« Mission accomplie. » C'est à travers ce slogan que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé jeudi la fin de la mission du parti chiite à la frontière libano-syrienne et s'est dit prêt à passer la main à l'État afin qu'il prenne en charge cette région.
Si certains ont lu entre les lignes de cette déclaration une « victoire » enregistrée par le Hezbollah, dans le cadre de son engagement dans la crise syrienne aux côtés du régime de Bachar el-Assad, les milieux de l'opposition chiite sont beaucoup plus sceptiques et... pessimistes sur ce plan. Ils estiment que l'annonce du secrétaire général du Hezbollah reflète l'affaiblissement du rôle du parti sur le terrain, comme au niveau diplomatique. Ils soulignent, en outre, que le leader chiite a tenu à adresser des messages positifs à la base du Hezbollah, profondément lésée par le lourd fardeau de la guerre syrienne.
C'est précisément dans ce cadre que Malek Mroué, journaliste opposé de longue date à la formation dirigée par Hassan Nasrallah, estime que celle-ci « est de plus en plus consciente du ras-le-bol des chiites qui ont fait de grands sacrifices depuis l'engagement au parti dans le conflit syrien ».
À L'Orient-Le Jour M. Mroué assure que « le Hezbollah n'a enregistré aucune victoire ». Loin de là. « Depuis son engagement dans la crise syrienne, il ne fait que subir des pertes, notamment au niveau populaire », indique le journaliste, avant de poursuivre : « Cela me permet de dire que Hassan Nasrallah a tenu à adresser un message de réconfort à son environnement et son public profondément lésés par la guerre en Syrie. Il a donc parlé de "mission accomplie" pour tenter d'absorber la grogne populaire », souligne-t-il.
Le journaliste estime en outre qu'« à travers cette décision, le Hezbollah serait en train de tenter d'améliorer ses rapports avec les sunnites (dans la mesure où certaines régions concernées par la décision du parti sont peuplées de sunnites) et de paver la voie à son retrait du territoire syrien ».
(Lire aussi : Le Liban serait-il entré lui aussi dans un processus de « désescalade » ?)
« L'État du Hezbollah et le mini-État libanais »
Même son de cloche chez le journaliste Moustapha Fahs, fils de l'uléma Hani Fahs. « Le Hezbollah a besoin d'évoquer des victoires pour calmer les craintes et les appréhensions de sa base populaire », estime-t-il dans une déclaration à L'OLJ, expliquant qu'« en cas d'entente russo-américaine, il pourrait subir une pression pour se retirer du territoire syrien ». Selon M. Fahs, « le parti chiite ne se retirera pas prochainement de la guerre syrienne, mais cela peut arriver ».
Sur un plan strictement local, Moustapha Fahs estime que la toute dernière décision du parti chiite est un message fort au mandat du président de la République, Michel Aoun. « Où se tient un régime qui se veut "fort" par rapport à une faction armée qui a contrôlé les frontières du pays ? » s'interroge-t-il, estimant qu'« on est devant l'État du Hezbollah et le mini-État du Liban ».
(Lire aussi : Le retrait des combattants du Hezbollah, « un signe de confiance », le décryptage de Scarlett Haddad)
« Il n'a plus de rôle à jouer »
Quant au journaliste Imad Komayha, il préfère placer la décision du Hezbollah dans un cadre régional lié au rapport de force sur le terrain syrien. « À la lumière des rumeurs portant sur un éventuel compromis visant à mettre un terme au bain de sang syrien, une nouvelle page s'ouvre », dit-il à L'OLJ, soulignant que le Hezbollah n'aura « aucun rôle à jouer dans la prochaine phase de la crise ».
M. Komayha va même plus loin. Il déclare sans détour que « les propos de Hassan Nasrallah sont le début d'un retrait tactique de la guerre en Syrie, d'autant que le Hezbollah a vu son influence se réduire, tout comme celle de l'Iran, mais aussi de l'Arabie saoudite et de plusieurs acteurs régionaux, au profit des États-Unis et de la Russie ».
Lire aussi
Israël derrière des appels suspects pendant le discours de Nasrallah
Si certains ont lu entre les lignes de cette déclaration une « victoire » enregistrée par le...
commentaires (5)
MISSION ACCOMPLIE, JAMES FOND = OxOx7
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 06, le 15 mai 2017