Les yeux des Libanais sont fixés sur le jurd de Qaa et de Ras Baalbeck, dans l'attente du déclenchement de la bataille annoncée contre le dernier foyer de terroristes présumés dans ce secteur. Le Haut Conseil de défense s'est d'ailleurs réuni hier à Baabda, sous la présidence du chef de l'État, à cet effet. Les décisions n'ont évidemment pas été divulguées même si la presse avance des dates, des plans et des pronostics. Des sources militaires bien informées précisent, dans ce contexte, que ce qui est publié dans la presse sur la bataille programmée du jurd n'est que spéculation, l'armée n'ayant pas l'intention de donner à l'avance des informations sur ce sujet particulièrement délicat.
Les sources militaires précitées affirment toutefois que deux choses sont sûres : la bataille est inévitable (sauf surprise de dernière minute dans le cadre d'éventuelles négociations) et elle aura lieu en parallèle avec celle qui sera menée par l'armée syrienne et le Hezbollah dans la partie syrienne de ce jurd. Car ce ne serait pas judicieux de mener la bataille du côté libanais tout en laissant les combattants de l'État islamique se réfugier du côté syrien du jurd. Tous les spécialistes militaires sont unanimes sur la nécessité de mener la bataille des deux côtés pour qu'elle soit efficace.
Les sources militaires bien informées ajoutent encore que la bataille du jurd de Qaa et de Ras Baalbeck est beaucoup plus compliquée qu'on ne le croit pour plusieurs raisons : la géographie des lieux et la détermination des combattants condamnés à combattre parce qu'il n'y a pas d'autre alternative.
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Concernant la nature géographique des lieux, elle donne l'avantage aux combattants de l'EI, postés sur les cimes les plus élevées du jurd. À ce sujet, les sources précitées révèlent qu'il n'y a pas d'estimation précise du nombre de jihadistes. En principe, il varierait entre 500 et 1 000. Ce qui peut paraître dérisoire relativement à l'étendue des lieux (une superficie d'environ 300 km2, dont près de 140 en territoire libanais et le reste en territoire syrien, sachant toutefois que le côté syrien renferme les cimes les plus élevées qui commandent ainsi le jurd du côté libanais). Mais ces combattants sont bien équipés et occupent les lieux depuis au moins trois ans. Mais dans toute cette région, il n'y a pas de civils ni de camps de déplacés qui pourraient servir de relais aux combattants ou les approvisionner. Avant la dernière avancée de l'armée syrienne dans le désert (la badyé, comme on dit en Syrie), les combattants se déplaçaient en toute liberté jusqu'à Raqqa. Ce n'est plus possible désormais. Cet isolement peut être un atout pour l'armée libanaise, mais aussi un handicap.
L'atout, c'est que les combattants sont pratiquement encerclés, dans un large espace, certes, mais ils n'ont pas de possibilité de s'approvisionner en armes, munitions et nourriture, si la bataille se prolonge. De plus, ils ont beau avoir des hôpitaux de campagne, ils ne sont pas équipés pour soigner de graves blessures. Ce qui peut avoir une influence sur leur moral, sachant que chaque blessé plus ou moins grave est un homme mort dans de telles circonstances.
Mais le handicap pour l'armée, c'est que dans un tel contexte, les combattants de Daech pourraient se battre jusqu'au bout puisqu'ils ne disposent d'aucun couloir de ravitaillement ou de sortie... À moins de mener des négociations en ce sens. Contrairement à ce qui s'est passé dans la bataille menée par le Hezbollah contre les combattants de l'ex-Front al-Nosra, qui ont été évacués vers Idleb, les combattants de l'EI n'ont nulle part où s'installer s'ils décident de mener des négociations.
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L'armée syrienne refuse de les laisser entrer à Deir ez-Zor, où elle s'apprête à mener une offensive et n'a donc pas besoin d'un afflux supplémentaire de combattants, et les États-Unis n'accepteront pas qu'ils se réfugient à Raqqa où les forces kurdes qui sont leurs alliées s'apprêtent aussi à mener la bataille. Il ne leur reste plus qu'Idleb, mais pour y aller ils devront déclarer leur allégeance à l'ex-al-Nosra et à son chef Abou Mohammad al-Joulani. Ce serait alors une défaite lamentable, puisque lorsque les combattants de l'ex-al-Nosra, sous la pression du Hezbollah, avaient voulu se réfugier dans les zones de Daech, cette organisation avait exigé qu'ils déclarent leur allégeance au calife autoproclamé, Abou Bakr el-Baghdadi. Seule une poignée de combattants avaient accepté de le faire (on parle d'un groupe de 25).
Tous ces éléments montrent que la bataille annoncée contre Daech risque d'être difficile et compliquée, même si, selon les données objectives, l'armée libanaise en sortira forcément victorieuse. Il s'agit simplement de chercher à limiter les pertes. Or, face à des combattants désespérés, la bataille est plus compliquée et violente. Le plus étrange, estiment les sources militaires précitées, c'est le silence de l'EI. Pendant toute cette période, et depuis qu'il est question de la bataille du jurd, l'organisation terroriste ne s'est pas manifestée, ni pour proposer des négociations ni pour montrer sa détermination à mener la bataille. Son seul acte a été de riposter à la progression de l'armée sur des collines qui étaient occupées par les combattants de l'ex-al-Nosra limitrophes de la zone contrôlée par Daech, par le lancement de huit obus à Qaa près de la caserne de l'armée. Les obus n'ont pas fait de victimes ni causé de dégâts. Il s'agirait donc, selon toute probabilité, d'un avertissement. Mais faut-il l'interpréter comme une déclaration de guerre, ou au contraire comme une volonté de stabiliser une sorte de ligne de front ? Les sources militaires précitées pensent que Daech préfère mener une longue bataille de positions. Mais c'est l'armée libanaise qui devrait au final décider du cours des événements.
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Des hélicoptères de l'armée libanaise ont bombardé mercredi soir des éléments jihadistes retranchés sur les hauteurs des localités chrétiennes de Qaa et Ras Baalbeck, à la frontière syrienne, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Pas besoin ni de l'armee syrienne, ni de la coalition, ca prendra peut etre plus de temps, mais puisqu'il faut toujours que les libanais s'arrachent l'armée dans tous les sens... mais bon pas grave le resultat sera le même: victory
21 h 14, le 09 août 2017