Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits du discours prononcé jeudi par le président Michel Aoun devant l'Assemblée générale de l'ONU.
« Nous sommes aujourd'hui à New York, en ce mois de septembre où l'on ne peut que se remémorer les événements tragiques qui ont eu lieu il y a 16 ans et où le terrorisme a frappé cette ville causant des milliers de victimes. Depuis cette tribune, je renouvelle ma solidarité avec leurs familles et toutes celles meurtries par le fanatisme à travers le monde.
« Ce triste événement a été le point de départ d'une guerre internationale contre le terrorisme. Une guerre qui s'est ramifiée, déviant de ses objectifs en mettant le feu dans beaucoup de pays, surtout au Moyen-Orient...
« Ce terrorisme nouveau s'est étendu pour frapper au sein des cinq continents d'une manière aveugle avec des méthodes d'une cruauté inégalée. Ses crimes dépassent toutes les traditions, les conventions et les lois internationales. Et personne ne peut prédire quelles peuvent être ses limites et quand peut être sa fin...
« Dès le début du conflit syrien, il était évident que le Liban allait en subir directement les conséquences. On a décidé qu'il ferait partie de la liste des pays arabes à être déstabilisés par le terrorisme. Pourtant, le Liban a réussi à éviter l'implosion en préservant son unité nationale et sa sécurité intérieure malgré les divisions politiques aiguës qui sévissaient...
« Le Liban a réussi, avec toutes ses forces actives, à les éliminer progressivement. Et, dernièrement, notre armée a mené une guerre ultime à nos frontières avec la Syrie et a remporté une grande victoire contre les groupes terroristes dont Daech, al-Nosra et d'autres, libérant tout le territoire libanais de leur présence armée.
« Il reste que le Liban supporte encore aujourd'hui un poids considérable qui dépasse ses forces. En effet, le peuple libanais a prouvé combien il était humain et responsable en accueillant dans ses maisons, ses écoles et ses hôpitaux un nombre considérable de Syriens. Il a partagé avec eux ses faibles moyens de subsistance, doublant le taux de chômage...
« Monsieur le Président,
« Le Liban est un petit pays. La crise économique mondiale l'a touché de plein fouet...
« Puis avec l'arrivée des vagues de réfugiés puis de migrants, sa population a augmenté de 50 %... Une situation qui a contribué grandement à toucher encore plus la situation économique du pays, mais aussi à augmenter le taux de criminalité en tout genre. Encore plus grave, les terroristes ont utilisé certains rassemblements de migrants comme refuge, les transformant en foyers réceptifs. De là, ils perpétraient leurs attentats, tuant des innocents au Liban.
« D'où l'urgence d'organiser le retour des migrants dans leur pays, surtout que la majorité des régions d'où ils sont venus sont à présent sécurisées en Syrie. Certains préconisent un retour volontaire mais nous préférons parler d'un retour sécurisé, et nous faisons bien la différence entre ces deux termes. L'ISSG (le Groupe international pour le soutien de la Syrie) a bien fait la distinction à ce sujet précisant qu'un retour est volontaire ou sécurisé selon les raisons qui ont provoqué le départ du pays. Il est volontaire dans le cas de rares réfugiés qui quittent leur pays pour des raisons politiques qui mettent leurs vies en danger et qui demandent et obtiennent du pays refuge le droit d'asile. Ce n'est pas le cas au Liban où une population en masse est arrivée sur nos terres pour des raisons sécuritaires et économiques. Ils ont pénétré clandestinement sans présenter aucune demande d'asile.
« Prétendre qu'ils ne seront pas en sécurité dans leur pays est à présent une excuse irrecevable. D'une part, parce que environ 85 % du territoire syrien est désormais sous contrôle de l'État tel que l'a annoncé, le 13 de ce mois, le ministère de la Défense russe. D'autre part, si l'État syrien est en train de procéder à des réconciliations avec des rebelles et d'anciens groupes armés, leur donnant le choix de rester dans leurs villages ou de quitter pour rejoindre les régions syriennes où ils souhaitent résider, que serait-ce avec des migrants qui ont fui les atrocités de la guerre ? Et ce qui s'est passé dernièrement au Liban confirme cela.
« En plus des migrants syriens, le Liban supporte la présence sur son sol de 500 000 Palestiniens. L'Unrwa est sur la voie de la faillite et nulle initiative que ce soit par les Nations unies ou le Conseil de sécurité n'est visible à l'horizon pour y créer deux États...
« Israël répond depuis toujours à toute tentative de solution par la force militaire et la spoliation du droit. Le Liban en est le meilleur témoin puisque Israël viole sa souveraineté et la résolution 1701 de façon permanente...
Le creuset du fanatisme « Monsieur le Président,
« Ces sept décennies de guerres israéliennes ont prouvé que ni le canon, ni le char, ni l'avion n'apportent de solution ni de paix. Pas de paix sans justice et pas de justice sans le respect du droit. Le crime commis envers les Palestiniens en les chassant de leurs terres ne sera jamais réparé par un nouveau crime commis envers les Libanais. Le Liban ne peut devenir une patrie de substitution pour ces Palestiniens. Ils doivent garder pleinement leur droit de retour dans leur pays. Et la volonté de supprimer l'Unrwa n'est qu'un premier pas vers la suppression du statut de réfugié pour aboutir à leur intronisation. Or jamais le Liban n'acceptera l'implantation ni de réfugiés ni de migrants sur sa terre, quel que soit le prix...
« Prise en otage par la pauvreté et la misère, notre région est devenue le creuset du fanatisme, donnant naissance à des crises sans fin et de plus en plus aiguës. D'où l'importance d'accompagner chaque proposition de paix de plans socio-économiques aptes à générer la croissance et permettre aux peuples de la région de vivre en toute dignité. C'est pourquoi j'appelle à réfléchir sérieusement à un projet de marché commun du Levant, capable d'assurer à la fois le développement et la liberté...
« Monsieur le Président,
« La troisième guerre mondiale a pris une nouvelle forme. Elle n'est plus une guerre entre les nations mais des guerres intestines destructrices. La majorité des pays atteints l'ont été pour des raisons religieuses et ethniques dues au fanatisme et au refus de la différence.
« Le redécoupage des pays selon des normes religieuses et ethniques n'est absolument pas la solution et ne peut qu'entraîner des guerres sans fin. Les conséquences de ce genre de frontières sont redoutables car elles ne font qu'augmenter le fanatisme, le racisme, et donc les conflits.
« La solution doit provenir d'un changement intellectuel et culturel. Nous avons éminemment besoin d'une nouvelle organisation en charge de la culture de la paix qui favoriserait le partage et le "savoir vivre ensemble". L'individu saura alors respecter la liberté de pensée, de conscience et de religion de l'autre ainsi que son droit à la différence. Alors cette culture nouvelle pourra se dresser face au terrorisme, favorisant la paix entre les peuples et les nations...
« Le Liban est plus qu'un pays, il est un message de tolérance, l'antidote au poison du fanatisme. Se singularisant par sa diversité, il est en totale opposition aux tentatives de pensée unique telle que Daech et toutes les sociétés bâties sur le même principe. Le rôle des Nations unies est de combattre ces idéologies. Attention, elles n'ont plus de frontière et sont devenues comme des virus qui se propagent électroniquement à travers tous les réseaux de communication du monde.
« Pour toutes ces raisons, je propose la candidature du Liban en tant que siège officiel et permanent du dialogue entre les civilisations, les religions et les ethnies. Une organisation dépendant des Nations unies.
« En espérant que les pays membres apporteront leur soutien à cette candidature quand elle sera présentée. Réalisons ensemble la belle ambition des Nations unies, une assemblée de nations œuvrant pour construire un monde où règnent la paix et la stabilité. »