Faut-il, ou non, interdire le burkini sur les plages françaises ? Le débat au sujet de cette tenue de plage couvrant le corps et la chevelure des femmes fait rage à travers l'Hexagone, alors que les maires de quatre communes côtières de France ont pris ces derniers jours des arrêtés pour la prohiber. Plusieurs motifs ont été invoqués par les édiles, dans une France cible de plusieurs attentats revendiqués par l'organisation État islamique, pour interdire le burkini : crainte de troubles à l'ordre public, manifestation ostentatoire d'une appartenance religieuse, « référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui (nous) font la guerre ».
C'est à des dizaines de milliers de kilomètres des plages françaises, en Australie, qu'a été inventé, en 2004, le burkini. Sa créatrice, Aheda Zanetti, une Australienne d'origine libanaise, s'étonne, aujourd'hui, de l'ampleur de la polémique en France. « Pourquoi toute cette polémique ? C'est juste un maillot ! Chacun a le droit de s'exprimer comme il le souhaite ! »
Pour Aheda Zanetti, 48 ans, le burkini est « un maillot pour la femme musulmane mais qui correspond aussi au code vestimentaire occidental ». L'Australienne ne s'est pas arrêtée au burkini, puisqu'elle a aussi créé le « hijood », une tenue de sport qui permet aux femmes qui le souhaitent de cacher leur corps tout en pratiquant une activité sportive. Avant de le proposer à la vente, la Libanaise affirme avoir demandé au mufti d'Australie de vérifier que le burkini est « approuvé par l'islam ». « J'ai obtenu un certificat ou ce qu'on appelle une fatwa du mufti », explique l'Australienne qui a déposé les marques « burkini » et « burqini ».
Derrière les deux vêtements se trouve « la conviction qu'aucune fille ne devrait être empêchée, du fait de restrictions imposées par la pudeur, de pratiquer des activités sportives, et ce d'autant plus que le sport préserve le corps et le moral », explique cette femme originaire de Tripoli, qui a quitté le Liban à l'âge de deux ans. Il y a aussi la frustration de n'avoir jamais pu profiter de la plage, dans un pays où les activités aquatiques sont omniprésentes, ou mener des activités sportives pendant sa jeunesse en raison des restrictions imposées par sa religion, confie-t-elle.
C'est ce qui pousse cette mère de quatre enfants mariée à un Grec à abandonner le secteur de la coiffure pour créer, en novembre 2004, la société Ahiida. Durant plus d'un an, elle coud les burkinis « toute seule » pour un petit cercle d'acheteuses australiennes. Puis les burkinis d'Aheda Zanetti commencent à se faire connaître à l'international et elle se retrouve « à travailler jusqu'à 5 heures du matin ». C'est en 2006 qu'elle commence à embaucher des employés pour l'aider. Sa société compte aujourd'hui un peu plus d'une dizaine de
salariés qui confectionnent
et vendent le burkini.
Des menaces
Sous l'ombrelle d'Ahiida, la créatrice a décliné le burkini en « slim-fit », « modest-fit », « plus-size », « sportz-fit », « sun-safe fit » et modèle enfant. Pour un prix allant de 38 dollars américains à 120 dollars. Sur le site de l'entreprise, qui annonce pouvoir livrer partout à travers le monde, trois mots résument la manière dont est perçu le burkini par ses créateurs : « Liberté, flexibilité, confiance ».
De 2008 jusqu'à ce jour, 700 000 burkinis ont été vendus à travers le monde, notamment aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Des burkinis sont aussi livrés en France, en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore en Suisse. « Ces trois derniers mois, précise Mme Zanetti, les ventes en France ont augmenté de 40 %. » Si tous les vêtements sont produits en Australie, la créatrice a dû, en raison du succès, ouvrir trois entrepôts de stockage en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et au Canada.