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Moyen Orient et Monde - Reportage

Entre Kurdes et Irakiens, « une bataille de mortiers et d'artillerie »

Les forces fédérales ont annoncé avoir repris hier aux Kurdes la dernière zone qu'ils contrôlaient dans la province de Kirkouk. Mais les combattants peshmergas, retranchés aux limites de la frontière officielle de leur région autonome, contre-attaquent à l'arme lourde. Au milieu de ces affrontements aux relents de guerre civile, la population civile paye le prix du sang.

Des combattants kurdes peshmergas pilonnent a l’artillerie les positions des forces irakiennes dans la ville de Altun Kupri, au nord de l’Irak. Photo W.F.

Le commandant kurde peshmerga, vêtu d'un habit traditionnel brunâtre, pointe du doigt la route qui file jusqu'à la bourgade d'Altun Kupri, désormais aux mains des forces fédérales. « Ils sont de l'autre côté de la rivière et ils nous bombardent depuis leur côté de la ligne de front. Et nous nous défendons », assène Nuri Hama Ali. « Nous n'avons pas peur d'eux, car ils ne pourront jamais être plus agressifs que le régime de Saddam Hussein. Je suis peshmerga depuis 37 ans, mes cheveux sont devenus gris pendant mon service. Si Dieu le veut, nous les briserons, mais nous ne reculerons pas. »

À côté de lui, des véhicules blindés, des pick-up surmontés de mitrailleuses automatiques ou de simples voitures chargées de combattants kurdes foncent à tout allure vers la ligne de front. Arrivé à l'entrée occidentale de la ville, le convoi se gare à côté de magasins abandonnés. Ils sont aussitôt accueillis par une rafale de tirs en provenance des lignes ennemies. Les véhicules repartent alors en trombe en soulevant un nuage de poussière. En voyant le convoi déguerpir, le commandant Nuri Hama Ali et ses hommes sautent dans leurs voitures et évacuent la position à toute vitesse. Peu importe : il n'est pas question ici de faire la guerre au corps à corps.

« C'est une bataille de mortiers et d'artillerie », explique Anwar Haji Osman, ancien vice-ministre des peshmergas, en visite sur le front. Comme un signe d'acquiescement, le fracas d'un obus envoyé par les Kurdes disperse une nuée d'oiseaux. Postées de part et d'autre de la rivière qui délimite la province de Kirkouk, forces irakiennes et kurdes s'arrosent à l'arme lourde, le tonnerre des déflagrations uniquement interrompu par le cri des ambulances.

 

(Lire aussi : Au Kurdistan, « un cataclysme, une défaite comme on en a rarement vu »)

 

Dernière position
Près d'un mois après la tenue du référendum d'indépendance kurde, le gouvernement central, qui avait interdit le scrutin, continue d'avancer pour reprendre aux peshmergas les territoires qu'ils ont grignotés depuis 2003. En l'espace de quelques jours, la région autonome a ainsi perdu 90 % des zones qu'elle contrôlait hors de ses limites administratives.

Si, jusque-là, le « redéploiement » (selon Bagdad) ou « la déclaration de guerre » (selon les Kurdes) des forces fédérales dans ces zones avait pu se faire sans bain de sang – les peshmergas reculant souvent sans combattre –, cette fois, les combattants kurdes semblent bien décidés à venger la perte d'Altun Kupri. Une bourgade située à équidistance entre Kirkouk, reprise en début de semaine, et Erbil, la capitale du Kurdistan d'Irak. Selon des sources des deux côtes de la ligne de front, la journée de combats aura déjà fait plusieurs dizaines de blessés et quelques tués.

« Je ne comprends pas pourquoi ils nous combattent. On n'est pas là pour tuer des méchants, simplement pour réinstaurer l'autorité du gouvernement central dans ces territoires », explique un officier du contre-terrorisme irakien posté dans Altun Kupri. « Je pense qu'ils ont peur qu'on aille jusqu'à Erbil, mais c'est la dernière position que nous sommes chargés de reprendre dans la province de Kirkouk », assure le soldat d'élite.

 

(Lire aussi : Le problème kurde de Washington)

 

« Comme au temps de Saddam »
En 2003, au moment de l'invasion américaine, Altun Kupri avait été confiée aux forces de police kurdes, en majorité affiliées au Parti démocratique du Kurdistan (PDK) du président Massoud Barzani. Dans la ville cosmopolite, majoritairement habitée par des Turkmènes, l'arrivée des forces fédérales a donc été accueillie avec satisfaction par les habitants qui ne se sentaient pas représentés par les forces kurdes. « C'est une libération », assure même Atila, un Turkmène (ou Turc d'Irak), communauté arrivée dans le pays à l'époque de l'Empire ottoman. Mais la joie sera de courte durée. Selon ce résident, les bombardements kurdes sur la ville ont blessé et tué une dizaine de civils, tous évacués vers l'hôpital de Kirkouk.

Mais si une ligne de front sépare désormais soldats kurdes et irakiens, au sein même d'Altun Kupri, la crise récente a creusé un abîme entre voisins. Pour Karim Yassin Ali, un résident kurde de 50 ans, l'avancée des forces fédérales s'apparente à une invasion. « Il aurait fallu un accord pour que l'armée irakienne arrive en paix, et non pas avec la guerre. C'est comme au temps de Saddam Hussein », se désespère ce père de quatre enfants, qui doit désormais faire le deuil de son cousin, tué dans les combats.

 

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  • MAUVAISE POLITIQUE DE BAGDAD QUI PEUT DEGENERER EN GUERRE CIVILE !

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