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À La Une - société

"Où est mon nom ?" ou quand les Afghanes s'élèvent contre l'anonymat

L'activiste Laseh Osmany, initiatrice de la campagne, répond aux questions de L'Orient-Le Jour sur un mouvement qui fait le buzz. 

#Oùestmonnom? Utilisez ce hashtag pour exprimer vos revendications sociales et nous pourrons ainsi faire le plus grand changement en Afghanistan, peut-on lire sur le compte twitter de l'auteure et militante, Bahar Sohaili.

Être constamment appelée « la sœur de... », « la mère de... » ou « l'épouse de... », sans jamais être désignée par son prénom.  Tel est le quotidien de la femme afghane. À la pharmacie, la prescription passe au nom du mari, il en est de même chez le médecin. Lors du mariage, il arrive que le nom de la femme ne figure même pas sur les cartons d'invitation. Pareil sur les pierres tombales.

C'est contre cette tradition patriarcale vieille de plusieurs siècles que se sont élevées une poignée d'Afghanes, lançant une campagne aujourd'hui bien connue sur les réseaux sociaux : #WhereIsMyName (Où est mon nom). Le but ? donner aux femmes d'Afghanistan leur droit à l'identité.

Laseh Osmany, une jeune activiste afghane, initie le mouvement le 5 juillet à Hérat. Fatiguée d'être constamment désignée par le nom des hommes qui l'entourent, elle demande à tous ceux et celles qui partagent son opinion de publier leur photo, d'indiquer leur nom complet et surtout d'inscrire la mention Where is my name précédée du dièse. La réaction est immédiate : des femmes de partout participent à l'exercice. Les hommes se joignent également au mouvement, dévoilant le nom de leur épouse, de leur sœur et de leur mère. La campagne reçoit par ailleurs un fort écho dans les médias locaux.


Des citoyennes de seconde zone
« L'identité d'une femme passe aussi par son prénom », explique Laseh Osmany à L'Orient-Le Jour. « En nous refusant ce droit, on nous vole une partie de notre identité, de notre estime de soi et on fait de nous des citoyennes de seconde zone ». La première étape consiste à « modifier la loi concernant les certificats de naissance, où le nom de la mère ne figure pas, ajoute la jeune Afghane. C'est tout à fait inacceptable ». Laseh Osmany espère que son message ne s'arrêtera pas aux réseaux sociaux et qu'il sera entendu par le gouvernement.

Un premier événement public s'est d'ailleurs tenu la semaine dernière à Kaboul, auquel ont participé un ministre, plusieurs experts et des dizaines de femmes. « J'ai décidé de participer car je veux vraiment voir du changement. Je suis fatiguée de nous voir vivre à l'époque médiévale alors que nous sommes au XXIe siècle », explique à l'AFP l'une d'elles, Tahmina Arian, âgée de 26 ans.

Toutefois pour Abdullhah Atahi, porte-parole de la Haute Cour de Kaboul, interrogé par l'agence de presse Reuters, « la société afghane n'était pas prête à changer ».

 

Des vedettes afghanes ont aussi élevé leur voix contre cette injustice, notamment Farhad Darya, chanteur afghan adulé, qui a mis en ligne une photo de lui et son épouse, avec leurs noms, et Bahar Sohaili, écrivaine et militante.

 

Cette campagne défend l'identité des femmes afghanes. Appelez-moi par mon nom au lieu de dire « la sœur de Hajji Jawad » ou « la mère de Samuel ».

 

Je ne connaissais pas le prénom de ma mère pendant plusieurs années, même quand je suis devenu adulte.

 

 

Pour Laseh Osmany, la montée en popularité du mouvement n'a rien d'anodin. « Les Afghanes sont conscientes qu'il est temps d'agir et de se mobiliser pour la cause. Il est aussi temps que les hommes afghans nous apportent leur soutien. On a besoin d'eux dans cette lutte », dit-elle.

 

Une tradition qui remonte à plusieurs siècles
Car la tradition de ne pas faire usage des noms des femmes s'enracine dans la culture afghane tribale. Dans certaines zones rurales, où les habitants sont peu éduqués, les hommes évoquent même les femmes par un mot unique qui peut se traduire par « tête noire ». « La tradition remonte à plusieurs siècles. Notre société est ultra-conservatrice et les Afghans peuvent éprouver de la honte à appeler une femme par son nom », explique à l'AFP Mohammad Amir Kamawal, professeur de sciences sociales à l'Université de Kaboul. La religion n'est toutefois pas en cause, selon lui. « Le Coran ne mentionne nulle part que les femmes ne doivent pas être appelées par leur prénom. Des mollahs conservateurs ont mal interprété certains versets », souligne-t-il.

Si cette campagne prend de l'ampleur, tout le monde n'apprécie pas pour autant l'initiative.
« Mieux vaut dire +où est mon hijab+ plutôt que +où est mon nom+. Puisse Dieu ne jamais couvrir de honte les femmes », a ainsi réagi un internaute. D'autres ont accusé la campagne de « détourner les femmes afghanes » et de tenter de les occidentaliser.

Des critiques qui n'arrêtent pas les militantes de cette campagne qui ne veulent pas limiter leur mouvement à la toile. « Nous allons lancer des pétitions, organiser des rencontre politiques et peut-être engager des procédures légales. Or, pour réaliser ces objectifs, il faut un financement qui n'est pas facile à trouver », affirme Laseh Osmany. « Mais nous gardons espoir. Nous ne voulons pas nous affilier à une organisation quelconque, nous sommes un mouvement indépendant créé par des femmes pour les femmes », conclut-elle.

 

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Être constamment appelée « la sœur de... », « la mère de... » ou « l'épouse de... », sans jamais être désignée par son prénom.  Tel est le quotidien de la femme afghane. À la pharmacie, la prescription passe au nom du mari, il en est de même chez le médecin. Lors du mariage, il arrive que le nom de la femme ne figure même pas sur les cartons d'invitation. Pareil sur les...

commentaires (3)

""Être constamment appelée « la sœur de... », « la mère de... » ou « l'épouse de... »"" Seulement en Afghanistan ? Au Liban on désigne une femme mariée par l’épouse de … ""madamto la", ou une sœur pour se présenter ""ana ikhtou"" surtout quand son frère en bien en vue… Libanaises révoltez-vous !

L'ARCHIPEL LIBANAIS

15 h 40, le 25 août 2017

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Commentaires (3)

  • ""Être constamment appelée « la sœur de... », « la mère de... » ou « l'épouse de... »"" Seulement en Afghanistan ? Au Liban on désigne une femme mariée par l’épouse de … ""madamto la", ou une sœur pour se présenter ""ana ikhtou"" surtout quand son frère en bien en vue… Libanaises révoltez-vous !

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    15 h 40, le 25 août 2017

  • EN AFGHANISTAN ON VIT ENCORE DANS LA NUIT DES TEMPS ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 21, le 25 août 2017

  • La demande est légitime, mais elle le serait davantage si elle était accoompagnée d'une autre question, au moins aussi importante : "Où est mon visage"????

    NAUFAL SORAYA

    21 h 01, le 24 août 2017

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