAISSE DES DECENNIES PASSER... N,EST PLUS QU,UNE INJUSTICE !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 59, le 28 octobre 2017

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Commentaires (3)

  • FALLAIT PLUTOT DIRE - UNE INJUSTICE TARDIVE- CAR S,EN EST UNE QUAND ON LAISSE DES DECENNIES PASSER... N,EST PLUS QU,UNE INJUSTICE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 59, le 28 octobre 2017

  • comment-pourquoi oser esperer en cette kustice, lorsqu'on couvre un parti theocrate comme le hezb ? qui plus est s'affiche ouvertement dependre d'un pouvoir etranger aussi theocrate ? le liban miracle n'y pourra rien , il s'inclinera forcement devant la culture sociale et politique pronee par ces gens

    Gaby SIOUFI

    09 h 32, le 28 octobre 2017

  • Un discours exemplaire, à saluer bien bas. Y a plus qu'à!

    Marionet

    09 h 17, le 28 octobre 2017

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