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Moyen Orient et Monde - Décryptage

En Irak comme en Syrie, péril en la demeure kurde

Faute d'alliés solides, les Kurdes pourraient passer à côté d'une opportunité « historique ».

Des chars turcs à la frontière irakienne hier. Mehmet Selim Yalcin/Dogan News Agency via Reuters

Seuls contre tous. Alors que les Kurdes d'Irak et, dans une moindre mesure, de Syrie ont une opportunité historique d'obtenir davantage d'autonomie politique, leurs projets se heurtent à une hostilité quasi unanime des puissances régionales et internationales. À l'avant-garde de la lutte contre l'État islamique en Irak comme en Syrie, les Kurdes pensaient pouvoir tirer les dividendes politiques de leur coopération militaire. Mais à mesure que le territoire du califat se rétrécit, leurs velléités d'indépendance inquiètent sérieusement les autres puissances impliquées dans ces deux conflits. À tel point qu'après avoir été les grands gagnants médiatiques de la guerre menée contre les jihadistes, ils pourraient être obligés de remettre, à contrecœur, leur costume de « grand oublié de l'histoire » du Moyen-Orient.

Les Kurdes d'Irak et les Kurdes de Syrie sont loin de former une unité politique homogène. Leurs trajectoires se sont néanmoins entrecroisées au cours de ces deux dernières années et ils sont désormais tous les deux confrontés à la même problématique : comment transformer leurs gains militaires en gains politiques dans des États faillis, mais dans un environnement régional largement défavorable ?

 

(Lire aussi : Pourquoi Israël est le seul État à soutenir une indépendance kurde)

 

Un « oui » à risque
Les Kurdes d'Irak ont un projet nettement plus avancé que celui de leurs voisins. Ils vont organiser le 25 septembre courant un référendum sur leur indépendance. Si le vote a bien lieu, son issue ne fait aucun doute : les Kurdes voteront très majoritairement « oui ». Un « oui » qui permettrait au président kurde Massoud Barzani de renforcer son autorité sur la province et de réclamer plus d'autonomie vis-à-vis de Bagdad. Mais un « oui » qui pourrait avoir comme principal conséquence d'isoler Erbil, qui serait alors confronté à une coalition de puissances régionales partageant la même animosité à l'égard de son désir d'indépendance. Car à l'exception d'Israël, tous les États qui se sont prononcés sur le référendum kurde ont encouragé Erbil à renoncer à son initiative. Les raisons sont légion. Les changements de frontières sont considérés comme une ligne rouge par l'ensemble de la communauté internationale. L'établissement d'un foyer kurde indépendant est une hantise pour les trois autres pays de la région abritant une minorité kurde : la Turquie, l'Iran, et la Syrie. Et la partition de l'Irak réduirait considérablement le pouvoir des puissances régionales – Iran, Turquie, Arabie saoudite – qui se disputent une influence sur le territoire irakien.

Erbil est prévenu. La Cour suprême irakienne lui a ordonné hier de suspendre son référendum. Le Premier ministre irakien Haider el-Abadi s'est dit prêt à une « intervention militaire » en cas de menace venue notamment des combattants kurdes peshmergas. Le puissant chef de l'organisation Badr, Hadi el-Ameri, a quant à lui multiplié les mises en garde contre la « guerre civile », tout en effectuant hier une visite surprise dans la province disputée de Kirkouk, où les tensions sont les plus latentes.

Les puissances régionales ne sont pas en reste. Téhéran a menacé dimanche de fermer sa frontière avec le Kurdistan et de mettre fin à tous les accords de sécurité qui les lient. Ankara, qui entretient pourtant de bons liens avec Erbil, a pour sa part débuté hier un exercice militaire à la frontière avec le Kurdistan. Même les États-Unis ont déclaré qu'ils suspendraient leur aide militaire si les Kurdes allaient au bout de leur initiative.

 

(Repère : Les Kurdes, un peuple sans Etat en quête de reconnaissance)

 

 

Partenaires de choix
Réunir Washington, Téhéran, Ankara et Bagdad face à soi n'est pas une mince affaire. Surtout si les trois derniers décident de s'allier pour mettre les Kurdes au pas.

Réunir Moscou, Damas, Téhéran et Ankara face à soi n'est pas non plus une partie de plaisir. C'est pourtant le scénario auquel pourraient être confrontés les Kurdes de Syrie. Soutenus par les Américains, ils jouent actuellement un rôle de premier plan dans la reprise des territoires jihadistes dans l'Est syrien, après avoir considérablement renforcé leur influence dans le nord grâce à leurs séries de victoires militaires. Mais les Kurdes syriens, qui combattent sous le drapeau des YPG (Unité de protection du peuple), sont considérés comme une filiale du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) par Ankara, groupe avec lequel il est en guerre depuis 30 ans. La formation d'une province autonome kurde affiliée au PKK au nord de la Syrie est un scénario cauchemar pour Ankara qui fera tout pour l'empêcher de se réaliser. La lutte contre les Kurdes, qui sont pourtant les principaux auxiliaires sur le terrain de son allié américain, est devenue sa priorité en Syrie.
Il pourrait trouver en Téhéran, en Moscou, et donc forcément en Damas, des partenaires de choix pour mener cette lutte. Le régime et ses parrains n'ont jamais caché leur volonté de remettre la main sur l'ensemble du territoire syrien. Le régime baassiste, partisan d'un pouvoir extrêmement centralisé, est d'ailleurs opposé à toute forme d'autonomie.

Les hostilités pourraient débuter dans la province de Deir ez-Zor où les Kurdes et leurs parrains américains progressent à l'est de l'Euphrate, dans les territoires les plus riches en ressources pétrolières. Des territoires indispensables au régime pour assurer la viabilité de l'État et essentiels aux Iraniens pour consolider leur corridor chiite, qui relie Téhéran à la Méditerranée, en passant par l'Irak, la Syrie et le Liban. Reste à savoir alors si les Américains soutiendront encore leur allié, en maintenant leur présence en Syrie, une fois le califat complètement défait.

En Irak comme en Syrie, les Kurdes semblent en effet avoir oublié le principal enseignement des évolutions régionales de ces dernières années : plus personne ne peut survivre sans allié.

 

 

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Seuls contre tous. Alors que les Kurdes d'Irak et, dans une moindre mesure, de Syrie ont une opportunité historique d'obtenir davantage d'autonomie politique, leurs projets se heurtent à une hostilité quasi unanime des puissances régionales et internationales. À l'avant-garde de la lutte contre l'État islamique en Irak comme en Syrie, les Kurdes pensaient pouvoir tirer les dividendes...

commentaires (2)

ET LE KURDISTAN VA NAITRE TOT OU TARD... MIEUX VAUT TOT !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 35, le 19 septembre 2017

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Commentaires (2)

  • ET LE KURDISTAN VA NAITRE TOT OU TARD... MIEUX VAUT TOT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 35, le 19 septembre 2017

  • On dit bien un homme avertit en vaut 2 . Avoir israel comme seul allié est tellement suspect que cela devrait sauter aux yeux des braves kurdes qui méritent bien une autonomie, mais pas à n'importe quel prix. Le pays de l'usurpie est specialiste des mauvais coups , les kurdes devraient s'en rendre compte , ou alors demander à certains libanais qui avaient par le passé essayer d'utiliser cette voie .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 44, le 19 septembre 2017

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