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Liban - Loi électorale

Manœuvres et dégâts avant un possible accord sur une loi électorale

Le dossier de la loi électorale connaît son énième retour à la case départ, selon le constat « catégorique » d'une source ministérielle. Mais contre toute attente, un accord in extremis sur une mouture de loi serait à prévoir avant la date butoir du 19 juin prochain, date d'expiration du mandat parlementaire : c'est ce que confient des milieux centristes pourtant peu familiers de l'optimisme à tout crin du Premier ministre.

Pour l'instant, les échanges resteraient limités à des prises de position visant uniquement à améliorer les postures des uns et des autres aux négociations. Le ton a été donné hier par le ministre Ali Hassan Khalil, qui s'exprimait lors d'une cérémonie du mouvement Amal en hommage à l'imam Moussa Sadr, à Tyr. « Le président Berry a proposé un projet conforme à la Constitution, qui prévoit de former un sénat, parallèlement à l'élection de la Chambre sur la base de la parité et de la proportionnelle appliquée à six circonscriptions (...). Cette proposition tient jusqu'au 15 mai courant (date fixée initialement pour une séance de vote d'une autorallonge parlementaire, NDLR), après quoi nous reviendrons à notre proposition initiale, à savoir la proportionnelle intégrale, et nous n'accepterons que la proportionnelle intégrale », a déclaré le ministre.

Le fait d'assortir, et pour une durée déterminée, la création d'un sénat au projet de la proportionnelle aurait pour effet d'abord de contrecarrer l'idée de tri confessionnel des votes, qui s'était cristallisée dans le projet de préqualification suggéré par le Courant patriotique libre (CPL). « Nous réaffirmons par ce projet (du sénat, NDLR) notre attachement constant à l'image du Liban que nous voulons », a ainsi souligné le ministre berryste. Et pour répondre à la rhétorique de « la récupération des droits des chrétiens », il n'a pas manqué de préciser que le chef du législatif a pris l'initiative de « renoncer à une part des prérogatives de la Chambre en faveur de la création du sénat », un transfert de compétences que « personne n'osait jusque-là évoquer ».

 

(Lire aussi : Alliances politiques : la confusion règne !, le décryptage de Scarlett HADDAD)

 

Il s'agirait aussi pour le président de la Chambre, ce faisant, de se solidariser avec le leader du Rassemblement démocratique, le député Walid Joumbatt, face au courant du Futur, selon une source parlementaire. Pour rappel, le leader druze avait jugé la situation actuelle peu propice à la création d'un sénat, afin de couper court à la controverse provoquée par le camp aouniste autour de l'appartenance druze ou chrétienne du président de cette institution. Le courant du Futur, qui avait pourtant proposé en 2014 de créer un sénat en réponse à la proposition de loi dite « orthodoxe », est resté cette fois solidaire du camp aouniste, dont il a soutenu le projet de préqualification, sans intervenir dans le débat relatif à la présidence du sénat.

Face au camp Berry-Joumblatt auquel est associé aussi le Hezbollah, le tandem chrétien, fort de la solidarité du Premier ministre, joue la carte du vote de la nouvelle loi électorale en Conseil des ministres (par opposition au consensus). Cette manœuvre viserait à rappeler que le chef de l'État détient une majorité confortable au sein du gouvernement dont il pourrait user à tout moment. La manœuvre reste toutefois prudente, le vote d'une nouvelle loi électorale nécessitant les deux tiers des voix des ministres, comme l'a rappelé hier le député Nabil de Freige, en constatant « la difficulté d'obtenir cette majorité ».

Pour sa part, le ministre Pierre Bou Assi tient à préciser à L'OLJ que « le chef de l'État n'a pas explicitement appelé au vote lors du Conseil des ministres de jeudi dernier, il n'a fait que formuler cette hypothèse sous forme de question ». Et d'ajouter que ce sont les FL qui défendent cette option. Les milieux du parti avaient pourtant vu d'un bon œil l'appel du secrétaire général du Hezbollah au consensus. « Nous sommes pour le consensus comme première option, mais pour le vote comme ultime recours », répond M. Bou Assi.

Ce mécanisme est certes énoncé par la Constitution. Il souffre toutefois de ne pas prendre en compte « l'équilibre nécessaire entre le texte de la Constitution et la cohésion nationale », selon les termes d'Edmond Rizk à l'agence al-Markaziya.

 

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Le risque serait en l'occurrence que la surenchère chrétienne ne démantèle le pacte de 1943 en donnant le prétexte aux autres composantes de « réclamer la représentation sur la base du nombre », prévient un député du bloc joumblattiste. D'un point de vue politique, la « menace » du vote souffrirait d'une double incohérence dans le discours aouniste. La première a été relevée indirectement par Ali Hassan Khalil : « D'aucuns qui appellent aujourd'hui au vote en laissant entendre qu'ils sont forts d'une nouvelle base politique sont ceux-là mêmes qui avaient paralysé durant un an et demi le travail du précédent cabinet en refusant la méthode du vote. »

La seconde incohérence réside dans la propension du CPL à contourner tout embryon d'entente sur une loi électorale : au moment où la plupart des parties, à l'exception du Hezbollah, étaient réticentes à l'idée de la proportionnelle, Gebran Bassil avait créé la surprise en se prononçant en sa faveur, soutenu ponctuellement par le chef de l'État. Et au moment où le PSP, les Forces libanaises et le courant du Futur se sont dit prêts à l'accepter, le CPL continue –jusqu'à hier par la voix de ses ministres – de défendre officiellement le projet de préqualification. « Le président de la République reste attaché à l'option du vote, en dépit des chances de plus en plus grandes d'un consensus (...) en dehors du projet de préqualification sur base communautaire, définitivement enterré par un coup décisif cette semaine (allusion à peine voilée au discours de Hassan Nasrallah, NDLR) », a constaté hier le ministre Marwan Hamadé à la Voix du Liban 100.3-100.5.

Le débat autour de la loi électorale n'a fait qu'exacerber deux visions diamétralement opposées du pays. La question reste de savoir quel agenda sous-tend l'émergence de ces divisions. « Opter pour le vote sans reconnaître le respect du pacte national énoncé dans le préambule de la Constitution pourrait conduire d'autres composantes à refuser le résultat du vote. Autrement dit, le consensus est le seul moyen de nous épargner le vide, qui ouvre les portes de la constituante », a ajouté M. Hamadé. Le risque est-il de voir le pays mener vers une constituante, non plus sous couverture des chrétiens, mais carrément sur leur incitation – tandis que le Hezbollah se taille une nouvelle image de gardien de la convivialité ? Cette métamorphose semble en tout cas avoir été accomplie, même si le débat électoral pourrait connaître un heureux dénouement sur base de la proportionnelle intégrale ou du scrutin mixte, rapportent plusieurs milieux politiques.

 

 

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commentaires (3)

Quells histoire rocambolesque. Une cacophonie bien orchestrée menée de main de maître. On voit finalement à quel point le CPL se sont fait berner par le jeu subtil de leur allié qui joue au pyromane-pompier et s'en fout des soit-disants garanties pour les chrétiens... Ils font croire qu'ils ont à cœur l'intérêt et appréhensions de toutes les communautés et veulent une entente à l'amiable, tout en sachant que c'est impossible... On a bloqué la présidence 2 ans, aucun problème de bloquer le législatif autant et perpétuer le chaos: on divise pour mieux régner... Ça profite à qui à long terme, dans une région en ébullition et à l'avenir incertain!

Saliba Nouhad

18 h 06, le 06 mai 2017

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Commentaires (3)

  • Quells histoire rocambolesque. Une cacophonie bien orchestrée menée de main de maître. On voit finalement à quel point le CPL se sont fait berner par le jeu subtil de leur allié qui joue au pyromane-pompier et s'en fout des soit-disants garanties pour les chrétiens... Ils font croire qu'ils ont à cœur l'intérêt et appréhensions de toutes les communautés et veulent une entente à l'amiable, tout en sachant que c'est impossible... On a bloqué la présidence 2 ans, aucun problème de bloquer le législatif autant et perpétuer le chaos: on divise pour mieux régner... Ça profite à qui à long terme, dans une région en ébullition et à l'avenir incertain!

    Saliba Nouhad

    18 h 06, le 06 mai 2017

  • IL N,Y A QU,UNE VISION DU PAYS... LA SECONDE N,EST PAS UNE VISION NATIONALE MAIS PERSIQUE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 54, le 06 mai 2017

  • “Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs.” de Robespierre Extrait de Lettre à la Convention nationale

    FAKHOURI

    08 h 09, le 06 mai 2017

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