Le double refus opposé à la prorogation de la législature et au vide semble se généraliser aux discours des différentes parties. Après le chef de l'État, puis le Premier ministre, le Parti socialiste progressiste, par la voix du député Akram Chehayeb, a dit n'accepter ni le vide ni la prorogation. Cette position serait à lire comme un prélude au maintien de la loi de 1960, dont il serait d'ores et déjà envisagé de mettre à jour les délais. Les législatives seraient alors reportées « techniquement » d'un mois à trois mois au maximum, selon plusieurs sources. Le report technique ne nécessitant pas l'approbation d'une loi relative à la rallonge du mandat parlementaire, il ne peut être considéré comme une prorogation en bonne et due forme de la législature, assure un député.
Mais l'éventualité de ce report technique n'exclut pas le débat parallèle autour de la réforme électorale. Certains milieux n'écartent pas la possibilité que « les lignes générales » d'une nouvelle loi soit fixée, possiblement dans le sens de la proportionnelle, même si les prochaines législatives devront se tenir sur la base de l'ancienne loi.
Ce faisant, la polémique autour du projet de préqualification s'est poursuivie en fin de semaine.
De fait, à son double niet à la prorogation et au vide, M. Chehayeb en a ajouté un troisième : « Non à la préqualification sur base confessionnelle » (proposée par le ministre Gebran Bassil). « Nous avons nos trois non », a-t-il ainsi déclaré, dans une allusion à peine voilée aux trois « non » du chef de l'État (non au report, non au vide et non à la loi de 1960) récemment réduits aux deux premiers. Représentant Taymour Joumblatt lors d'une cérémonie organisée par le PSP à Aley, M. Chehayeb a dit « oui à la réconciliation historique de la Montagne, oui au partenariat, oui à toute formule consensuelle qui n'opère pas de tri confessionnel. Finies les crises et les surenchères confessionnelles, le pays a besoin de sacrifices et de compromis pour préserver ses institutions, sa sécurité et sa stabilité économique ».
(Lire aussi : Le collectif Save 961 : Non à la prorogation des mandats)
Le débat autour du projet de préqualification touche à la formule libanaise de partage du pouvoir. Rebondissant hier sur les propos de M. Chehayeb lors d'une cérémonie à Aïtate, l'ancien ministre Waël Bou Faour a estimé que « certains parmi ceux qui participent à l'élaboration d'une nouvelle loi électorale perçoivent les habitants comme des chiffres et les villages comme des positions géographiques, en faisant fi des relations sociales, politiques et culturelles de leurs habitants : ils appellent ainsi à ce qu'un chrétien élise un chrétien et un musulman un musulman ». « Bien sûr, nous avons intérêt à garantir notre représentativité à travers la nouvelle loi (...) mais nous sommes tout autant concernés par la manière dont cette loi affecterait les rapports entre les Libanais », a-t-il ajouté, en s'opposant catégoriquement à « tout projet qui érige des murs entre des groupes de citoyens ».
C'est également contre « les projets de repli et de division » que s'est prononcé hier l'ancien ministre Marada, Rony Arayji, lors d'une cérémonie dans le Koura.
Réserves du Hezbollah sur le timing d'une constituante
Le front du refus de la préqualification fait dire à certains milieux du PSP que ce projet est tombé de facto. Plusieurs substituts à ce projet sont actuellement sur le tapis. Il y aurait d'abord la proportionnelle intégrale, que même les Forces libanaises – les plus réfractaires à ce projet – seraient prêtes à entériner, à condition toutefois d'un découpage en circonscriptions réduites (22 circonscriptions, rapporte une source informée). D'autres milieux font état d'un possible retour au mode de scrutin mixte selon la répartition égalitaire entre proportionnelle et scrutin majoritaire qu'avait proposée dans un premier temps le président de la Chambre. Et en marge du débat, l'idée de créer un Sénat est mentionnée comme une réforme éventuelle, qui pourrait accompagner (et dédiaboliser) le maintien de la loi de 1960. Cette idée aurait toutefois très peu de chances d'aboutir. Elle risque de provoquer « des tensions supplémentaires » relatives à la confession du président du Sénat, comme l'a souligné Waël Bou Faour. Du reste, cette réforme nécessiterait un amendement constitutionnel, et paverait la voie à une constituante que même le Hezbollah dit ne pas souhaiter à ce stade. « Cette période délicate que traverse le pays est-elle opportune pour ouvrir la porte d'un amendement constitutionnel, qui toucherait aussi aux accords de Taëf ? Pourquoi une seule clause ferait-elle l'objet de révision, sachant que l'expérience a prouvé le besoin de nombreux autres amendements (...) », a affirmé samedi le député Nawaf Moussaoui. « Jusque-là, il était interdit de parler d'amendements constitutionnels. Qu'est-ce qui a donc pu changer ? Il n'est pas normal de se limiter à réviser un article, sans plancher sur les autres. Mais l'heure actuelle n'est pas adéquate pour des amendements. Du reste, ce n'est pas dans l'article en question (relatif à la création d'un Sénat, NDLR) que se trouve la solution à la crise politique actuelle », a-t-il ajouté.
(Lire aussi : Pour Raï, la prorogation viole le pouvoir législatif et la volonté du peuple)
Le Conseil des ministres qui se tiendra jeudi prochain, après deux semaines d'interruption, doit examiner les enjeux de la réforme électorale, qui est d'ailleurs le premier point de l'ordre du jour. Selon nos informations, ce Conseil aurait pour fonction principale d'approuver une prorogation de trois ou de six ans du mandat du gouverneur de la Banque du Liban. Mais certains milieux parlementaires ne sous-estiment pas « les efforts de Gebran Bassil, appuyé par Saad Hariri », d'amener le Conseil des ministres à approuver un nouveau projet de loi électorale par un vote aux deux tiers de ses membres. Le projet de préqualification aurait mathématiquement le plus de chances d'être voté. Ce serait néanmoins « le prélude à une guerre civile », estiment les milieux hostiles au projet.
C'est d'ailleurs contre la méthode du vote que se sont prononcés hier les ministres Waël Bou Faour et Mohammad Fneich. « Il est désormais clair que le consensus est le seul moyen d'approuver un nouveau code électoral », a constaté le second.
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JE M'EXCUSE POUR CETTE ERREUR "LE NOM ET PAS LE NON DE TAYMOUR" J'ÉTAIS AVEUGLÉ ET IRRITÉ DE VOIR LES NOMS DE FILS ET DE PETIT FILS DE CES BANDES DES MÊME FAMILLES QUI GOUVERNENT LE LIBAN.
15 h 19, le 01 mai 2017