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Liban - Loi électorale

Loi électorale : Premiers revers de la logique du monopole chrétien

Les échanges politiques autour de la loi électorale semblent porter insidieusement sur la répartition des sièges et le découpage des circonscriptions. Les bras de fer auxiliaires sur le mode de scrutin ne seraient qu'un moyen de détourner l'attention du débat réel, de maquiller les calculs électoraux désormais mis sur la table par les uns et les autres, alors que se précise l'hypothèse d'une entente sur le maintien de la loi de 1960 moyennant des amendements « à même de prendre en compte les changements démographiques survenus depuis le mandat Chéhab », fait remarquer une source centriste à L'OLJ.

Sous cet angle, l'intérêt de la mouture présentée par le Parti socialiste progressiste et la Rencontre démocratique n'est vraisemblablement pas dans le mode de scrutin retenu (mixte) mais dans le découpage en onze circonscriptions qu'elle propose pour la proportionnelle, sachant qu'elle maintient l'ancien découpage pour ce qui est du scrutin majoritaire (voir L'Orient-Le Jour du 24 avril).

Plus que d'enterrer formellement le projet de préqualification suggéré par Gebran Bassil, la proposition joumblattiste est une réponse manifeste à la surenchère chrétienne véhiculée par le projet Bassil (qui fait une distinction au premier tour entre chrétiens, toutes communautés confondues, d'une part, et musulmans de l'autre) et par les remarques soi-disant critiques faites par les Forces libanaises sur le projet Bassil, mais qui sont une déclinaison de la même logique de ségrégation communautaire (ces remarques prévoient le maintien du découpage de la loi de 1960, mais avec un transfert de sièges chrétiens d'une circonscription à une autre qui compte un électorat chrétien plus large (voir L'Orient-Le Jour du 22 avril).

 

(Lire aussi : Précipice électoral)

 

La proposition de la Rencontre démocratique bascule dans l'autre extrême : le découpage dissout l'électorat chrétien dans des circonscriptions multiconfessionnelles (en atteste la fusion Beyrouth I et Beyrouth II, l'inclusion de Zahlé à la Békaa et de Jezzine au Liban-Sud, et surtout la fusion des cazas du Nord). Même si le texte égratigne légèrement les partis chiites dominants (en incluant par exemple Jbeil au Kesrouan, ce qui réduit la portée des voix chiites), il les ménage largement au niveau de leur bastion (Baalbeck-Hermel et le Sud). Le texte profite aussi à l'électorat sunnite de Beyrouth III, de Akkar et du Nord, même s'il fait perdre à Saïda son autonomie.

Qui plus est, en prévoyant une répartition égalitaire des sièges élus respectivement à la majoritaire et à la proportionnelle entre chrétiens et musulmans, mais aussi entre familles spirituelles de ces deux confessions, le texte répond à la velléité du tandem CPL-FL de réunir les chrétiens dans un bloc uniforme. Aux tenants du modèle communautariste exclusiviste chrétien, le projet du PSP vient rappeler qu'une aventure sur le thème du « recouvrement de la force de leur confession » au détriment de leurs partenaires, aussi bien musulmans que chrétiens, menace de rompre le pacte national et d'initier un rééquilibrage des pouvoirs sur la base du décompte démographique. Les aspirations du tandem CPL-FL de concentrer le plus de sièges chrétiens dans des circonscriptions à majorité chrétienne risquent donc de justifier un nouveau découpage qui ne reconnaîtra plus les chrétiens là où ils seraient devenus démographiquement minoritaires. Une « éventualité », selon un député, qui serait donc le revers de la logique du monopole.

Les milieux du tandem chrétien s'efforcent pour l'instant de réagir positivement à la proposition du PSP en s'attardant sur le fait que Walid Joumblatt participe au débat électoral en renonçant à la loi de 1960... Ces milieux feignent d'ignorer la teneur de son message politique.

 

(Lire aussi : Après Joumblatt, Berry présentera une nouvelle proposition cette semaine)

 

Seul le Hezbollah, par la voix du député Mohammad Raad, a critiqué cette proposition au nom de son attachement officiel, inébranlable à la proportionnelle intégrale. « La formule électorale mixte est contraire à la Constitution et à la logique, précisément à l'égalité des droits des Libanais », a déclaré M. Raad lors d'une rencontre politique à Majdelzouen au Liban-Sud. Et de s'interroger sur « les critères adoptés par nos collègues du PSP pour fixer les sièges à élire au scrutin majoritaire et les autres à la proportionnelle ». Dénonçant « la perte de temps », le député a posé une nouvelle fois l'adhésion de toutes les parties à la proportionnelle comme condition préalable à l'examen du découpage.

Par son rejet catégorique de la proposition Joumblatt et son plaidoyer pour la proportionnelle, le Hezbollah semble en réalité paver la voie au projet que le président de la Chambre doit incessamment présenter : la proportionnelle intégrale appliquée à six circonscriptions (les cinq mohafazats actuels avec un éclatement en deux du Mont-Liban), sinon à dix circonscriptions.

De sources concordantes, le projet du PSP aurait pavé la voie à celui du président de la Chambre : à la différence du premier, le second pourrait maintenir l'autonomie de Zahlé par rapport au reste de la Békaa, et celle des cazas du Nord à majorité chrétienne (Bécharré, Zghorta, Koura, Batroun) par rapport à Tripoli et au Akkar. Sauf qu'il prévoirait, en contrepartie, de fusionner ces cazas chrétiens : ce serait une formule qui souscrit à la rhétorique du tandem CPL-FL, sans toutefois forcément convenir à ses intérêts électoraux. Du reste, le projet berryiste maintiendrait certains éléments du découpage joumblattiste : la fusion de Jbeil-Kesrouan, Aley-Chouf, Baabda-Metn-Nord (cette dernière fusion étant susceptible de renforcer les voix arméniennes face à celles du tandem chrétien).

 

(Lire aussi : Forcing de la communauté internationale en faveur d’une nouvelle loi électorale)

 

Bkerké-Baabda
Cette configuration, que rapporte une source politique à L'Orient-Le Jour, porterait des signes avant-coureurs d'éventuels amendements à la loi de 1960. Surtout que le projet que le courant du Futur entend lui aussi présenter, pour la forme, promet de se limiter à son projet de 2011 – élaboré alors pour contrecarrer le projet de loi dite orthodoxe – et qui prévoit la création d'un Sénat et l'élection de la Chambre sur base de la proportionnelle.

Pour une source indépendante, il reste improbable, en somme, qu'une issue du débat électoral soit trouvée avant le 15 mai prochain. En atteste le désistement du Conseil des ministres de sa responsabilité en la matière, « ce qui ne présage rien de bon ». Le report du scrutin devient de plus en plus prévisible, mais pas son scénario.

Ce serait soit une autorallonge du mandat parlementaire par une loi, soit une rallonge de facto (attendre l'expiration du mandat et attendre que passent les trois mois fixés par la Constitution pour organiser les législatives). La seule inconnue, néanmoins, reste Baabda. Par son triple niet au vide, au report et à la loi de 1960, le chef de l'État s'est mis dans une situation dont il lui est difficile de s'extraire sans risquer de revenir sur son engagement.

Une réunion des leaders maronites, prévue hier à Bkerké, a été annulée et les informations médiatiques qui l'avaient annoncée ont été démenties. Une source parlementaire les confirme néanmoins à L'OLJ, en révélant des divergences actuelles entre Bkerké et Baabda. Alors que le patriarche maronite exhorte les parties à appliquer la loi de 1960 pour éviter plus de crispations, le président Michel Aoun, lui, veut faire valoir qu'il est le seul habilité à décider de l'application de l'ancienne loi dont les décrets requièrent sa signature. La question reste de savoir jusqu'où il ira pour entretenir l'image du président héroïque, que les deux autres présidents Hariri et Berry lui avaient concédée il y a à peine dix jours...

 

 

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commentaires (12)

Tout ce tintamarre politique ne sert à rien , encore moins aux libanais C'est Hezbollah qui gouverne à travers le Président de la République, aidé ou appuyé par Gibran Bassil et Berry Tant que le Hezbollah avec sa milice para-militaire, il n'y aura aucune possibilité de virer tous ces incapables qui nous gouvernent

FAKHOURI

22 h 02, le 25 avril 2017

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Commentaires (12)

  • Tout ce tintamarre politique ne sert à rien , encore moins aux libanais C'est Hezbollah qui gouverne à travers le Président de la République, aidé ou appuyé par Gibran Bassil et Berry Tant que le Hezbollah avec sa milice para-militaire, il n'y aura aucune possibilité de virer tous ces incapables qui nous gouvernent

    FAKHOURI

    22 h 02, le 25 avril 2017

  • Le Liban multiconfessionnel qui fut le refuge des minorités régionales persécutées ne convient plus à la majorité musulmane du moyen orient. Le Liban est une proie facile qui risque d’être dévoré et digéré pour devenir comme ces voisins. Déconfessionnaliser le cœur des citoyens au Liban c'est un inaccessible rêve dans une région où tout est basé sur le confessionnalisme.

    DAMMOUS Hanna

    20 h 59, le 25 avril 2017

  • C,EST DIRE AUX CHRETIENS DE PREPARER LEURS VALISES MESSIEURS QUI CRIEZ HAUT ET FORT POUR LE 50/50 ET VOTRE PRETENDU CONSENSUS ET VIVRE ENSEMBLE. VOUS VOULEZ SEMBLE-T-IL DES DHIMMIS... CA NE MARCHERA PAS ! PLUTOT MOURIR QUE COURIR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 56, le 25 avril 2017

  • Montrez moi que le peuple libanais peut lui même d'abords se deconfessionnaliser avant de decinfessionnaliser la politique et les lois .... à cela s'ajoute les visions hégémonique de certains pays à 100% confessionnel dans notre région....si l'olj me dit un jour que ni ça ni l'autre n'aura cours au Liban ..... alors seulement la je serais d'accords pour deconfessionnàlser le pays

    Bery tus

    15 h 12, le 25 avril 2017

  • PRENDRE EN COMPTE DANS TOUTE LOI ELECTORALE LE RAISONNEMENT DU NOMBRE... CONTRAIRE AU 50/50 DE TAEF ET SA JUSTE REPRESENTATION... C,EST RENFORCER CHEZ LES CHRETIENS LE SENTIMENT DE LA CRAINTE DE L,AVENIR ET INTENSIFIER LEUR EMIGRATION ! CAR CHAQUE DEUX DECENNIES LES LAPINS SE MULTIPLIANT ON REMETTRA LA MEME CAUSE SUR LE TAPIS... RIEN NE GARANTIRAIT LE DEVENIR ET LA SURVIE DES CHRETIENS QUE LES CANTONS, FEDERATION OU AU PIRE DES CAS LA PARTITION... CAR ACCEPTER LA PROPORTIONNELLE INTEGRALE OU SEMI INTEGRALE CAMOUFLEE DE MANIERE A OTER AUX CHRETIENS LEUR JUSTE REPRESENTATION C,EST LEUR OTER LA VIE A MOYENNE ET NON PAS A LONGUE ECHEANCE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 32, le 25 avril 2017

  • Je m’intéresse de moins en moins à la politique libanaise et ne lis même plus les articles consacrés à l’incapacité de la classe politique à s’entendre sur le vote une nouvelle loi électorale. Ce blocage ne reflète pas seulement la faillite de l’oligarchie au pouvoir mais des Institutions et du système politique libanais. Les maux dont souffre le pays : crispations identitaires, corruption, massacre de l’environnement, hégémonie du Hezbollah, présence de plus d’un million et demi de réfugiés syriens sur son sol … sont trop graves pour entrevoir un coup d’arrêt au processus de déliquescence dans lequel il est engagé depuis 1975.

    Tabet Ibrahim

    12 h 57, le 25 avril 2017

  • Je ne comprends pourquoi on attache tant d'importance à la proposition de Bassil. Il n'y a de constructif dans cette proposition. Il a montré depuis longtemps ses limites pensées de réalisations à son poste ministériel Il existe parmi les chrétiens des gens intelligents et instruits !!!!!

    FAKHOURI

    11 h 30, le 25 avril 2017

  • Si on arrive pas à deconfessionaliser le débat, seule la proportionnelle intégrale pourrait être la logique pour tendre vers plus de justice et de démocratie . Des groupes parlementaires dissidents dans chaque confession iraient s'allier aux autres groupes confessionnels et on verrait enfin des alliances parfois contre nature. Par exemple des chiites chez des sunnites et vis versa, comme des chrétiens chez des druzes etc.....

    FRIK-A-FRAK

    11 h 23, le 25 avril 2017

  • Le problème dans ce pays est que chacun veut appliquer sa propre "logique de monopole" : sunnite, ou chrétienne, ou chiite, ou druze + tous les autres groupuscules... sans jamais penser à l'intérêt général de sa patrie ! Mais ces beaux messieurs...connaissent-ils seulement la signification du mot patrie ? C'est par là qu'il faudrait commencer: leur donner des leçons intensives de patriotisme ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 40, le 25 avril 2017

  • Marre de leurs cuisines !!! Il est temps de passer à la laïcité et d'élire nos représentants sur la base de leurs compétences plutôt que d'une quelconque affiliation communautaire ou familiale... Fini le clientélisme ! Vivent le responsabilisme, le nationalisme, et surtout le civisme !

    Gros Gnon

    09 h 06, le 25 avril 2017

  • LE PAYS EST DEVENU AVEC CES ACROBATIES LA RISEE DU MONDE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 21, le 25 avril 2017

  • Excellente analyse de Séttt Sandra N'jééém ! BRAVO !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 15, le 25 avril 2017

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