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À La Une - Diplomatie

Après l'EI, les Etats-Unis en panne d'une stratégie régionale ?

Contrairement aux Américains, l'Iran et d'autres acteurs de la région ont davantage anticipé les coups d'après, selon plusieurs experts.

Le président américain Donald Trump lors d'une réunion à la Maison Blanche, le 20 octobre 2017.

Avec la chute de Raqqa, Washington a remporté une bataille décisive cette semaine contre l'organisation Etat islamique, mais l'attention portée par les Etats-Unis aux jihadistes pourrait les avoir détournés d'autres dossiers clés et privés d'une vision plus large au Moyen-Orient.

La perte par le groupe Etat islamiste (EI) de son fief dans le nord de la Syrie signe de facto la fin de son "califat" autoproclamé, à cheval sur la Syrie et l'Irak. Cependant, la récente et soudaine escalade des tensions entre deux des alliés des Etats-Unis --le gouvernement irakien et le Kurdistan autonome-- a mis en exergue les lignes de fracture dans la région.

Et des voix s'élèvent à Washington contre la propension des Etats-Unis à se concentrer sur son combat contre l'EI, au détriment d'une véritable stratégie régionale. Selon ces experts, l'influence américaine au Moyen-Orient pourrait en avoir pâti.

Certains, comme l'ancien diplomate Jim Jeffrey, soulignent ainsi que contrairement aux Américains, l'Iran et d'autres acteurs de la région ont davantage anticipé les coups d'après. "Le gouvernement des Etats-Unis est obsédé par ce combat" contre l'EI, a assuré cette semaine lors d'une conférence Jim Jeffrey, aujourd'hui membre du Washington Institute for Near East Policy.

 

(Lire aussi : Leur califat est mort, pas encore enterré, le commentaire d'Anthony SAMRANI)

 

"Dans nos discours aux Kurdes et à Bagdad, c'était +Nous avons en commun le combat contre l'EI+", a-t-il dit, estimant que ce discours était "très réel" et "très important" en 2014 et 2015. Mais "aujourd'hui, plus personne n'y prête attention", a-t-il assuré, évoquant d'autres inquiétudes dans la région.

La Turquie, a-t-il souligné, regarde vers le sud, préoccupée par le régime syrien de Bachar el-Assad, la Russie et la montée du Parti de l'union démocratique kurde (PYD), principale formation kurde en Syrie qui a participé à la chute de Raqqa. La Turquie considère le PYD et sa branche armée comme une émanation en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé "organisation terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux.

Pendant ce temps, Israël surveille avec inquiétude le Hezbollah, soutenu par l'Iran. Jusqu'ici accaparé par un soutien au régime de Bachar el-Assad devenu moins pressant, il pourrait de nouveau se montrer dangereux pour l'Etat hébreu.

L'Etat islamique était en réalité affaibli depuis la perte du contrôle de la ville de Fallouja, en juillet 2016, a noté l'ancien ambassadeur d'Irak aux Etats-Unis, Lukman Faily, mercredi lors d'un débat organisé par la Turkish Heritage Association. Il aurait fallu alors élargir les priorités à d'autres dossiers.

 

(Lire aussi : Pour Israël, la menace de l’Iran augure d’une nouvelle ère avec les Arabes)

 

Politique iranienne
Le président américain Donald Trump a tout récemment annoncé une nouvelle politique pour contrer les ambitions iraniennes dans la région, remettant partiellement en cause et fragilisant l'accord nucléaire entre Téhéran et les grandes puissances.

Quelques jours plus tard, les forces irakiennes reprenaient la ville pétrolière de Kirkouk, aux mains des Kurdes depuis 2014. Certains experts y ont vu le signe de l'influence qu'exerce Téhéran sur le gouvernement de Bagdad, notamment via son soutien à des milices chiites irakiennes.

Washington s'était trouvé dans une position inconfortable lorsqu'il a fallu se prononcer sur le référendum d'indépendance des Kurdes d'Irak. Les Etats-Unis avaient exhorté en vain le président du Kurdistan irakien Massoud Barzani à renoncer à cette consultation, qui s'est tenue le 25 septembre et qui a vu le "oui" l'emporter massivement.

 

(Lire aussi : Le problème kurde de Washington)

 

Washington soutenait le Kurdistan irakien dès le début des années 1990, lorsque les Kurdes cherchaient un soutien face au régime de l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein. Les forces kurdes ont d'ailleurs joué un rôle crucial au début de la guerre contre l'EI en Irak. Mais les forces irakiennes, soutenues, conseillées et entraînées par les Etats-Unis, se sont renforcées ces dernières années. Et lorsque le gouvernement de Bagdad, après le referendum, a entrepris de reprendre la région de Kirkouk aux Kurdes, les Américains se sont réfugiés dans une position de neutralité entre ses deux alliés. Celle-ci a bénéficié au gouvernement irakien.

Les plus proches conseillers de Donald Trump nient que les Etats-Unis se concentrent uniquement sur leur guerre contre les jihadistes, mettant notamment en avant le récent discours de Donald Trump sur l'Iran. Le directeur de la CIA Mike Pompeo a ainsi souligné cette semaine, que d'un point de vue du renseignement, les Etats-Unis continuaient de surveiller l'ensemble de la région. "Nous n'avons pas perdu de vue les autres risques qui pèsent sur les Etats-Unis", a-t-il assuré. "Nous sommes totalement concentrés sur notre mission (antiterroriste), largement et pas seulement contre l'EI". "Il y a les Iraniens, Assad, les Russes: les Etats-Unis sont un peu confus et leur problème, c'est leur combat contre l'Etat islamique", a toutefois martelé M. Jeffrey. "L'Iran et ses amis ont un plan, pas les Etats-Unis", a-t-il regretté.

 

 

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