C'est en principe aujourd'hui que le président de la Chambre devrait publier un communiqué pour annoncer le report de la séance parlementaire prévue lundi pour l'adoption du projet de loi électorale. Cette décision est inévitable puisque le gouvernement n'a pas réussi à s'entendre pour proposer au Parlement un projet de loi. Il ne s'est d'ailleurs pas réuni pour examiner ce sujet, préférant s'en tenir à un ordre du jour banal et plutôt technique dans son unique réunion de mercredi. Une semaine entière a donc été perdue de la session parlementaire extraordinaire ouverte du 7 au 20 juin par l'exécutif et consacrée strictement à l'examen du projet de loi électorale.
Du 12 au 20 juin, il ne reste donc plus qu'une semaine pour l'adoption d'une nouvelle loi et les pronostics politiques sont plutôt pessimistes. Selon un des experts consultés par les différentes parties politiques, le vrai problème ne serait pas dans les garde-fous réclamés par le chef du CPL, le ministre Gebran Bassil, mais plutôt dans le fait qu'au fond, le principe du mode de scrutin proportionnel n'arrange pas les parties politiques qui craignent toutes l'émergence d'un courant plus ou moins puissant de la société civile, ayant pour objectif d'ébranler le leadership qu'elles exercent depuis plusieurs décennies. Selon cet expert, les estimations des différents instituts de sondage reposent sur une participation d'environ 55 % des électeurs au vote (il s'agit d'une estimation à la hausse, car en 2009, le taux de participation aux élections était de 51 %). Mais l'adoption du mode de scrutin proportionnel pourrait pousser un plus grand nombre d'électeurs (surtout les jeunes ayant atteint l'âge de vote depuis 2009) à se rendre aux urnes. Ce qui pourrait fausser les estimations actuelles et surtout provoquer la crainte chez les parties politiques actuellement en place.
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De plus, le découpage des circonscriptions qui a été conçu de manière à regrouper autant que possible des cazas à coloration confessionnelle majoritaire (les cazas chrétiens ensemble, les sunnites ensemble, les chiites de même, etc.) transforme le scrutin proportionnel en une sorte de sondage à l'intérieur de chaque confession et risque ainsi d'ouvrir la voie du Parlement aux petits groupes, qui dans un système majoritaire ont peu de chances de se faire élire. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles un des garde-fous réclamés consiste à fixer un seuil assez élevé de voix pour chaque candidat considéré comme élu, sinon, il y aurait un risque de retomber dans le problème des élus non représentatifs de leur communauté. Mais en même temps, chaque camp souhaite que le seuil soit relativement bas pour les autres communautés, la sienne exceptée, puisque tous veulent étendre leur influence sur les autres communautés pour se poser en force nationale... Autrement dit, et en dépit des déclarations contraires, les différentes composantes de la classe politique actuelle se sont lancées dans l'idée du mode de scrutin proportionnel sans en être réellement convaincues, avec l'espoir caché qu'une partie parviendra à l'écarter pour revenir au mode de scrutin majoritaire bien plus rassurant.
Les longs palabres et les réunions interminables sur des détails, des conditions et des contre-conditions ne sont qu'un moyen de dissimuler le vrai problème qui se résume dans la grande peur des forces politiques actuelles de se soumettre au verdict des électeurs. C'est un peu par honte, après deux prorogations pas vraiment justifiées et en raison aussi du regard critique des Libanais et de la communauté internationale, que les différents protagonistes se lancent dans des débats techniques poussés pour donner l'illusion qu'ils veulent vraiment des élections selon une loi moderne. Mais la réalité est tout autre, mais personne n'a le courage de la dire et chacun espère trouver le bon scénario qui permettra de reporter les élections à une date la plus éloignée possible...
(Lire aussi : Le Parlement et le gouvernement attendent l'entente...)
Le président de la Chambre devrait donc fixer aujourd'hui un nouveau rendez-vous pour une réunion plénière, mais à mesure que la date fatidique du 20 juin approche, les espoirs d'aboutir à une entente sur une nouvelle loi électorale se réduisent.
Dans ce cas, que va-t-il se passer? Des sources généralement bien informées assurent que le chef de l'État pourrait réserver une surprise à la classe politique de nature à mettre toutes les parties devant leurs responsabilités. Il n'acceptera pas que la perte de temps se poursuive au-delà des limites acceptables, sachant qu'il ne peut pas non plus prendre une initiative avant d'avoir épuisé les chances de parvenir à un accord. À partir du 20 juin, si aucun accord n'est trouvé d'ici là, le Liban se trouvera face à un nouveau paysage politique qui, selon toute probabilité, consistera dans l'organisation d'élections législatives dans un délai de trois mois sur la base de la loi en vigueur. Les parties politiques devront alors affronter leur propre échec et faire face au regard critique des électeurs. Le président continue de miser sur un soudain réveil du sens des responsabilités au sein de la classe politique, surtout avec les derniers développements régionaux qui fragilisent encore plus la situation générale, mais en fin de compte, il ne peut pas non plus accepter que les Libanais soient une troisième fois privés de leur droit de vote.
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Pour mémoire
commentaires (5)
NAIFS TOUS CEUX QUI AVAIENT DE BONNE FOI CRU TOUS NOS POLICHINNELLES...
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 53, le 11 juin 2017