Objet de controverses, notamment en France, le burkini, un maillot de bain intégral avec voile inventé par une couturière australienne d'origine libanaise, fait à nouveau polémique, cette fois-ci au Liban. En août dernier, plusieurs municipalités du littoral français avaient pris des arrêtés interdisant ces costumes de bain qui enveloppent le corps des cheveux jusqu'aux chevilles. Cette fois, c'est sur une plage du Liban-Nord que le burkini a posé problème.
Le 27 juin, Noura Zaïm, une Libanaise de Beyrouth, a raconté sur sa page Facebook sa mésaventure sur la plage attenant au complexe balnéaire de l'hôtel Miramar, à Tripoli, chef-lieu du Liban-Nord, où elle comptait se baigner vêtue d'un burkini, en compagnie de son époux et de son fils d'un an et demi.
"Alors que j'étais en train de me baigner avec mon fils, un maître-nageur a interpellé mon mari en lui expliquant que je ne pouvais pas aller me baigner dans cette tenue. Mon mari lui a alors demandé la raison de cette interdiction, le maître-nageur a répondu que c'est le règlement qui l'exigeait", explique-t-elle. "Trois autres personnes sont alors venues vers nous pour me demander de sortir de l'eau. J'ai répondu que la plage appartenait au domaine public, que je ne dérangeais personne et que j'ai le droit, comme n'importe quel citoyen libanais, de me baigner dans la mer. On m'a rétorqué que seuls les maillots de bain étaient autorisés", ajoute-t-elle, estimant que cet argument n'était pas valable.
"On m'a alors proposé de me baigner dans une piscine couverte, comme si on voulait nous cacher. J'ai refusé. On ne nous a pas laissé le choix. J'ai donc dit que je voulais quitter l'hôtel et j'ai réclamé que nous soient remboursées les trois nuits que nous avions payées, ce qui a été fait", conclut-elle.
"Jamais je n'aurais pu imaginer que l'on puisse m'interdire de me baigner à Tripoli en raison de mon hijab", déplore-t-elle dans ce long message, illustré par la photo du panneau sur lequel est inscrit le règlement intérieur spécifiant que le port du maillot de bain est obligatoire. "Le règlement devrait indiquer combien de centimètres de peau les femmes ont le droit de montrer", dit-elle avec ironie.
"Honte à cette mentalité extrémiste", lance-t-elle encore, incitant les lecteurs de ce message à poster de mauvaises critiques sur la page Facebook du Miramar.
"Manipulation"
Interrogé par L'Orient-Le Jour, le propriétaire de l'hôtel Miramar, Mohammad Adib, a dénoncé une "manipulation". "Nous lui avons juste spécifié que nous avions à disposition de nos clients une piscine réservée aux familles et aux femmes, comme il en existe dans plusieurs complexes balnéaires", affirme M. Adib.
Ulcéré par les commentaires accusant la direction de son établissement d'avoir pris une décision discriminatoire, le propriétaire du complexe se défend. "Je refuse d'entrer sur ce terrain qui consisterait à donner des leçons sur l'islam", déclare-t-il. "Il y a des tenues adéquates et convenables du point de vue de la religion islamique, qui dit que les femmes doivent dissimuler au regard des hommes les parties de leur corps allant du haut du buste aux genoux", explique-t-il. "Aucune fatwa sur le burkini n'a été édictée", ajoute-t-il.
"Il y a clairement une volonté de nuire au Miramar. Nous sommes face à une manipulation, une attaque d'ordre politique programmée contre le tourisme au Liban", affirme M. Adib. Selon lui, lors de son échange avec les responsables, Mme Zaïm aurait fait référence à l'ancien ministre de l'Intérieur et homme fort de Tripoli, Achraf Rifi, proche du propriétaire du complexe. Dans un message posté sur les réseaux sociaux, la vacancière a démenti avoir tenu des propos diffamant M. Rifi.
(Pour mémoire : L’Australienne d’origine libanaise Aheda Zanetti, créatrice du burkini, à « L’OLJ » : C’est juste un maillot !)
"Privée et ouverte au public"
Mohammad Adib a également déclaré avoir reçu le soutien du président du syndicat des complexes balnéaires, Jean Beyrouthi. "Il n'y a pas d'affaire", tranche M. Beyrouthi, interrogé par L'Orient-Le Jour. "Chaque société privée a ses règles qui doivent être conformes aux directives du ministère du Tourisme", indique-t-il.
"La loi intervient sur d'autres domaines comme la sécurité, mais pas sur ce genre de cas", précise M. Beyrouthi, expliquant que la plage du Miramar est "privée et ouverte au public". "Certains complexes interdisent par exemple le port du string. En l'espèce, les dispositions ayant trait au code vestimentaire sont à la discrétion des responsables des complexes touristiques", déclare le président du syndicat des complexes balnéaires.
"Les complexes balnéaires sont attachés à protéger la diversité et l'homogénéité de leur clientèle et de la société libanaise. C'est à partir de cet attachement que certains complexes mettent des piscines réservées à disposition de certains clients", indique M. Beyrouthi. "Le Liban est un pays touristique, nous n'avons pas besoin de ce genre de polémiques".
Pour mémoire
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commentaires (13)
Ça casse l'ambiance, c'est tout. C'est nouveau. Personne ne se baignait vêtu ainsi depuis longtemps. Voilà tout.
lila
21 h 50, le 30 juin 2017