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Moyen Orient et Monde - Interview express

« On a ici le premier vrai test pour Donald Trump »

Des manifestants protestant contre les mouvements d'extrême droite, à Charlottesville le 13 août. Chip Somodevilla/Getty Images/AFP

Critiqué pour ne pas avoir instantanément condamné les mouvements d'extrême droite après les violences qui ont éclaté samedi à Charlottesville en Virginie dans lesquelles une femme est morte, Donald Trump est de nouveau au centre des interrogations. Le politologue spécialiste des États-Unis et maître de conférence à l'Université de Paris II Assas, Jean-Éric Branaa, décrypte pour L'Orient-Le Jour les enjeux liés à la nouvelle polémique qui éclabousse la Maison-Blanche.

Dans quelle mesure l'élection de Donald Trump a rendu plus visibles les mouvements d'extrême droite américains ?
Il est vrai que l'élection de Donald Trump a boosté les mouvements suprématistes, dans lesquels les individus considèrent qu'il faut passer par une supériorité de la race blanche et se hissent contre le multiculturalisme. Ils se sont sentis entendus par le candidat au slogan « Rendre la grandeur à l'Amérique ». Ce slogan inclusif pour eux s'est ensuite transformé en « L'Amérique d'abord » et même « Forteresse Amérique » afin de remettre les frontières en place. En réalité, c'est ce qu'ils prônent également, puisqu'ils sont pour le rejet de l'immigration. Tout au long de la campagne, ils ont donc soutenu et accompagné le candidat Trump. Ils ont fait partie des plus militants autour de Donald Trump, autant sur le terrain que sur les réseaux sociaux où ils sont très actifs. Ces mouvements, en particulier celui de l'« Alt Right », ne sont presque essentiellement que des mouvements virtuels qui existent sur les réseaux sociaux. Ces personnes se rencontrent virtuellement et créent des amitiés virtuelles. Au contraire, leur combat ne l'est pas du tout : il y a derrière des penseurs politiques qui essaient de faire avancer ces idées.

 

(Pour mémoire : Au Sénat, le candidat de Trump à la Justice se défend de tout racisme)

 

Pourquoi Donald Trump a-t-il fait le choix de ne pas condamner lui-même les mouvements d'extrême droite après les violences qui ont eu lieu samedi à Charlottesville ?
En réalité, il a condamné ces mouvements, mais a appliqué cette condamnation aux deux camps. Aujourd'hui, la réponse de la Maison-Blanche a été : « Il y avait cette condamnation déjà, mais les gens n'ont pas voulu la voir. » L'éclaircissement de cette réponse a depuis été spécifié en incluant tous les groupes de la branche radicale des États-Unis, y compris le Ku Klux Klan (KKK), les suprématistes blancs et les mouvements néonazis. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait au départ ? Parce qu'il a estimé qu'il était en train d'abord de condamner la violence. Il y a donc deux séquences à voir dans ce communiqué, la première étant que Donald Trump prend acte des divisions qui existent dans la société américaine. C'était son rôle de président de le faire, parce qu'apporter une solution à un problème nécessite de le diagnostiquer au préalable. La société américaine est fracturée en deux camps qui s'opposent frontalement depuis l'élection de Donald Trump et il faut désormais sortir de cette séquence qui handicape fortement les États-Unis. Dans un deuxième temps, il a effectivement condamné les groupes violents. Ces mouvements existent en réalité autant à droite que de l'autre côté, comme le groupe « Antifa », diminutif d'antifascistes dont les idées sont très à gauche. Donald Trump affirme depuis le départ que les médias ne sont pas justes avec lui, parce qu'ils ne voient toujours qu'un seul côté. Pour lui, les deux faces du problème sont autant problématiques l'une que l'autre. Aujourd'hui, il a clarifié un discours qui nécessitait cette démarche.

Quelles pourraient être les conséquences de la position ambiguë, voire complaisante, qu'entretient Donald Trump à l'égard des mouvements d'extrême droite au sein du camp républicain ?
Je crois qu'il n'y en aura pas, tout simplement parce qu'il y a eu une clarification ce soir après 24 heures d'ambiguïté. La Maison-Blanche vient de faire une seconde lecture du premier communiqué, ce qui est une procédure courante depuis le début de la présidence de Donald Trump. Pour autant, le parti républicain a longtemps eu l'habitude de jouer sur le sentiment des personnes déclassées pour pouvoir se hisser au pouvoir. La captation de l'électorat est une attitude qui existe au sein du parti républicain. En sortant de l'ambiguïté ce soir, Donald Trump a effacé l'ardoise et il s'est remis au centre du jeu. Le défi important maintenant reste qu'il apporte des solutions, ce qui serait un événement assez inattendu. Si on garde en tête son programme de président, on a ici le premier vrai test pour le président Trump. Au-delà du programme, ce sont surtout les événements qui font le président. On a ici un vrai premier test de l'américanisme de Donald Trump : savoir s'il peut être un président de l'Amérique qui s'adresse aux problèmes de l'Amérique. Donald Trump va maintenant devoir s'inscrire dans ce mouvement, voire en prendre la tête. Ce serait pour lui le début d'une autre présidence, d'un autre « tempo » que ses conseillers sont assurément en train de lui souffler.

 

 

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