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Liban - Nahr el-Bared

Dix ans après la bataille de Nahr el-Bared, les habitants insatisfaits de la reconstruction

L'élargissement des rues pour permettre la circulation des chars et l'emprise totale de l'armée libanaise font grincer des dents.

Un bâtiment en ruine qui rappelle le camp de Nahr el-Bared avant sa reconstruction. Photo Mourad Ayyache

Le mois de septembre est le mois anniversaire de la victoire de l'armée libanaise sur le groupuscule jihadiste Fateh el-Islam, au terme d'une sévère bataille qui avait duré près de trois mois dans le camp palestinien de Nahr el-Bared, au Liban-Nord, en 2007.

La grande roue et les deux petits manèges qui occupent une superficie d'une centaine de mètres carrés du deuxième plus grand camp de réfugiés palestiniens du Liban sont rongés par la rouille. Leurs couleurs sont ternies et les sièges vides. Aucun cri de joie ne se fait entendre dans les alentours. Nahr el-Bared est tout sauf un parc d'attractions.Depuis leurs maisons entassées l'une à côté de l'autre et même l'une au-dessus de l'autre dans ce qu'ils appellent « l'ancien camp », et depuis les petits appartements récemment construits qui forment « le nouveau camp », les habitants de Nahr el-Bared ont une vue splendide sur la mer. Ils ne vivent cependant pas dans le luxe. Loin de là. Ils disent avoir tout perdu lors de la bataille et n'avoir rien retrouvé depuis qu'ils sont revenus chez eux. Mais le pire est que les relations entre les réfugiés eux-mêmes se sont dégradées. « Au lieu de nous rapprocher les uns des autres, la bataille de Nahr el-Bared n'a fait qu'agrandir la faille entre nous, habitants », se plaint Rechdiyé, une dame de 60 ans.

Plusieurs éléments distinguent le plus grand camp du Liban-Nord de tous les autres au Liban. Nahr el-Bared est le premier et le seul camp de réfugiés palestiniens à être désormais contrôlé et géré, dans sa totalité, par l'armée libanaise. Elle y a d'abord empêché le maintien de dépôts d'armes à l'intérieur du camp. Des barrages de l'armée sont, en outre, installés aux trois entrées principales du camp. Les ruelles et les chemins ont par ailleurs été aménagés, lors de la reconstruction du camp, de sorte à ce que les chars puissent rouler partout dans le camp, à n'importe quel moment. Ce qui déplaît aux habitants. « L'élargissement des rues ne me plaît pas, d'autant que la superficie de nos maisons a diminué en raison de ce changement drastique de l'aménagement du camp », déplore Rechdiyé, dont la maison a vu sa superficie réduite de 120 m2 à 60 m2.
Zaydan Taha, responsable de l'association palestinienne Ajial et habitant du camp, s'insurge contre le plan de reconstruction de Nahr el-Bared dans son ensemble. « Un groupe de professionnels et d'architectes palestiniens ont présenté à l'armée libanaise un plan complet de reconstruction du camp qui correspond aux attentes de ses habitants et qui répond aux besoins de son tissu social, mais il n'a pas été pris en considération », souligne-t-il. « Un complot est ourdi depuis 1992 avec pour but de noyer les réfugiés palestiniens dans la société libanaise en vue de reléguer aux oubliettes le rêve des Palestiniens de retourner un jour chez eux », affirme-t-il, laissant ainsi entendre que le plan finalement mis en œuvre sert ce projet.

L'activiste palestinien n'est pas le seul à éprouver un sentiment profond de nostalgie envers ce qu'était le camp avant le déclenchement de la bataille de 2007. Nahr el-Bared constituait le principal centre commercial de la région située entre Tripoli et le Akkar. Les traces de ce passé « glorieux » persistent jusqu'aujourd'hui. La rue principale du camp est encombrée de magasins et de commerces de tout genre. Des vêtements pour hommes, femmes et enfants, des accessoires, des bijoux, des téléphones portables et autres gadgets... Tout est vendu à Nahr el-Bared.

« Notre camp se distingue par sa proximité aux centres urbains et à la Syrie, d'où nous avions l'habitude d'importer les marchandises », explique M. Taha. « Les marchandises syriennes se vendent à très bon prix, ce qui attirait davantage de clients », poursuit-il avant de conclure sur une note pessimiste : « Nous avons perdu tout cela et encore plus, et j'ai l'impression que nous ne retrouverons plus ce qui était. »

 

La reconstruction
Seulement 41 % de l'ensemble du camp de Nahr el-Bared a été reconstruit. « Selon la conférence de Vienne (en 2008), la reconstruction du camp devait être achevée en 2011 et les habitants auraient dû retourner chez eux à cette date », précise M. Taha. La conférence de Vienne avait pour but de rassembler des fonds pour la reconstruction du camp et de ses alentours. Une période de trois ans et une somme de 450 millions de dollars, à financement international (notamment européen et arabe), devaient suffire à la reconstruction sous le contrôle du gouvernement libanais et de l'Unrwa. Il suffit d'effectuer une petite tournée dans le camp pour réaliser que cela n'a pas été le cas. « La plupart des États participants ne se sont pas engagés à fond », affirme le militant.

Avec l'élargissement des rues et des chemins, il devient de plus en plus difficile de peupler l'espace. Seuls quatre ou cinq enfants courent d'un coin à l'autre. Avez-vous entendu parler de la bataille de Nahr el-Bared ? « Je me rappelle très bien que nous avions... », se précipite l'un d'eux à répondre avant qu'il ne soit interrompu par un autre, plus âgé que lui : « Mais tu n'étais même pas encore né ! » Le petit groupe de garçons part dans un fou rire. De son côté, Mohammad Samih el-Loubani, commerçant, se rappelle très bien de ce qui s'est passé : « Dénués de tout, sauf de notre mémoire, nous avons quitté Nahr el-Bared un funeste 20 mai 2007. »

 

 

Pour mémoire

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