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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Pourquoi le burkini divise-t-il la société française ?

La décision des maires d'interdire le burkini sur certaines plages en France fait l'objet depuis quelques jours d'un débat agité, où se mêlent laïcité, rapport entre l'islam et la République, égalité hommes-femmes, sécurité et vivre-ensemble.

Sur les plages de Bizerte en Tunisie, une femme en burkini. Fethi Belaid/AFP

L'interdiction du burkini par certaines mairies, comme celles de Cannes ou du Touquet, a ravivé les tensions au sein de la population française, dans un contexte marqué par une série d'attentats, perpétrés ou revendiqués par l'État islamique (EI). La décision des mairies, récupérée par la classe politique, de gauche comme de droite, fait l'objet depuis quelques jours d'un débat agité, où se mêlent laïcité, rapport entre l'islam et la République, égalité hommes-femmes, sécurité et vivre-ensemble. Cette controverse sur le port d'une tenue qui ne concernerait qu'une extrême minorité de musulmanes replace les questions identitaires et religieuses au cœur du débat politique et divise profondément la société française entre deux visions de la République, de la laïcité et du vivre-ensemble. L'une, radicalement républicaine, laïciste, parfois identitaire. L'autre, multiculturaliste, libérale, parfois communautaire. Ces deux visions s'opposent sur quatre grands thèmes qui, au-delà de la controverse sur le burkini, constituent les socles de la République française : la laïcité, le rapport entre le maintien de l'ordre public et la garantie des libertés, l'égalité hommes-femmes et le vivre-ensemble.

 

1. La laïcité
Les partisans de l'interdiction du burkini mettent en avant le non-respect de la laïcité. Ils ont reçu, mercredi, le soutien du Premier ministre, Manuel Valls, qui a estimé que le port du burkini n'est « pas compatible avec les valeurs de la France et de la République ». Le Premier ministre, qui veut marquer sa position sur le débat des valeurs à un an de la présidentielle, a considéré que « les plages, comme tout espace public, doivent être préservées des revendications religieuses ». Ses détracteurs dénoncent une interprétation extensive de la laïcité puisque la loi de 1905, qui affirme la neutralité de l'État vis-à vis de tous les cultes, ne dit pas que l'espace public doit être laïc, ni que les citoyens doivent l'être. D'un point de vue juridique, l'interdiction du burkini ne peut donc pas être justifiée sur le fondement de la loi de 1905. Mais d'un point de vue symbolique, cette controverse met en exergue les différences entre laïcité et laïcisme, la deuxième notion ayant un rapport négatif avec le fait religieux, qu'il veut limiter uniquement à la sphère privée, alors que la première prône simplement la neutralité des institutions publiques.

 

(Sur le Net : #MusulmanDiscret : quand Twitter tourne en dérision les propos d'un ancien ministre français)

 

2. Le rapport entre le maintien de l'ordre public et les libertés
Les arrêtés municipaux qui interdisent le burkini sur les plages de leurs villes ont notamment justifié leur décision par les risques de troubles à l'ordre public que cette tenue pouvait provoquer. Alors que la France a été touchée par une série d'attentats perpétrés au nom de l'islam radical, les maires craignent que le port du burkini attise les tensions et suscite la crainte des autres baigneurs, qui pourraient assimiler, à tort, cette tenue à celle des adeptes de l'islam radical.
En l'absence de loi interdisant cette tenue, le trouble à l'ordre public est le seul fondement juridique qui peut justifier cette interdiction. Mais il doit être mis en balance avec le principe de liberté, au premier rang duquel figure celle de conscience, qui suppose que chaque individu doit être libre de ses choix, notamment en matière vestimentaire. Les opposants à l'interdiction du burkini soutiennent que le principe de liberté doit primer sur le reste. Mais le contexte politique et sécuritaire déplace aujourd'hui le curseur de la balance en défaveur des libertés et ravive l'éternel débat juridique et politique sur le rapport entre sécurité et liberté. Un choix assez discutable compte tenu de la polémique provoquée par cette interdiction qui se voulait « préventive ».

 

3. L'égalité hommes/femmes
Le burkini est-il un vêtement neutre, comparable aux tenues de plongées ou aux maillot de bains traditionnel? C'est ce que soutiennent les opposants à son interdiction. Leurs adversaires rétorquent que c'est un marqueur communautaire ayant une réelle signification politique. « C'est la traduction d'un projet politique, de contre-société, fondé notamment sur l'asservissement de la femme », a déclaré M. Valls, ajoutant que, derrière le burkini, « il y a l'idée que, par nature, les femmes seraient impudiques, impures, qu'elles devraient donc être totalement couvertes ». Les deux arguments semblent excessifs. À l'instar de la kippa ou de la soutane, le burkini n'est pas un vêtement neutre, et il manifeste, dans une certaine mesure, une appartenance communautaire. Il n'est pas pour autant le signe d'un asservissement de la femme, mais plutôt d'une certaine pudeur, à condition qu'il soit porté par la personne de son propre gré. Si ce n'est pas le cas, il y a effectivement une inégalité entre l'homme et la femme, ce que la loi française ne peut pas tolérer.

 

4. Le vivre-ensemble
Le modèle français du vivre-ensemble a-t-il atteint ses limites ? Les attentats ont cristallisé les débats sur la compatibilité de l'islam et de la République. D'un côté, il est demandé aux citoyens musulmans de condamner l'idéologie jihadiste. De l'autre, il leur est demandé de « rester discret », pour que la « paix civile l'emporte », selon les mots de l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, pressenti pour prendre la tête de la fondation de l'islam de France. L'affaire du burkini met en relief l'antagonisme entre deux notions qui gagnent du terrain en se renforçant mutuellement : l'islamophobie et le communautarisme. D'une part, le fait que les musulmans soient discriminés du fait de leurs croyances religieuses. De l'autre, le fait que les signes communautaires semblent, comme dans les autres pays, plus visibles qu'autrefois.

Moqué par la presse étrangère, le « Burkinigate » révèle les failles d'une société de plus en plus fragile et de plus en plus à droite dans un contexte extrêmement sensible. Une société dans laquelle « avoir un discours rationnel sur l'islam est aujourd'hui impossible », comme le résume Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l'Orne, vice-présidente de la commission des Affaires étrangères, dans un article publié dans le Huffpost intitulé : « Ce que l'affaire du burkini nous dit de l'état de notre société ».

 

 

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L'interdiction du burkini par certaines mairies, comme celles de Cannes ou du Touquet, a ravivé les tensions au sein de la population française, dans un contexte marqué par une série d'attentats, perpétrés ou revendiqués par l'État islamique (EI). La décision des mairies, récupérée par la classe politique, de gauche comme de droite, fait l'objet depuis quelques jours d'un débat...

commentaires (8)

les wahabites et les perses s'habillent de la meme façon

George Khoury

14 h 43, le 19 août 2016

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • les wahabites et les perses s'habillent de la meme façon

    George Khoury

    14 h 43, le 19 août 2016

  • SUR CETTE PHOTO JE VOIS SORTIR DE LA MER UNE SIRENE ET UNE GRISE ET NOIRE COUVERTURE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 39, le 19 août 2016

  • oui ça divise la société Française, pour deux raisons principales la première c'est que c'est un signe d'appartenance a une religion et dans la France laïque ça ne passe pas. La deuxième c'est que les Français ont beaucoup de respect pour la femme et se bat pour l'égalité des droits quelque soit le sexe et ces vêtements sont une atteinte à la dignité de la femme quoique certaines femmes voilées veulent bien dire que c'est faux ! pourquoi en été le mari peut se promener en short et tee shirt et sa femme doit rester couverte alors qu'elle crève de chaleur ? Et le problème aujourd'hui c'est que ça devient de la provocation, voyez ce qui s'est passé en corse !!

    yves kerlidou

    11 h 38, le 19 août 2016

  • Pour faire oublier l'essentiel qui est de décorer les wahabites. ..

    FRIK-A-FRAK

    11 h 10, le 19 août 2016

  • Et.... pourquoi le Tchador Per(s)cé à l'iranienne divise-t-il tant la "société?" libanaiiise ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 14, le 19 août 2016

  • Le débat est au contraire un signe de santé c'est son absence qui pose problème...en démocratie la dispute est souhaitable: la mise au jour des contradictions, que l'article met en évidence, relève de la nécessité et non d'une fragilité...

    Beauchard Jacques

    08 h 49, le 19 août 2016

  • Je crois surtout que s'est par frustration , vu que Ni Yves Saint Laurent , Ni Coco Channel , Ni Dior , ni Balmain , Ni Nina Ricci ..ni Paco Rabanne ,ni Carl Lagerfeld , ni Jacques Fath ,etc. n' ont inventé le burkini unisex......!

    M.V.

    08 h 11, le 19 août 2016

  • REGARDEZ LA PHOTO ET JUGEZ ! AVEC L,OBSCURANTISME DANS LE SANG... OU PLUTOT IMPOSE... LES ARRIERES QUE VIENNENT-ILS/ELLES FAIRE CHEZ LES EMANCIPES ET POURQUOI NE RESTENT-ILS AVEC LEURS MOEURS ARCHAIQUES DANS LEURS PAYS RESPECTIFS ? IL Y A UN COMPLOT OURDI ET LES OCCIDENTAUX DEVRAIENT TRIER ET EXPULSER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 02, le 19 août 2016

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