Les mains posées sur le pourtour de l'ostensoir, le père Ayoub Chahwan, représentant le patriarche maronite Mgr Béchara Raï, lève l'hostie minutieusement depuis l'autel. Lorsque l'ostensoir est monté suffisamment pour cacher en entier la face du prêtre, la pièce d'orfèvrerie, en forme de soleil, peine à rencontrer l'astre doré luisant dans le ciel de Meerab.
Les quelque 5 500 personnes rassemblées hier à Meerab pour assister à la traditionnelle messe annuelle à la mémoire des martyrs des Forces libanaises sont venues confirmer, encore une fois cette année, le slogan lancé par les FL pour l'occasion : « Nous sommes ici. » L'autel mis en place spécialement pour l'occasion semble avoir été creusé dans les montagnes les plus rocailleuses. Derrière la croix en bois marron foncé, les rochers se dressent solennellement. En face, le pied de la montagne est presque totalement enfoui derrière un énorme fond sur lequel sont écrits, noir sur blanc, les noms des martyrs des Forces libanaises.
Le soleil n'allait pas tarder à se coucher, mais l'heure du leader des Forces libanaises, Samir Geagea, s'est arrêtée à l'aube. « Depuis l'aube d'Achrafieh et de Aïn el-Remmaneh, en passant par Zahlé et Knat, et jusqu'à "L'aube des jurds", l'aube du Qaa et de Ras Baalbeck, la résistance est une seule face aux nombreux daechistes dont le visage et le nom se muent d'une période à une autre », lance-t-il. M. Geagea a ensuite appelé le public à observer une minute de silence en hommage aux militaires martyrs et aux soldats tombés lors des batailles du jurd.
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Dans un discours prononcé au terme de l'office divin, le leader des FL a d'emblée tiré à boulets rouges sur le Hezbollah, dans une volonté de mettre les points sur les i : « Quelques heures avant que l'armée libanaise ne capture les membres du groupe État islamique, le Hezbollah, soutenu par le régime de Damas, s'est chargé de négocier avec les combattants de l'EI pour ensuite faciliter leur évacuation vers la Syrie. Tout cela a été fait comme si le Liban n'avait pas de militaires otages qui ont été liquidés, comme si l'armée libanaise ne comptait pas parmi ses soldats des martyrs et des blessés, comme s'il n'y avait pas eu d'attentats-suicides à Qaa, dans la banlieue sud de Beyrouth, à Ras Baalbeck et dans la Békaa, et comme s'il n'y avait pas de Libanais qui attendent que ces assassins terroristes soient arrêtés et jugés. »
Et de poursuivre : « Pire encore, il y a eu une tentative de convaincre les Libanais que le marché conclu avec l'EI avait pour objectif de révéler le sort des militaires otages. Pourtant, tout le monde savait que l'armée libanaise allait de toute façon révéler leur sort, une fois les membres du groupe capturés. »
M. Geagea a ensuite encore une fois salué l'armée libanaise qui « a fait preuve dernièrement de sérieux et de grande capacité, et qui a acquis l'attention et l'appréciation de tous les amis du Liban, arabes ou étrangers ». « Si notre armée est forte, pourquoi garder cette institution légitime dans une situation précaire tandis que le Hezbollah est autorisé à outrepasser la légitimité », s'est-il interrogé avant de poursuivre : « La majorité des Libanais sont contre le Hezbollah parce qu'il possède des armes illégales, parce qu'il hypothèque la décision nationale et se conforme à des agendas extérieurs. »
C'est en citant quatre vers de l'imam Ali ibn Abi Taleb, le premier des imams chiites – qui évoquent les changements qui peuvent surgir à n'importe quel moment – que le leader des FL a rappelé « à certaines parties que le 14 mars 2005, les Libanais ont réussi à faire échec aux projets qu'ils prônaient depuis 1990 ». « Cette fois-ci, ce sont les Libanais et les Syriens qui feront échec à ce projet, tôt ou tard », a-t-il martelé, invitant les Libanais à une « révolution blanche, dont les armes seront le vote et la démocratie ».
Au sujet de la normalisation avec le régime de Damas, à travers notamment la visite des ministres libanais en Syrie, M. Geagea a réaffirmé ses prises de position fermes à cet égard. « Certaines parties tentent de normaliser les relations avec le régime d'Assad à travers des prétextes tels que le dossier du retour des réfugiés syriens chez eux, la collaboration au niveau militaire lors des opérations dans le jurd, la conclusion d'accords qui portent sur l'agriculture ou sur l'entrée de camions libanais dans le territoire syrien, a-t-il relevé. Avant d'assurer le retour des réfugiés ou de conclure de quelconques accords, rendez-nous les disparus et les détenus libanais dans les prisons syriennes, annulez le traité de coopération et de fraternité entre le Liban et la Syrie, dissolvez le Conseil supérieur libano-syrien qui est anticonstitutionnel, livrez ceux qui ont été jugés coupables dans l'affaire du double attentat contre les mosquées as-Salam et al-Takwa à Tripoli, et admettez la libanité des fermes de Chebaa. »
Le chef des FL a ensuite évoqué l'entente de Meerab, scellée entre son parti et le Courant patriotique libre en janvier 2016. « Cette entente est essentielle, particulièrement sur le plan du partenariat islamo-chrétien, car elle trace l'avenir du Liban », a-t-il déclaré, en présence notamment du député Ibrahim Kanaan, représentant le chef de l'État, Michel Aoun, soulignant que « cet accord perdurera et ceux qui croient que l'entente de Meerab se limite à l'élection d'un président de la République se trompent gravement ».
Notons que les Marada ont été invités à assister à la messe mais ils n'ont pas répondu à l'appel. Un cadre des FL, qui dit comprendre l'attitude des Marada, a assuré à L'Orient-Le Jour que « le dialogue avec le parti présidé par Sleiman Frangié est sur les rails et semble mener à des résultats positifs ».
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commentaires (6)
Dr. Geagea a eu le courage d'oser dire ce que d'autres dirigeants politiques libanais n'ont pas osé faire. Rien que pour cela, il doit en être remercié avec enthousiasme.
Tony BASSILA
16 h 25, le 11 septembre 2017