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Lifestyle - Beyrouth insight

Lary Bou Safi, à pile ou farce

Rencontre enjouée avec le jeune homme optimiste et pas compliqué qui, du haut de sa petite taille, éclabousse la nightlife libanaise de son arc-en-ciel malicieux.

Photo Hrag Vosgueritchian

Comment on pourrait dire ça ; de quelle manière on pourrait l'aborder, le mentionner, le formuler ? Que ce soit devant nos réticences délicates, nos interrogations timides et pleines de bons sentiments, ou face à la société à crocs sciés et dans laquelle il baigne, Lary Bou Safi fait pareil. De ses mains de diablotin sous Duracell, on le voit plutôt tout déballer en vrac et balayer avec confiance l'ensemble des difficultés d'un revers de manche : « Je vais vous faciliter la tâche. Je mesure 1 mètre 40, ce qui fait de moi quelqu'un de petite taille. Un physique que je perçois toutefois comme un atout. » On pourrait ainsi penser qu'il n'a aucun filtre, qu'il frise peut-être l'inconscience. Aussi, que cela masque possiblement une insécurité constitutive ou une ironie un peu inaboutie et un rien amère. En tout cas, cela finira sans doute, si ce n'est pas déjà le cas, par créer une marque de fabrique tout aussi profitable que l'habituelle retenue. Sachant que rayer les tabous d'un trait, au débotté, ça estomaque joliment.

 

Sa pierre à l'édifice
Les militants qui s'attellent à refonder la société et ses droits, en ces temps de tolérance qui joue au yo-yo avec le zéro, peuvent compter sur le renfort inattendu de cet homme dont le mètre quarante ne l'empêche pas de voir grand. Il confirme : « J'apporte ma pierre à l'édifice. En me présentant tel que je suis, avec mon physique, mes orientations sexuelles, ma manière de m'habiller et de faire les choses, j'impose ma différence et invite les gens à élargir leurs horizons. » Sauf qu'avant d'en arriver à cette prise de ses taureaux intérieurs par les cornes, Lary se souvient d'une enfance où « j'étais mis à l'écart, je n'étais pas très heureux, pendant que les gamins de mon âge faisaient la fête ». Et qu'il fuit en allant faire ses armes en fac de médecine à Bordeaux, avant un virage en économie à Cergy. C'est depuis cette France aux volets ouverts à toutes les libertés qu'il dépoussière puis ravaude cette confiance en lui que son Liban d'origine n'en finissait pas de décolorer. « Cette expérience, outre son aspect académique, m'a simplement appris à m'accepter pour ce que je suis. Chose qui a été soutenue par mes six mois de résidence à la New York Film Academy dans le cadre d'un workshop.»

 

Petit Poucet
Et c'est comme si cette distance volontaire du bercail avait permis à Lary Bou Safi de retourner son havresac pierreux et de le vider de ses acrimonies et ses blessures. Car, de retour à Beyrouth en 2009, il décide, en l'espace d'une soirée littéralement, de fendiller sa carapace pour en exhumer tout l'humour qui bouillonnait en patientant là-dedans. « C'est comme si je m'étais jeté à l'eau. Je m'étais habillé à ma façon et j'avais été seul à une soirée. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai oublié le regard des gens sur moi », raconte-t-il avec la gourmandise des bouffeurs de la vie qui veulent rembobiner le temps perdu. Et de poursuivre : « C'était une revanche en rigolant. Mon humour m'a servi de tremplin. » Après cela, le jeune homme à l'allure de Petit Poucet, mais aux semelles de sept lieues, creuse son petit bout de chemin en accumulant les pierres ramassées sur son passage. Comme autant de jolis hasards qui semblent se blottir au creux de ses poches. Il « rencontre des gens formidables qu'il considère comme sa famille », accumule les boulots et les casquettes, devient styliste sur des tournages, consultant de mode pour ses amis Bashar Assaf et Salim Azzam, fait de la com' pour MC Distribution (affiliée au cinéma Metropolis) et monte ainsi de toutes pièces son monde où, assure-t-il, « je me sens bien ».

 

Oiseau de nuit
Parallèlement, la nuit tombée, en oiseau noctambule, Lary Bou Safi se fait appeler Lary BS, un raccourci pour enjamber les qu'en-dira-t-on, et braque les projecteurs sur son mètre quarante qu'il met en scène comme il l'entend. Il va même jusqu'à le revendiquer : « C'est mon look qui m'a fait connaître, et je l'ai construit au fil des années. » Dans des tenues jamais too much, dont son légendaire tutu vert fluo « que j'évite dernièrement pour ne pas tomber dans la caricature », il tourne en toupie enthousiaste sur les dancefloors de la ville et y libère une énergie festive, comme une farandole d'hymnes à la liberté qui ravit la nightlife libanaise souvent en mal de couleurs et d'arc-en-ciel. À tel point que le collectif Decks On The Beach lui a consacré son propre show, Lary Does Decks, à travers lequel il aborde, dans des séquences filmées, les personnes présentes à ces soirées, « à partir de là où je suis, c'est-à-dire d'en bas ! » Et auxquelles il s'adresse en moulin, avec sa voix gonflée à l'hélium, plaisantant à tout va et brassant l'air de son assurance, de sa loquacité et de sa malice survoltée. « Les choses ont bien marché. Le site en ligne Step Feed m'a proposé ma propre web série qui démarre bientôt. Un solo show qui s'intitulera The Lary Show », conclut celui qui, au lieu de faire tomber le rideau, préfère le déchirer avec l'espièglerie et l'aplomb des peureux de rien.

 

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