Il y a quelque chose d'universel dans les yeux de Hussein Youssef. Dans ses postures, dans son corps en souffrance perpétuelle. Dans cette attente qui a été la sienne, et celle d'une dizaine de pères et de mères, pendant plus de trois ans. Dans son combat, avant, pendant et après : parce que rien ne peut être qualifié de contre-nature à part des parents qui enterrent un enfant – et que cet enfant soit tombé au champ d'honneur ne change rien à la donne. Il y a quelque chose d'universel dans ce parent de militaire ex-otage de l'État islamique assassiné avec ses compagnons : universel dans ses extrêmes (il veut l'application de la peine de mort), universel dans sa dignité (il a appelé tous les Libanais à rester unis face au terrorisme), universel dans sa colère (il ne comprend pas qu'une milice libanaise ait pu permettre aux bourreaux de fuir le Liban dans des bus climatisés), universel dans sa douleur, assourdissante de cent et un silences.
Personne n'en voudra à Hussein Youssef de se moquer, pour l'instant, du nettoyage des 140 km² de territoire libanais, désormais libérés, en principe, de toute présence islamiste terroriste. De se moquer, pour l'instant, de la victoire. De critiquer vertement le Hezbollah. Et pourtant, victoire il y a eu. Et elle a été belle, malgré le prix. Pas parce que les combats d'homme à homme étaient durs – il n'y en a pas eu, contrairement à Nahr el-Bared en 2007. Pas parce que le Hezb a décidé encore une fois de faire un bras d'honneur à l'État et à ses institutions, troupe en tête, et d'imposer calendrier et distribution. Si cette victoire de tous les jurds (Ersal, Qaa, Ras Baalbeck) fera date, c'est parce qu'elle a permis à l'armée libanaise et à son commandement de se transcender. De presque se transfigurer. De s'imposer, dans un respect inouï de l'éthique, en véritables garants de la souveraineté du pays. De montrer, s'il en était encore besoin, l'immense primauté du militaire sur le milicien. Son urgence.
Mais comme d'habitude, le secrétaire général du Hezbollah a décidé de s'approprier la victoire. De s'offrir par la même occasion un joli cadeau d'anniversaire. Sauf que cette « deuxième libération du Liban » n'a été en réalité qu'un énième rassemblement monochrome d'un parti à la gloire d'un chef désormais en quête. Hassan Nasrallah est un génie politique, qui comprend très vite. Le voilà donc en quête de légitimité (nationale), surtout, après avoir totalement échoué à fédérer a minima autour de son entreprise de mercenariat auprès de Bachar el-Assad. Il y a de la nostalgie chez Hassan Nasrallah, une quête de retour de cette flamme post-mai 2000, quand l'immense majorité des Libanais avait convenu que le Hezbollah a grandement contribué au retrait israélien du début du millénaire. Surtout que le patron du Hezb sait à quel point les choix plus ou moins imposés par Téhéran depuis (la guerre de juillet 2006, la tentative d'Anschluss de Beyrouth et de la Montagne en 2008, etc.) ont dynamité le crédit acquis en ce fameux an 2000 par son parti.
« Le président syrien m'a fait savoir que l'évacuation des islamistes serait embarrassante pour lui, mais qu'il était prêt à l'accepter dans l'intérêt du Liban. » Avec des arguments fallacieux comme rarement, avec cette faveur, cette concession bling bling rendue au peuple libanais (il a bravé tous les dangers pour se rendre en personne à Damas...), M. Nasrallah a carrément chipé la victoire du peuple, de l'armée et de l'État – aussi divisé que soit ce peuple, aussi mal équipée que soit cette armée et aussi bancal et ectoplasmique que soit cet État. Pire encore : il en a profité pour faire assumer tous les revers de la médaille aux institutions officielles, le gouvernement de Tammam Salam en tête. Député de Beyrouth et ministre à l'époque, Nabil de Freige a été bien inspiré de proposer que soient rendus publics les procès-verbaux des Conseils des ministres d'août et de septembre 2014. La commission d'enquête sur la mort des militaires otages demandée par le président Aoun devrait forcément les exiger.
Si Hassan Nasrallah et ses mentors voulaient qatariser le Liban, l'ostraciser, ils ne s'y prendraient pas autrement.
P.S.: Et pendant que le Hezbollah s'inquiète du sort des malheureux Rohingyas en Birmanie (parce que les Syriens barbarisés par le régime de Bachar el-Assad ne sont pas musulmans ?) et que le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, est occupé à préparer sa campagne électorale de 2018, tout en plaçant le maximum de aounistes aux postes administratifs-clés, qui se soucie du sort de Nizar Zakka, ce Libanais qui vient d'être condamné par Téhéran dans un simulacre de procès à dix ans de réclusion pour « collaboration » avec les États-Unis ? L'Iran, un pays pourtant très ami du Liban et... de M. Nasrallah.
commentaires (8)
j'attend avec impatiente les documents secrets qui vont etre déclassifier sur la periode de 95-05 et la on verra vraiment pq israel est sorti du liban !! j'attendrais peut etre infiniment afin que les dossiers secrets de l'iran deviennent publique afin de savoir pq le hezb c'est attaquer a israel en 2006 juste le lendemain d'une reunion importante au conseil de securite pour parler de son programme nucleaire et basta faut arreter khallas de faire l'autruche et d'etre pris pour des imbeciles
Bery tus
19 h 52, le 05 septembre 2017