C'est dans un contexte particulier que le nouvel ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman, a présenté hier ses lettres de créance au président israélien Reuven Rivlin. Arrivé lundi pour prendre ses fonctions, il précède de peu le président Trump dont la visite est très attendue en début de semaine prochaine en Israël et en Cisjordanie, où il se rendra à Bethléem, selon la Maison-Blanche.
Proche de Donald Trump, David Friedman, dont la nomination au poste d'ambassadeur des États-Unis en Israël avait eu lieu dès mars suite à sa confirmation par le Sénat à majorité républicaine, est connu pour ses positions controversées en faveur notamment de la colonisation israélienne. « Donald Trump a nommé quelqu'un qui est sur les mêmes lignes que celles qu'il a tenues pendant sa campagne électorale, c'est un militant pro-israélien et un partisan convaincu de la colonisation et du transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem », explique Jean-Paul Chagnollaud, professeur de sciences politiques et directeur de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient, contacté par L'Orient-Le Jour. La nomination de M. Friedman a dès lors été « accueillie favorablement par les colons qu'il a soutenus tant politiquement que financièrement ».
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« Amour et engagement en faveur d'Israël »
Décrit par M. Trump comme un « ami et conseiller de longue date », y compris pendant la campagne présidentielle, M. Friedman, fils de rabbin, se retrouve aux avant-postes à un moment où le nouveau locataire de la Maison-Blanche espère œuvrer pour un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. La prise de fonctions du nouvel ambassadeur suscite nombre de questions sur la portée de ses prises de position passées. L'une des premières interrogations est de savoir s'il travaillera à Tel-Aviv ou à Jérusalem. « L'ambassadeur, quel qu'il soit et quelles que soient ses convictions, ne décide pas de la politique des États-Unis », insiste M. Chagnollaud. Les répercussions de son positionnement pro-israélien devraient donc, en principe, être limitées, notamment sur la question du transfert de l'ambassade.
M. Trump est lui-même appelé à décider d'ici à juin s'il tient sa promesse de campagne de déménager l'ambassade ou si, au contraire, il perpétue la politique de ses prédécesseurs consistant à bloquer tous les six mois le transfert voté en 1995 par le Congrès. Récemment, le président américain est devenu beaucoup plus nuancé sur le sujet. Son secrétaire d'État, Rex Tillerson, a ainsi déclaré dimanche que M. Trump évaluait toujours la situation et a paru laisser entendre que le gouvernement israélien lui-même pourrait ne pas être très pressé. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a néanmoins rétorqué lundi que « non seulement le déménagement de l'ambassade ne nuirait pas au processus de paix », mais « il le favoriserait en réparant un tort historique et en faisant voler en éclats l'illusion palestinienne qui veut que Jérusalem ne soit pas la capitale d'Israël ».
Aussitôt après sa désignation en décembre, M. Friedman avait dit avoir hâte de remplir sa mission « dans la capitale éternelle d'Israël, Jérusalem ». Avant la cérémonie de remise des lettres de créance hier, M. Friedman a fait vœu de « soutenir l'État d'Israël de toutes les manières possibles ». Quant à M. Trump, « son amour et son engagement en faveur d'Israël sont solides comme le roc et constituent sa plus haute priorité », a-t-il dit. Le diplomate a été reçu plus tard par M. Netanyahu qui a vu dans sa visite au mur des Lamentations « un geste de solidarité fort ».
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Trump infléchit son discours
M. Friedman s'était aussi signalé par des déclarations sur l'annexion par Israël de parties de la Cisjordanie occupée ou sur la colonisation, faisant le bonheur d'une partie de la droite israélienne. La colonisation, c'est-à-dire la construction par Israël de logements civils dans les territoires occupés, est illégale au regard du droit international et considérée par une partie de la communauté internationale comme un obstacle majeur à la paix. M. Friedman a présidé une organisation « d'amis américains » de Bet El, colonie historique en Cisjordanie, a rapporté le quotidien israélien Haaretz.
Lors de son audition de confirmation devant le Sénat à la mi-février, M. Friedman avait atténué ses propos passés. Mais il s'était aussi dit « sceptique » quant à la solution dite à deux États, principe de référence de la communauté internationale pour résoudre l'un des plus vieux conflits de la planète et passant par la création d'un État palestinien indépendant.
Après sa campagne très pro-israélienne, M. Trump, qui a rencontré nombre des dirigeants de la région depuis, a également infléchi son discours à l'épreuve du pouvoir, sans que ses intentions soient clairement identifiées. Il a appelé Israël à freiner ses activités de colonisation, suscitant le désarroi dans la droite israélienne. « Il est difficile de savoir quelle est l'importance de cette inflexion, précise M. Chagnollaud. Il est trop tôt pour déduire si les États-Unis sont en train de revenir à une solution à deux États. »
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