Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Reportage

Raqqa-Alep, l’interminable périple des rescapés de l’EI

Des familles ayant fui l’État islamique à la station de bus de Ramoussa à Alep, le 4 juillet. Joseph Eid/AFP

Sur les trottoirs poussiéreux de la principale gare routière d'Alep, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants, le teint blafard, les yeux cernés et hagards, languissent sous un soleil de plomb après avoir fui les jihadistes. Des milliers de rebelles et de civils avaient été évacués de cette gare routière en 2016, quand le régime syrien avait repris la totalité d'Alep. Aujourd'hui, elle est devenue un point de transit pour d'autres naufragés de la guerre en Syrie. Au « garage de Ramoussa », comme l'appellent les Alépins, des familles entières ayant quitté les fiefs jihadistes de Raqqa Mayadine et Deir ez-Zor régulièrement bombardés attendent de rejoindre leurs proches ailleurs dans le pays.
« On est là par miracle », confie à l'AFP Oum Hammoud, entourée de ses dix enfants, dont le plus jeune est un bébé de six mois. Avant la guerre, elle faisait le trajet entre sa Raqqa natale et Alep – à 200 km plus à l'ouest – en deux heures. Mais avec l'embrasement du front dans le fief du groupe jihadiste État islamique (EI) dans le Nord syrien, elle a mis un mois. « On a quitté Raqqa au début du ramadan après avoir payé 150 000 livres syriennes (près de 300 dollars) par personne. On peine à croire qu'on a survécu », témoigne cette femme de 45 ans qui a du mal à allaiter son bébé en pleurs. À bord de pick-up et après plusieurs arrêts, Oum Hammoud et les siens ont survécu aux mines, à un bombardement aérien, à des jihadistes traquant des fuyards, avant d'atteindre enfin Alep mardi, en route pour la ville de Homs où ils ont des proches. Elle découvre une Alep en ruine, ravagée par quatre ans de combats.

« C'était bondé ! »
« Enfant, je visitais Alep avec mes parents, on allait au restaurant, c'était beau », dit, émue, Oum Hammoud portant une abaya noire brodée d'un fil doré. Mohammad, un responsable de la billetterie dans une compagnie de bus, affirme voir « des malades qui n'ont pas vu des médecins depuis des années. Les enfants arrivent affamés ». « Ils passent parfois 24 heures pour attendre » le prochain bus, précise-t-il. Sa compagnie, al-Eman, est l'une des rares à être revenue à la gare de Ramoussa, rouverte début juillet pour la première fois depuis 2012, lorsque Alep s'est divisée en secteurs loyaliste et rebelle.
Ramoussa fut un secteur stratégique car traversé par la route vers la capitale Damas. Les baraques détruites près de la gare et des voitures carbonisées attestent toujours de la violence des combats. Après la victoire du régime à Alep, c'est à travers la gare de Ramoussa que sont partis les bus évacuant rebelles et civils bloqués pendant des mois dans la partie orientale de l'ex-capitale économique du pays. Mais la gare, qui grouillait de monde avant 2012, n'est plus que l'ombre d'elle-même. Les devantures des compagnies de bus ont disparu, les bureaux sont quasi vides et le bâtiment principal ravagé. « Avant, il y avait des bus partant toutes les 30 minutes, c'était bondé ici », selon Mohammad. Aujourd'hui, le service reste très aléatoire avec au maximum quinze bus par jour.

Destructions
Abboud el-Sayah a, lui, quitté Raqqa il y a trois mois, lorsque les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde combattant l'EI avec le soutien américain, se rapprochaient de ce fief de l'EI. « J'ai habité dans le désert (dans la province de Raqqa) et je m'occupais d'un troupeau de moutons avec des proches », raconte ce septuagénaire très brun portant de grosses lunettes. Il est passé de village en village et attend aujourd'hui le prochain bus pour la ville côtière de Lattaquié (Ouest), où il a de la famille.
Quant à Rouqaya, 66 ans, elle est venue à bord d'un pick-up de Mayadine, ville tenue par l'EI dans l'est du pays, près de la frontière irakienne. Cette mère de cinq enfants s'estime chanceuse car elle a fait le trajet en quatre jours, après avoir payé l'équivalent de plus de 3 700 dollars (3 200 euros) pour toute la famille. Mais durant ce voyage de l'est vers le nord de la Syrie, Rouqaya s'est rendu compte de l'étendue des ravages de la guerre. « On est allé de destruction en destruction. À Tabqa, tout est ravagé. À Alep, qui était un paradis, j'ai vu l'hôpital où travaillait l'un de mes fils. C'était complètement aplati, affirme-t-elle. Pourquoi toutes ces destructions ? Pourquoi chasse-t-on les gens de leurs maisons ? »

Rana MOUSSAOUI/AFP

Sur les trottoirs poussiéreux de la principale gare routière d'Alep, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants, le teint blafard, les yeux cernés et hagards, languissent sous un soleil de plomb après avoir fui les jihadistes. Des milliers de rebelles et de civils avaient été évacués de cette gare routière en 2016, quand le régime syrien avait repris la totalité d'Alep. Aujourd'hui,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut