La nouvelle est passée presque inaperçue, tant les Libanais sont pris par leurs problèmes internes qui s'accumulent sans qu'aucun ne soit réellement réglé. Le référendum organisé dans le Kurdistan irakien, qui a abouti à un vote massif en faveur de l'indépendance, est pourtant un développement majeur dans la région. Certains y voient le début du changement des cartes des pays du Proche-Orient, d'autres les prémices de la naissance d'un « second Israël » avec tous les problèmes ethniques et religieux que cela risque d'entraîner, sachant que depuis près de 70 ans, le problème causé par la création de l'État d'Israël n'a pas encore été réglé et continue de provoquer un état de guerre sans fin avec plus ou moins d'intensité.
Des sources proches du Hezbollah ne cachent pas le fait que ce parti suit avec attention les développements dans la zone kurde, y voyant une nouvelle phase du plan « américano-israélien » pour démembrer la région, après l'échec du projet de renverser le régime syrien pour soit diviser la Syrie, soit y installer un régime faible prêt à faire la paix avec Israël et à couper ainsi la profondeur géographique et politique qui relie l'Iran au Hezbollah à travers la Syrie et l'Irak. Selon ces mêmes sources, les Américains n'acceptent pas d'essuyer des revers dans la région et, alors que la guerre n'est pas encore terminée en Syrie, ils préparent déjà le prochain coup, en encourageant en douce les Kurdes. Pour ces mêmes sources, les Kurdes d'Irak n'auraient jamais osé organiser le référendum sur l'indépendance s'ils ne bénéficiaient pas de l'appui discret de l'administration américaine, qui officiellement condamne ce processus, mais en réalité y est favorable. Selon les sources proches du Hezbollah, même si le processus est encore à ses débuts, il suffit déjà à créer des problèmes dans l'ensemble de la région. De fait, le gouvernement central irakien, qui n'est pas encore suffisamment solide, est ébranlé, alors qu'un véritable branle-bas de combat a eu lieu en Iran et en Turquie contre le projet d'un État kurde en Irak. Les mesures de rétorsion commencent à être prises et un véritable blocus s'annonce, sachant que les zones kurdes sont reliées entre elles, mais sont, au final, géographiquement encerclées par les États qui se partagent leur contrôle.
La démarche des Kurdes d'Irak est donc venue mélanger de nouveau les cartes régionales qui semblaient plus ou moins se stabiliser. Le référendum et ses conséquences sont ainsi perçus, selon les sources proches du Hezbollah, comme un coup porté au plan conçu et qui commençait à être exécuté en Syrie, à travers les rencontres d'Astana. C'est d'autant plus vrai que le seul allié déclaré des Kurdes c'est aujourd'hui l'administration américaine, alors que l'allié non déclaré est Israël. Les Israéliens sont en effet bien implantés dans le Kurdistan irakien, notamment à Erbil, et l'émergence d'un État kurde indépendant va forcément pousser Israël à s'allier avec lui contre les Arabes, les Turcs et les Iraniens. Ce qui serait de nature à réduire la pression sur Israël, considéré jusque-là comme le seul État étranger à la région, tout en lui permettant ouvertement de rompre son isolement. En même temps, cette démarche crée un nouveau foyer de tension régionale, qui détourne l'attention du conflit israélo-palestinien, tout en suscitant une probable contagion kurde en Iran et en Turquie, laquelle pourrait déstabiliser ces pays.
Le régime syrien a d'ailleurs rapidement compris le danger que représente pour la région l'émergence d'un État kurde en Irak, en déclarant ouvertement son intention de mener des négociations avec les Kurdes syriens pour aboutir à un système d'autonomie sous la houlette de l'État syrien. Le régime syrien cherche ainsi à dissocier les Kurdes de Syrie de leurs frères dans les autres pays de la région pour couper court à toute tentative de scission. Mais ce ne sera pas une entreprise facile, surtout si les Kurdes d'Irak gagnent rapidement leur pari. Les sources proches du Hezbollah rapportent aussi, en citant des rapports publiés par des centres d'études américains, que les juifs d'Irak sont en train de revenir en grand nombre dans la province irakienne de Ninive, autour de Mossoul, où plusieurs sites religieux juifs ont été curieusement préservés pendant toute la période Daech, officiellement dans le cadre de pèlerinage. Mais ils pourraient bien s'installer sur place, surtout après le départ forcé des chrétiens de la plupart de leurs localités dans cette région.
Mis bout à bout, ces éléments pourraient être l'indice d'un grave projet qui se prépare dans la région et qui viserait une fois de plus à la démembrer, en la plongeant dans des guerres interminables, et affaiblirait du même coup toutes les structures étatiques actuelles. Mais des sources diplomatiques arabes n'ont pas la même inquiétude et préfèrent croire que l'objectif des Américains n'est pas tant de permettre la création d'un État kurde qui ne peut pas être viable si tous ses voisins lui mènent une guerre sans merci, malgré l'aide des Israéliens. Par contre, ce que les Américains souhaitent, à travers leur appui discret à l'organisation du référendum, c'est de pousser les Russes, les Turcs et les Iraniens à la négociation, pour améliorer la part des États-Unis dans la région, après les revers essuyés en Syrie.
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Sans entrer dans une polémique avec qui se soit. Les Palestiniens attendent la création de leur nouvel Etat depuis 1948 soit depuis 69 ans, il est temps qu'il se concrétise. Les Kurdes attendent la formation de leur Etat depuis 1918 soit depuis 99 ans. Il est temps qu'il se réalise. Les Serbes, les Bosniaques, les Croates ont eu les leurs, pourquoi pas les Palestiniens et les Kurdes ?
11 h 58, le 28 septembre 2017