Rechercher
Rechercher

Économie - Construction

Saudi Oger s’éteint, les employés toujours dans le noir

Les activités de l'entreprise de BTP devraient être à l'arrêt à partir de demain, laissant des dizaines de milliers d'anciens employés sans nouvelles de leurs salaires depuis 22 mois.

Certains employés ne croient plus en l’intervention du gouvernement saoudien, promise depuis déjà un an. Photo archives Reuters

Alors que Saudi Oger doit toujours près de 22 mois de salaire à plusieurs dizaines de milliers de ses employés et ex-salariés, l'ancien fleuron du BTP saoudien détenu par le Premier ministre Saad Hariri devrait définitivement cesser toute activité demain. Une information qui avait été confirmée début juin à L'Orient-Le Jour par une source proche de la direction. Depuis, aucune information officielle n'a filtré, mais tout tend à valider cette hypothèse. « L'ensemble des bâtiments du siège à Riyad sont fermés. Je n'ai vu que sept ou huit personnes dans les bureaux des ressources humaines, et quelques-unes à la comptabilité », rapporte un ancien employé qui était sur place début juillet.

 

« Accord à l'amiable »
Le statut juridique de Saudi Oger reste flou. « Ce qui est sûr, c'est que l'entreprise n'aura plus d'employés ni de chantiers en cours d'ici à fin juillet. Mais c'est à la direction de décider ensuite si l'entreprise va légalement fermer ses portes », explique un cadre de Saudi Oger à L'Orient-Le Jour. Selon une source proche d'anciens employés français, qui ont récemment saisi les prud'hommes de Bobigny, un accord à l'amiable serait en cours de négociation entre la direction de Saudi Oger et le ministre de la Défense, nommé prince héritier fin juin, Mohammad ben Salmane. Le but est de faire pression sur l'entreprise afin qu'elle règle toutes ses dettes avant de fermer définitivement.

Fondée en 1978 par l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, l'entreprise a sombré pour cause de mauvaise gestion, mais aussi, et surtout, à cause du ralentissement de l'économie saoudienne dû à la baisse du prix du baril de pétrole. Selon des estimations de Reuters qui datent de septembre dernier, l'État saoudien doit une somme colossale à Saudi Oger, qui s'élève à 30 milliards de riyals (8 milliards de dollars). De son côté, l'entreprise doit rembourser plus de 3,5 milliards de dollars de créances à des banques de la région, somme qui s'ajouterait aux milliards de riyals d'arriérés de paiement accumulés auprès de sous-traitants, de fournisseurs et de ses salariés.

Non payés depuis des mois, nombre d'entre eux ont porté plainte auprès des autorités saoudiennes pour récupérer leurs salaires et indemnités de fin de service. Mais aucun versement n'a encore eu lieu. Pour certains cadres, le préjudice peut atteindre plus de 100 000 dollars. Depuis le début des difficultés financières de Saudi Oger, le nombre d'employés s'est réduit comme peau de chagrin, entre licenciements successifs et départs volontaires. Alors qu'ils étaient 38 000 début 2016, dont près de 2 000 Libanais, ils ne sont plus que quelques milliers aujourd'hui.

Seuls environ 3 000 d'entre eux se voient proposer l'alternative d'intégrer la nouvelle entreprise de construction fondée par plusieurs anciens de Saudi Oger en début d'année, en particulier pour assurer la maintenance de la King Abdallah University of Science and Technology (Kaust). D'après plusieurs sources de L'Orient-Le Jour, cette entreprise, nommée MACC, aurait été créée pour récupérer quelques anciens chantiers de Saudi Oger.

Les autres ont deux choix : trouver un nouvel employeur ou quitter définitivement le pays. La première option est possible mais difficile, du fait du ralentissement économique global qui touche le Golfe. La plupart des employés qui ne trouvent pas de travail ailleurs rechignent à quitter le pays de peur d'amoindrir leurs chances de recevoir leurs arriérés de salaire.

 

 

(Lire aussi : La descente aux enfers de Saudi Oger entraîne avec elle des centaines de Libanais expatriés)

 

Employés « fugitifs »
Une situation plus que précaire accentuée par les pressions subies. Sur les réseaux sociaux circule depuis quelques jours la copie d'un e-mail, dont l'authenticité a été confirmée par plusieurs sources à L'Orient-Le Jour, qui menace les anciens employés au chômage. Daté du 25 juillet et signé Atif Bsat, qui serait à la tête des ressources humaines de Saudi Oger à Djeddah, l'e-mail stipule qu'à partir du 1er août 2017, « tous les employés de Saudi Oger seront considérés par le ministère du Travail comme des fugitifs, houroub (fugitif en arabe, NDLR) s'ils n'ont pas demandé leur visa d'exit final ou changé d'employeur », « conformément aux instructions reçues du siège (de Saudi Oger, NDLR) basées sur le plan d'action du ministère du Travail ». Ceux qui n'ont ni obtenu leur visa de sortie ni changé d'employeur sont priés d'avertir leur consulat afin d'accélérer ces procédures. Être considéré comme « fugitif » implique la prison, l'expulsion du pays et l'interdiction de retour pour plusieurs années, rapportent plusieurs anciens employés.

Contactée, une source proche de la direction de Saudi Oger se veut rassurante : « Je ne pense pas que les autorités vont considérer les anciens employés comme des fugitifs. Cette accusation est trop grave. » Selon cette source, les autorités ont surtout cherché à pousser l'entreprise à accélérer les formalités administratives afin qu'il ne reste « aucun employé d'ici à fin juillet ». Selon elle, tout le monde sera payé, « à terme ». « J'en suis sûr. Parce que c'est la loi saoudienne ! »

Reste que certains employés ne croient plus en l'intervention du gouvernement saoudien, promise depuis déjà un an. Jamal Alzoubi remue ciel et terre auprès de plusieurs institutions internationales des droits de l'homme afin de faire reconnaître le préjudice vécu par les anciens de Saudi Oger. Cet ancien responsable de projet jordanien a notamment appelé ses collègues à écrire individuellement au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH). Sans résultat pour l'instant, la plainte ayant été rejetée car dirigée contre une entreprise, et non contre un État, a confirmé le HCDH à L'Orient-Le Jour.

 

 

Pour mémoire

Saudi Oger va fermer ses portes en juillet

Saudi Oger : les employés libanais attendent toujours leurs arriérés

Saudi Oger : des sous-traitants réclament des dizaines de millions de dollars

 

 

 

Alors que Saudi Oger doit toujours près de 22 mois de salaire à plusieurs dizaines de milliers de ses employés et ex-salariés, l'ancien fleuron du BTP saoudien détenu par le Premier ministre Saad Hariri devrait définitivement cesser toute activité demain. Une information qui avait été confirmée début juin à L'Orient-Le Jour par une source proche de la direction. Depuis, aucune...

commentaires (5)

Quelle histoire bizarre: un état de droit (sic) qui vous doit cette somme faramineuse, qui ne paye pas son dû, pour raisons mystérieuses, aucune réaction du CEO de cet empire financier qui s'écroule, à part qu'il est bien content de devenir premier Ministre du Liban, et ne bouge pas le petit doigt pour au moins compenser ses milliers d'employés et leurs familles ruinés et jetés dans la rue... Vous me parlez d'arbitraire, d'injustice et d'état de droit: quelle rigolade... Et pour couronner le tout, on s'en remet au HCDH qui ne peut intervenir car la plainte est contre une entreprise et non un état? Allez comprendre qui est le menteur hypocrite dans tout ça? Solution idéale pour tout ce beau monde: la loi du silence et, après moi le déluge.. C'est toujours les mêmes qui crachent dans le bassinet!

Saliba Nouhad

01 h 19, le 01 août 2017

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Quelle histoire bizarre: un état de droit (sic) qui vous doit cette somme faramineuse, qui ne paye pas son dû, pour raisons mystérieuses, aucune réaction du CEO de cet empire financier qui s'écroule, à part qu'il est bien content de devenir premier Ministre du Liban, et ne bouge pas le petit doigt pour au moins compenser ses milliers d'employés et leurs familles ruinés et jetés dans la rue... Vous me parlez d'arbitraire, d'injustice et d'état de droit: quelle rigolade... Et pour couronner le tout, on s'en remet au HCDH qui ne peut intervenir car la plainte est contre une entreprise et non un état? Allez comprendre qui est le menteur hypocrite dans tout ça? Solution idéale pour tout ce beau monde: la loi du silence et, après moi le déluge.. C'est toujours les mêmes qui crachent dans le bassinet!

    Saliba Nouhad

    01 h 19, le 01 août 2017

  • SI C,ETAIT UNE CO. ETRANGERE ELLE RECLAMERAIT SON DU A LA SAOUDITE VIA LA JUSTICE MEME INTERNATIONALE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 15, le 31 juillet 2017

  • l'État saoudien doit une somme colossale à Saudi Oger, qui s'élève à 30 milliards de riyals (8 milliards de dollars). Et c'est la faute de l'entreprise?

    Evariste

    16 h 54, le 31 juillet 2017

  • Grandeur et décadence d'une entreprise familiale . La génération qui construit a laissé la place à la génération qui dilapide .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 04, le 31 juillet 2017

  • La roche tarsienne est près du Capitole,une croissance exceptionnelle, basée sur les Contrats concèdes par un état immensément riche et en soif de développement rapide, ne regardant pas à la dépense... Parfait en temps de "vaches grasses". Difficile en période de "vaches moins grasses " Changer de logiciel!

    Chammas frederico

    13 h 40, le 31 juillet 2017

Retour en haut