Depuis l'accession du général Aoun à la tête de l'État, beaucoup de citoyens, essentiellement des partisans, et avec eux de nouveaux alliés attirés par le pouvoir et par les affaires, ont voulu croire aux promesses du président de lutter contre la corruption qui gangrène tout l'espace national, politique, administratif et économique.
Le panorama dans ce domaine reste encore très flou après quatre mois d'exercice, et ce malgré tous les moyens déployés pour apaiser le climat politique général, la création d'un nouveau ministère chargé de traiter les affaires de corruption, une communication tous azimuts clamant la réussite des premiers pas entrepris par le régime et surtout les nombreuses gesticulations du successeur des Charles Malek, Fouad Boutros, et Ghassan Tuéni, le dynamique ministre des Affaires étrangères, celui que l'on qualifie actuellement d'homme « incontournable », voire de stratège de la nouvelle pensée politique du sexennat. Il faut dire que cette mobilité politique positive retrouvée, après la longue période de vide constitutionnel qui a précédé l'élection présidentielle, le blocage des institutions et la dilution progressive des infrastructures nationales, bien que bienvenue, ne semble pas malheureusement avoir été à même de déterminer avec justesse les contours d'un changement en profondeur de la République, car la « transparence » qui aurait dû en être le principal chantier n'a été dotée d'aucune consistance structurelle, administrative et humaine pouvant garantir la réussite de n'importe laquelle de toutes les réformes envisagées.
Quelle devrait être en fait la priorité de ce nouveau régime, qu'est-ce qui marquera le plus son passage ? N'est-ce point la reconstitution tout d'abord de la confiance du monde dans la capacité du pays du Cèdre à se reconstruire sur des bases de crédibilité, d'indépendance et de souveraineté ? Pour ce faire, il est donc indispensable de commencer par tisser une trame essentielle de ce canevas national, à savoir la lutte contre la corruption ! Or les citoyens qui observent avec inquiétude les actions des politiques sont encore dubitatifs, ils notent l'absence à ce jour d'une vision politique à long terme et d'un programme d'action clair. Plus grave encore, ils ont l'impression de vivre, durant le déroulé des différentes actions en voie d'exécution, un « chaos » intellectuel et procédural largement entretenu, de façon consciente ou inconsciente, par les deux pôles de l'État, autant le législatif que l'exécutif.
Au lieu d'agir comme l'avait fait le président Chéhab après son accession à la tête de l'État, et proposer une vision moderne et complète d'État, concrétisée et adoptée par des décrets-lois, le régime actuel s'est laissé entraîner dans les méandres de la politique politicienne et du clientélisme communautaire dont les limites d'action sont très étroites et très ingrates, surtout que les tenants et aboutissants du système politique libanais restent très perméables aux influences étrangères. Ces dernières peuvent en effet intervenir quand elles le souhaitent par l'intermédiaire des partis ou groupements les représentant sur la scène politique locale, et faire échec à toutes les velléités de changement pouvant inquiéter leurs intérêts !
Le Liban malade et vulnérabilisé par des guerres régionales et des dissensions internes se trouve à un tournant délicat de son histoire, et le général Aoun, qui a toujours eu de grandes ambitions pour la nation, se doit d'élever les débats et les aspirations de la République à ce niveau. Ses marges de manœuvre sont restreintes, et s'il veut sauver « les meubles » et sortir le pays de la salle des « soins intensifs » dans laquelle il se trouve depuis de longues années, il a deux possibilités:
- soit il extrait le pays des griffes et du diktat des pôles étrangers qui l'étouffent, et impose à toutes les composantes politiques, sans exception aucune, une vision nationale non négociable et dotée d'un système immunitaire inattaquable, à savoir l'impossibilité d'utiliser la corruption comme une « arme de dissuasion massive » pour infiltrer l'État et les institutions mis en place.
- soit il continue à pratiquer la politique de l'autruche, que l'on qualifie de « realpolitik », celle du jour le jour, et table sur des soutiens externes divers en surfant entre les puissances régionales et internationales pour obtenir des satisfactions ponctuelles, et ce en attendant des circonstances régionales et internationales plus avantageuses. Mais ce choix n'augure malheureusement d'aucune possibilité de construire à nos enfants, dans des délais visibles, un avenir équilibré et permanent, de permettre à ce pays de continuer à porter au monde son message du vivre-ensemble, de maintenir sa mosaïque sociale à l'abri de toute dilution et, surtout, de transformer le pluralisme culturel et religieux dont le Liban est si fier en une donne stratégique incontournable pour sa stabilité.
Plaise à tous nos décideurs politiques d'être bien inspirés et d'aider le président à construire une République citoyenne, seule gage d'un État juste, libre, indépendant et souverain...
Salim F. DAHDAH
commentaires (6)
Trop tard, le Pays a un cancer en phase terminale, sous forme métastatique très agressive, zéro chance de guérison, très faible chance de survie
Nadine Naccache
15 h 35, le 24 avril 2017