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Moyen Orient et Monde - Analyse

Face au référendum kurde, deux visions du Moyen-Orient

Les espoirs des uns sont la hantise des autres, à savoir que le cas kurde provoque un effet domino auprès d'autres minorités.

Un partisan de l’indépendance hisse fièrement le drapeau kurde. Photo AFP

Le débat a été ouvert il y a bientôt un siècle. Mais il n'a pas pris une ride : les États du Moyen-Orient sont-ils ou non des entités hétéroclites et artificielles nourrissant les guerres civiles et condamnées à imploser ? Pour dire les choses autrement : le tracé des frontières au lendemain de la Première Guerre mondiale est-il la principale source de l'instabilité chronique que connaît la région depuis presque cent ans ?

C'est avant tout parce qu'il s'inscrit dans cette problématique que le référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien, qui s'est tenu le 25 septembre dernier, est un événement d'une importance majeure dans l'histoire contemporaine de la région. Non seulement parce qu'il permet aux Kurdes, qui se considèrent comme les grands oubliés de cette histoire, de se rapprocher de leurs rêves d'obtenir un foyer national indépendant, au moins en Irak. Non seulement parce que cette initiative pourrait attiser les velléités d'autonomie des Kurdes de Syrie, d'Iran et de Turquie. Non seulement, enfin, parce que cette entreprise « provinciale » pourrait, à terme, profondément modifier la carte de la région. Mais avant tout parce que les deux réponses formulées face à cet événement témoignent de deux visions radicalement opposées de l'histoire et de l'avenir du Moyen-Orient.

 

(Lire aussi : Bagdad et Téhéran recourent à l'arme économique contre le Kurdistan irakien)

 

Les objectifs de paix et de stabilité sont communs aux partisans des deux camps. Mais le chemin pour y parvenir est fondamentalement différent. Il y a d'un côté les promoteurs d'un « nouveau Moyen-Orient », composé de micro-États fondés sur une base ethnique et/ou confessionnelle qui permettraient, selon eux, d'endiguer les risques de guerre civile. Et de l'autre, les défenseurs du statu quo, qui considèrent au contraire que la modification des frontières ne ferait qu'aggraver la situation. Pour les premiers, le problème est structurel : il est lié à l'impossibilité pour différentes communautés et/ou ethnies de vivre ensemble pacifiquement dans le cadre d'un État-nation. Pour les seconds, il est conjoncturel : c'est l'incompétence politique davantage que le tracé des frontières qui est la cause des maux de la région.

Le cas des Kurdes d'Irak, bien que particulier, notamment en raison de l'autonomie qu'ils ont acquise ces dernières années, renforce les convictions des deux camps. C'est, pour les uns, l'illustration du caractère artificiel de l'État irakien et le meilleur moyen pour préserver la paix entre toutes ses composantes. C'est, au contraire, pour les autres, un risque supplémentaire d'instabilité régionale et de guerre ouverte entre les unionistes et les séparatistes.

 

(Lire aussi : Pas de conflit militaire, mais des affrontements sporadiques entre Bagdad et Erbil)

 

Plusieurs Israël ?
Sévèrement opprimés durant le règne de Saddam Hussein, les Kurdes d'Irak estiment qu'ils n'ont plus d'avenir politique en commun avec Bagdad. Erbil veut fonder un État indépendant, sur une base ethnique, pour ne plus dépendre d'un État irakien avec qui il entretient des relations conflictuelles. La démarche ne manque pas de logique. Mais en déclarant son indépendance, le Kurdistan irakien s'est mis à dos tous ses voisins, ainsi que ses plus proches alliés, se coupant ainsi du reste du monde. Sans pour autant que ce nouveau projet politique apparaisse en mesure de répondre aux besoins de la population kurde en matière de développement économique et social.

Les contradicteurs ne manquent pas non plus d'arguments. Les espoirs des uns sont la hantise des autres, à savoir que le cas kurde provoque un effet domino auprès d'autres minorités qui considèrent qu'elles vivraient mieux dans un État indépendant. Les exemples sont légion, puisque quasiment tous les pays de la région peuvent être concernés, notamment la Syrie, le Yémen, l'Arabie saoudite, la Turquie, l'Iran, la Libye et le Liban. Autant d'États multiethniques et/ou multiconfessionnels qui comptent une ou plusieurs minorités susceptibles de réclamer leur indépendance.

 

(Lire aussi : Damas ouvert à des négociations sur l'autonomie kurde)

 

Une partie de ces pays sont déjà le théâtre de guerres civiles, où se confrontent plusieurs communautés/ethnies. Les adeptes du nouveau Moyen-Orient considèrent que la création de plusieurs micro-États est la seule façon d'y mettre fin. Mais ils oublient cependant que d'autres enjeux, d'ordre politique, économique et social, sont à l'origine de ces conflits. Et surtout que rien ne garantit que ces nouveaux micro-États, qui ne seraient pas plus ou moins artificiels que ceux qui existent déjà, ne se feront pas non plus la guerre entre eux. La région ne manque pas d'histoires de conflits ou de rivalités exacerbées entre des États appartenant à la même communauté ou adhérant à la même idéologie politique. Qu'en serait-il alors entre des micro-États, forcément interdépendants pour des considérations d'ordre géographique, mais fondés sur un critère dont la principale fonction est d'exacerber leurs différences par rapport à leurs voisins ?

« Nous somme le second Israël », criaient des manifestants kurdes au lendemain du référendum. L'État hébreu, qui est le seul à avoir ouvertement soutenu le référendum kurde, est clairement partisan – contrairement à son allié américain – de cette vision d'un Moyen-Orient démembré en de multiples petits États. Mais au regard de la relation qu'il entretient avec une grande partie des pays de la région, est-il certain que le fait d'avoir plusieurs Israël soit le meilleur moyen de favoriser la paix dans la région ?

 

 

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commentaires (2)

Tout le Moyen Orient doit être revu et corrigé! Après, pour éviter que les uns ne marches sur les autres, ils leur faut créer une sorte de CEE Moyenne Orientale bâtie sur l’expérience Européenne. Seulement alors il y aura une chance d’éviter tout ce qui se passe. Un rêve qui, s'il doit se réaliser, ne verra le jour qu’après la disparition de mes arrières petits enfants.... S'il voit le jour!

Pierre Hadjigeorgiou

15 h 39, le 03 octobre 2017

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Commentaires (2)

  • Tout le Moyen Orient doit être revu et corrigé! Après, pour éviter que les uns ne marches sur les autres, ils leur faut créer une sorte de CEE Moyenne Orientale bâtie sur l’expérience Européenne. Seulement alors il y aura une chance d’éviter tout ce qui se passe. Un rêve qui, s'il doit se réaliser, ne verra le jour qu’après la disparition de mes arrières petits enfants.... S'il voit le jour!

    Pierre Hadjigeorgiou

    15 h 39, le 03 octobre 2017

  • IL N,Y A QUE LA DIVISION OU LES FEDERATIONS OU CONFEDERATIONS POUR PACIFIER LA REGION AUX MULTIPLES ETHNIES ET RELIGIONS ! L,EPARPILLEMENT DES KURDES DANS 4 ETATS DIFFERENTS EST UNE HERESIE DE L,HISTOIRE ... ILS ASPIRENT A L,UNITE ET A L,INDEPENDANCE ET ILS FONT BIEN DE S,ACTIVER A LES REALISER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 30, le 03 octobre 2017

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