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Lifestyle - Portrait

Sur la piste des Lebanon, Fadi Boukaram s’est trouvé

Google Maps, la guerre et une passion pour la photo. Voilà les trois éléments qui ont jeté Fadi Boukaram, consultant fiscal, sur les routes américaines.

Fadi Boukaram recevant les clés de la ville de « Lebanon » dans l’état de l’Illinois.

C'est l'histoire d'un petit Libanais ayant grandi dans la guerre, puis d'un jeune homme se demandant à quoi ressemble un « Lebanon » en paix. C'est l'histoire d'une passion assez forte pour lâcher une carrière prometteuse. C'est l'histoire de Fadi Boukaram, parti en photographe sur la piste des villes baptisées Lebanon aux États-Unis, et qui se découvre, sur la route, une âme de conteur.
Quand Fadi naît, la guerre civile libanaise a trois ans. Elle sera pour lui comme une méchante grande sœur. « Nous habitions à Sabtieh. Dans notre immeuble se trouvait un bureau des Kataëb. Autant dire que nous en avons reçu des bombes », se souvient le jeune Libanais aujourd'hui âgé de 38 ans. L'éclat de l'une d'elles finira au centre de la table de la salle à manger.


La famille traverse la guerre, tant bien que mal. Mais quand, en 2005, Rafic Hariri est tué par un attentat qui souffle les fenêtres du bureau où travaille Fadi Boukaram à Aïn Mreissé, c'en est trop pour le jeune ingénieur que la guerre n'avait jamais vraiment quitté. Quelques mois plus tard, c'est à plus de 10 000 kilomètres de Beyrouth, à la San Francisco State University, qu'il se lance dans un MBA.
En 2007, il découvre Google Maps. Curieux de voir une image satellite de Aïn Mreissé, il entre le mot « Lebanon » dans le moteur de recherche. À sa grande surprise, le premier retour de l'application place Lebanon dans l'Oregon.
La machine est enclenchée. Elle s'emballe quand il découvre qu'en 1955, sept maires de villes américaines baptisées Lebanon ont effectué une visite à Beyrouth à l'invitation du président Camille Chamoun. À la fin de leur voyage, ces maires se sont vu offrir par la Première dame Zalfa Chamoun un médaillon ainsi qu'un jeune cèdre que chacun planta dans son « Lebanon »...

 

 

 

 

Pourquoi attendre ?
Fadi Boukaram développe un intérêt pour la photo lors de son séjour californien. « Avant mes 15 ans, il n'y avait pas d'appareil photo à la maison. Pour les souvenirs de famille, nous comptions sur les proches », se souvient-il. Mais c'est en 2012, quatre ans après son retour à Beyrouth, que la passion prend vraiment. « Cette année-là, j'ai suivi un atelier consacré à la photo. J'ai découvert tout un monde. » Dans ce monde, une œuvre le frappe un peu plus fort que les autres : « Face au silence », de Christophe Agou, des portraits de personnes âgées dans la région française de Forez.


Côté boulot, en revanche, l'engouement s'émousse. « Depuis mon retour au Liban, ma carrière ne cessait de progresser. Après un passage à FFA Private Bank, je travaillais en tant que senior manager à PricewaterhouseCoopers. J'aimais mon boulot, mais je sentais que je plafonnais. »
En 2016, sa décision est prise. Pourquoi attendre la retraite pour faire ce que l'on veut vraiment ? Il lâche son boulot, son appartement, décolle, en octobre, pour San Francisco, loue un van et se lance dans un road trip de quatre mois et plus de 25 000 kilomètres sur la piste des villes baptisées Lebanon aux États-Unis.
Les premiers temps ne sont pas une sinécure pour le jeune homme qui se définit volontiers comme introverti. « Au début du road trip, dans l'État du Dakota du Nord, je me sentais très seul. Au bout de deux semaines, je me suis dit que ça ne pouvait pas continuer ainsi. » Lors d'une conférence à Istanbul, Fadi avait entendu le photographe suédois Anders Petersen expliquer que dans un bar, il posait systématiquement son appareil photo sur le zinc. Un geste simple qui avait le don de casser les barrières. « J'ai fait la même chose : bar, bière et appareil photo sur le zinc... Ça a merveilleusement bien fonctionné ! »


Les gens et leurs histoires viennent à lui. L'introverti se retrouve à parler à des dizaines d'inconnus, prêts à lui confier des tranches de vie qu'il met en images et en mots. Ces mots racontent Matthew, près de Lebanon Wisconsin, qui l'insulte gentiment quand Fadi insiste pour payer son dîner. Ces images racontent le vol de son van par une trafiquante de drogue. Il y a aussi l'histoire du faux cèdre de Lebanon Dakota du Sud, ou celle des « Shakers » et des soufis de New Lebanon, dans l'État de New York. Autant de récits que le photographe nous a confiés et qui sont publiés sur notre site (la version en français est ici, la version en anglais est ici)
Fadi était parti pour voir à quoi pourrait ressembler un « Lebanon » vierge de toute guerre. Il a découvert l'Amérique profonde, celle qui, souvent, a voté pour Donald Trump, celle des villes et villages aux rues vides, un peu oubliés, mais où survivent un esprit de communauté et une vraie générosité, raconte le jeune homme qui aujourd'hui, de retour au Liban, n'a qu'une idée en tête : préparer son prochain road trip. Parce qu'il y a encore tant d'histoires à raconter.

C'est l'histoire d'un petit Libanais ayant grandi dans la guerre, puis d'un jeune homme se demandant à quoi ressemble un « Lebanon » en paix. C'est l'histoire d'une passion assez forte pour lâcher une carrière prometteuse. C'est l'histoire de Fadi Boukaram, parti en photographe sur la piste des villes baptisées Lebanon aux États-Unis, et qui se découvre, sur la route, une âme de...

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