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Moyen Orient et Monde - Référendum

« Notre droit » ou « un enfer » ? Au Kurdistan irakien, la question de l’indépendance ne fait pas l’unanimité

En ce lundi 25 septembre, les Kurdes irakiens sont appelés aux urnes pour un référendum d'indépendance, soutenu par des milliers de partisans du « oui ». Mais tous les Kurdes ne veulent pas d'un État. En tout cas pour l'instant.

À Erbil, un homme à bicyclette passant, hier, devant une peinture murale en faveur de l’indépendance du Kurdistan. Alaa al-Marjani/Reuters

Ils sont des milliers, tambour battant, drapeaux au vent, sourire aux lèvres, à se retrouver dans un parc d'Erbil, la capitale de la région kurde d'Irak. Des enfants, des grands-parents, des soldats et des jeunes ivres de rêves et d'alcool frelaté. Des réfugiés kurdes syriens aussi, qui ont quitté leurs camps à bord de bus affrétés par le Parti démocratique kurde (PDK), la formation politique au pouvoir, pour grossir la foule.

« Je suis très excité. Nous attendons ce moment depuis un siècle », s'exclame Naib Salim, un géologue de 30 ans venu avec son frère et ses cousins. « Tout le monde brandit un drapeau et chante la même chose. Je pense que c'est un moyen pacifique de transmettre notre message au reste du monde : nous voulons notre propre État, c'est notre droit », insiste le scientifique. « Je pense que c'est une étape pour avoir aussi un référendum dans les trois autres parties du Kurdistan : syrien, turc et iranien », renchérit Kaniwar, un réfugié de 22 ans qui a quitté la Syrie (Rojava) il y a « quatre ans et 22 jours ».

Dans le parc Shanadar, à quelques pas de la multimillénaire citadelle d'Erbil, la fête bat son plein alors que le crépuscule engloutit la foule. Sous les feux d'artifice qui éclatent comme des obus de mortier, les milliers de drapeaux rouge-blanc-vert côtoient une poignée d'étendards blancs et bleus, les couleurs d'Israël – seul État à avoir publiquement soutenu l'indépendance kurde. Depuis une dizaine de jours, le Kurdistan irakien semble rugir comme un seul homme, grisé par la perspective d'une autodétermination tant convoitée et si longtemps illusoire. Du moins dans les territoires sous l'égide du PDK.

Un référendum qui se tiendra sans le soutien de la communauté internationale, Washington en tête, qui souhaite même l'abandon du scrutin. Une décision vue par certains Kurdes comme une nouvelle trahison, près d'un siècle après le traité de Lausanne, qui avait enterré le projet d'un État kurde, pourtant approuvé par les puissances européennes trois ans plus tôt à Sèvres.

Les soldats kurdes peshmergas, à l'instar de Mohammad Saleh, 27 ans, s'insurgent contre cette décision : « Ça nous rend malheureux, il faut qu'ils nous soutiennent. C'est notre droit de demander un État indépendant, insiste le combattant. Je suis peshmerga, j'ai vu lors des combats d'autres peshmergas mourir et être blessés. Nous avons combattu l'État islamique et nous l'avons expulsé. Nous sommes prêts à combattre n'importe qui pour le Kurdistan. »

 

(Lire aussi : Kurdistan irakien : le référendum, étape décisive du vieux rêve d’indépendance)

 

« Une étape majeure depuis 1920 »
Le docteur Frédéric Tissot, premier homme à occuper le poste de consul général de France à Erbil (2007-2012), estime que « certaines puissances européennes changeront d'avis si un "oui" franc l'emporte. Il leur faudra prendre en compte l'expression démocratique de cette région ». Si l'ancien diplomate considère que le scrutin marque « une étape majeure depuis 1920 », il concède que le 26 septembre pourrait aussi ressembler au 24. « On pourrait imaginer qu'après ce grand rassemblement monté par le PDK – et non pas le Gouvernement régional kurde (GRK) – les grandes puissances régionales s'en désintéressent complètement », explique cet ancien du Quai d'Orsay.

Mais tous les Kurdes irakiens ne souhaitent pas l'indépendance : s'il se fait peut-être moins entendre, le camp du « Non pour le moment » est autant déterminé. Rabun Marouf, député d'opposition (Gorran, « changement »), craint que le scrutin ne précipite des affrontements armés avec Bagdad, et estime, par ailleurs, que l'appareil gouvernemental kurde n'est pas encore assez mature pour la souveraineté nationale. « Nous n'avons pas de démocratie, nous n'avons pas d'institutions viables, nous n'avons pas de système judiciaire indépendant, et ainsi de suite, prévient le parlementaire. C'est pour ça que, dans cette situation, un État indépendant pourrait créer un enfer pour les Kurdes et les autres. »

M. Marouf met particulièrement en cause le président de la région kurde, Massoud Barzani (PDK), à la tête d'un clan qui contrôle une partie du gouvernement, de l'armée, des médias et des télécoms. « Le mandat de M. Barzani a expiré il y a presque quatre ans, or il n'est pas près de quitter la présidence. Il pourrait abuser du résultat de ce référendum pour légitimer sa position », s'inquiète-t-il.

Un rejet qui n'est pas cantonné aux politiciens d'opposition. Dans la ville de Suleimaniya particulièrement, bastion de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), parti historiquement opposé au PDK, le scrutin est parfois considéré comme une manœuvre politicienne. « Je pense qu'ici, 70 à 80 % des gens vont voter non. Mes collègues, mes voisins, mes amis, ils vont tous voter contre », assure Gorran, 27 ans, un habitant de cette ville située près de la frontière avec l'Iran. « Ce référendum n'est pas pour l'indépendance, c'est pour que Massoud Barzani puisse rester au pouvoir, renchérit-il. Dès que l'on sera prêt, nous pourrons voter l'indépendance. Pour l'instant, nous ne le sommes pas. »

 

 

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commentaires (1)

IL SEMBLE QUE COMME LES ARABES ILS NE PEUVENT PAS S,UNIR... LES INTERETS PERSONNELS Y PREVALANT !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 07, le 25 septembre 2017

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Commentaires (1)

  • IL SEMBLE QUE COMME LES ARABES ILS NE PEUVENT PAS S,UNIR... LES INTERETS PERSONNELS Y PREVALANT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 07, le 25 septembre 2017

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