Le rappel à l'ordre adressé hier par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à l'ensemble des parties politiques est on ne peut plus sérieux. En invitant les différents protagonistes à revenir à la démocratie consensuelle pour éviter « l'aventure » du vote en faveur de l'une des nombreuses propositions de loi électorale, le chef du parti chiite a consacré, une fois de plus, le principe du consensus roi présenté comme étant l'ultime recours pour ne pas tomber dans le vide.
En dépit de l'existence de procédures prévoyant un vote en bonne et due forme dans le cadre des institutions – le b.a.-ba de tout système dit démocratique –, le Liban officiel semble ainsi condamné à coller à la formule des accords à l'amiable à chaque fois qu'il se trouve au bord du précipice.
Il reste à savoir si les propos lénifiants du dignitaire chiite – qui dit par ailleurs comprendre les appréhensions communautaires des chrétiens et des druzes en particulier, mais aussi que son parti n'imposera aucune loi électorale par la force – seront entendus, à l'ombre du bras de fer qui se poursuit entre les différents camps. Le mot d'ordre lancé par Hassan Nasrallah signifie qu'aucun vote n'est à prévoir en matière de loi électorale jeudi prochain, même si ce dossier figure à l'ordre du jour du Conseil des ministres, alourdi de 105 sujets.
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Désormais, les contours d'une nouvelle polarisation se précisent avec, d'une part, le front créé autour du chef du Parlement, Nabih Berry, dont les représentants ont boycotté une réunion qui a regroupé lundi, au domicile du chef du CPL Gebran Bassil à Laqlouq, les représentants des FL et du courant du Futur, et ces derniers. La guerre par projets et contre-projets électoraux interposés a poussé M. Berry à refuser même de réceptionner les remarques envoyées par M. Bassil sur la création du sénat proposée par le premier en concomitance avec l'adoption d'une loi fondée sur la proportionnelle. Son représentant, Ali Hassan Khalil, n'a même pas été jusqu'au bout de sa lecture alors qu'il prenait connaissance de ces remarques qui, selon lui, « sabotent l'esprit même du texte », comme le souligne notre correspondante Hoda Chédid.
Même si la proposition de M. Berry a reçu l'aval des FL qui la perçoivent comme étant une « faveur » accordée aux chrétiens, elle a fait long feu puisque le PSP l'a rejetée d'emblée, n'y voyant aucun intérêt dans le contexte actuel, et le CPL l'a accueillie avec circonspection. Le diable réside dans les détails, a dit en substance M. Bassil à l'issue de la réunion du bloc du Changement et de la Réforme avant de faire remarquer que les problèmes que pose un tel projet ne peuvent être résolus en une semaine.
L'un des obstacles posés serait, outre les prérogatives de cette instance, l'alternance de la présidence du sénat entre druzes et chrétiens, une thèse qu'a réfutée hier Ibrahim Kanaan, député du CPL, en affirmant que « ce n'est guère la présidence qui pose problème, mais le fait que le PSP a rejeté l'idée du projet dans sa totalité ».
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Résultat pratique : c'est de nouveau l'impasse, aucune proposition soumise à ce jour n'ayant pu recevoir l'aval de l'ensemble des parties de sorte à aboutir à une entente à l'amiable, comme le préconise Hassan Nasrallah. Au même moment, la majorité des protagonistes a continué à marteler le leitmotiv du ni-ni : « Non à la prorogation, non au vide, non à la loi de 1960. » Le chef du législatif, qui avait menacé tout ce beau monde d'une séance parlementaire prévoyant, le 15 mai, la prorogation du mandat parlementaire, a lui-même fini par faire sien le slogan du « non à la prorogation ». Le leader chiite a toutefois mis en garde le gouvernement, et par ricochet la présidence de la République, contre le vide escompté au niveau de la législature qui, selon lui, se répercutera indéniablement sur l'exécutif. Ce dernier serait alors considéré démissionnaire, comme l'ont laissé entendre les milieux proches de Aïn el-Tiné qui ont également prévenu des répercussions de cette situation sur la présidence de la République même.
Comprendre : le vide menace toutes les institutions de l'État et pas seulement le Parlement. Une thèse que conteste cependant Khairallah Ghanem, professeur de droit constitutionnel à la retraite, pour qui le principe de la continuité des services publics reste de rigueur même après la date butoir du 20 juin.
« Ce serait, pour le Parlement, une sorte de prorogation tacite », a indiqué M. Khairallah. « A fortiori, et tant que l'élection d'une nouvelle Chambre n'a pas eu lieu, le gouvernement ne peut être considéré démissionnaire », a-t-il dit. Et de conclure en affirmant que « le vide n'existe pas », mais que l'on aurait certainement atteint « un état de pourrissement extrême des institutions et de la classe politique », a-t-il estimé.
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Pour mémoire
commentaires (13)
DES FAUTES SE SONT GLISSEES DANS MES REACTIONS... LE LECTEUR LES COMPREND. JE NE CORRIGE PAS. MERCI.
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
19 h 58, le 04 mai 2017