L'ambassadeur de Palestine à l'ONU, Riyad Mansour, était l'invité de l'Institut Issam Farès le jeudi 27 avril, lors d'une conférence sur « la responsabilité internationale de la protection des civils palestiniens ». Pour L'Orient-Le Jour, le diplomate revient sur les événements liés au conflit israélo-palestinien qui ont marqué ces derniers mois.
Le 23 décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2334 condamnant la colonisation israélienne. Dans un retournement de leur position habituelle sur ce dossier, les États-Unis se sont abstenus. Cela a-t-il marqué un tournant en faveur du processus de paix ?
Quand la résolution 2334 a été adoptée, quelque chose d'inhabituel s'est passé, reflétant l'état d'esprit de la communauté internationale : des applaudissements durant de longues minutes. Il y avait de la joie et un relâchement de la frustration d'avoir attendu si longtemps pour que le Conseil de sécurité adopte cette résolution. Nous espérions que Barack Obama fasse quelque chose avant de partir. Il s'agissait d'une résolution historique, car elle concerne la colonisation, mais pas uniquement. C'est une résolution qui a unifié toutes les tendances politiques au sein de la société palestinienne. J'ai même reçu des coups de fil et des demandes d'interviews de médias liés au Hamas. Cela a été un moment de joie historique pour les Palestiniens et les Arabes.
La conférence de Paris en janvier dernier a redonné un élan positif au processus de paix. Mais les discours et les bonnes intentions n'empêchent pas Israël de poursuivre son entreprise de colonisation...
La conférence de Paris s'est inscrite dans la continuité de la dernière résolution à l'ONU, ainsi que les précédentes. Nous étions heureux que 70 pays y participent. Mais nous ne voulons pas de ces conférences, de ces déclarations, de ces résolutions, s'il n'y a pas d'action par la suite. Une nouvelle administration est arrivée aux États-Unis, et a montré une hostilité envers la résolution. Nous espérons qu'il y aura des réunions de suivi à Paris comme ils l'ont décidé en janvier. Le président Mahmoud Abbas devrait rencontrer mercredi le président Donald Trump, afin de voir ce qui pourra être fait en faveur d'un processus politique significatif qui mènerait à la fin de l'occupation et à l'indépendance de l'État de Palestine. M. Abbas devrait également se rendre en France avant le départ de François Hollande, pour s'assurer du suivi de la conférence de janvier.
Le Premier ministre israélien a considéré que la conférence de Paris était une « relique du passé, un ultime soubresaut avant l'avènement de l'avenir », en référence à l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. Pensez-vous qu'il se sente totalement soutenu par le nouveau président américain ?
Peut-être qu'il s'agit là d'un vœu pieu de la part de M. Netanyahu. Nous verrons ce que les Français feront. Ce qui dérange le plus le Premier ministre israélien, c'est que le président Abbas soit invité à la Maison-Blanche et qu'il rencontre Donald Trump mercredi.
Vous avez déclaré au journal israélien « Haaretz » en novembre 2016 que si M. Trump décidait de déplacer l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, vous lui rendrez la vie misérable. Concrètement, de quels moyens d'actions disposez-vous ?
Le sommet de la Ligue arabe en mars dernier a confirmé la centralité de la question palestinienne et réaffirmé le soutien en faveur de l'initiative de paix arabe. Il a également soutenu qu'aucun pays ne devait déplacer son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, en respect des lois internationales. Ces messages ont été envoyés à M. Trump par différents dirigeants arabes et nous ferons de même dans deux jours. Mais nous voyons certains signes que la nouvelle administration est en train d'adoucir ses positions à propos du déplacement de l'ambassade US.
La question d'une solution à deux États a été remise en cause par Donald Trump. Pensez-vous qu'elle est aujourd'hui en danger ?
J'ai eu un long entretien avec l'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley, il y a plus d'un mois. J'y ai soulevé, entre autres, le fait qu'il n'y a pas de raison de créer de la confusion autour de la question, car il y a un consensus global. Bien entendu, je lui ai rappelé qu'en 1947, c'était les Américains qui avaient élaboré une résolution appelant à une partition de la Palestine, et donc d'une solution à deux États. Nous n'avons pas d'autres idées, et il n'y a pas de plan B. Le problème n'est pas dans le programme de cette solution, mais dans le manque de volonté politique pour la mettre en œuvre.
Vous évoquiez le sommet de la Ligue arabe qui s'était tenu en mars dernier. La question du droit au retour n'a pas été évoquée lors de la déclaration finale...
Au Liban, il y a une obsession sur le fait de mentionner ceci ou cela. Lors du sommet de 2002, qui s'était tenu à Beyrouth, nous avions adopté l'« Initiative de paix arabe » proposant à Israël une paix globale en échange du retrait des territoires occupés depuis 1967 (la Cisjordanie, Gaza et le Golan syrien), de la création d'un État palestinien avec pour capitale Jérusalem-Est et d'une solution au problème des réfugiés palestiniens. C'est ce qui a été réaffirmé cette année à Amman, donc il n'y a aucun changement de politique de la part des pays arabes.
Le Hamas dévoilera dans les prochains jours sa nouvelle charte qui reconnaîtra les frontières de 1967. Mahmoud Abbas a toujours plaidé en faveur d'une résolution politique du conflit. Pensez-vous que cela soit encore réaliste vu le contexte actuel ?
Ce n'est pas la première fois que le Hamas accepte, d'une certaine manière, l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), ainsi qu'une solution à deux États. Il semblerait que nos frères du Hamas se dirigent vers ce rapprochement. Le pas très important qu'ils font est celui d'insister sur le caractère « politique » du conflit avec Israël. Ensuite, nous attendrons de voir comment l'administration accueillera nos revendications. À l'issue de la rencontre entre Donald Trump et le président Abbas, nous en saurons plus sur les intentions des Américains et agirons en conséquence. Mais notre position en tant que Palestiniens et Arabes reste la même. Nous sommes pour la solution à deux États sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et nous martelons les droits des réfugiés selon les résolutions de l'ONU. Nous refusons l'annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël et demandons l'arrêt immédiat de la colonisation illégale, car c'est un obstacle majeur à la paix.
Avez-vous l'impression que la question palestinienne est la victime collatérale de la guerre en Syrie ?
C'est certain qu'il y a de nombreux événements qui se sont passés ces sept dernières années au Moyen-Orient, qui ont clairement consumé l'attention de la communauté internationale, que ce soit la guerre en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, ou l'accord sur le nucléaire iranien. Forcément, tout cela a affecté le temps consacré à la question palestinienne. Mais lors du dernier sommet de la Ligue arabe, il a été clairement énoncé que résoudre ce problème, qui est le cœur de tous les conflits au Moyen-Orient, contribuerait à réduire de nombreux problèmes dans la région.
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