Rechercher
Rechercher

Liban - Entretien

Martin Huth : Le Liban n’est pas seul

Pour l'ambassadeur d'Allemagne, une « bonne loi électorale » est celle qui passe par le « compromis ».

Martin Huth : Le Liban est un modèle pour la région.

L'ambassadeur d'Allemagne à Beyrouth, Martin Huth, connaît bien le Liban et la région. Non seulement il est arabisant, mais il était en poste dans cette ville pendant la guerre de 2006. Il garde d'ailleurs un souvenir inoubliable de cette guerre puisqu'en raison du blocus maritime et aérien imposé par les Israéliens au Liban, il dut quitter le pays dans sa voiture jusqu'à Berlin, via la Syrie et la Turquie...

Aujourd'hui, c'est sur l'importance des élections législatives pour le fonctionnement de la démocratie qu'il insiste, assurant aussi que le Liban n'est pas seul face à la crise des déplacés syriens. Le pays du Cèdre « n'a pas choisi d'être là où il est, dit-il. Il est une victime. Mais tout le monde veut l'aider ». Il met aussi l'accent sur les propos d'Angela Merkel au Premier ministre Saad Hariri, dans lesquels elle estime que, même s'il n'y avait pas la crise des réfugiés syriens, le Liban est un modèle à préserver, en raison des valeurs humaines et de la diversité qu'il représente dans la région.

Dans sa résidence à Naccache, derrière une vitrine remplie de poignards précieux, Martin Huth explique l'importance du communiqué publié par le groupe international de soutien qui établit un lien direct entre, d'une part, la décision du président de la République de suspendre les réunions parlementaires et celle du président de la Chambre de convoquer une séance plénière le 15 mai, et, d'autre part, la nécessité de profiter de ce délai pour adopter une nouvelle loi électorale.

Pour le diplomate, ce communiqué vient à point nommé pour attirer l'attention des parties politiques sur l'importance de ne pas procéder à une troisième prorogation du mandat du Parlement, laquelle pourrait provoquer des protestations populaires tout en mettant à mal le bon fonctionnement de la démocratie dans le pays. « Nous comprenons la décision du chef de l'État, dit-il, comme une volonté de donner un délai supplémentaire à l'entente sur une nouvelle loi électorale, sachant que la prorogation de la législature est contraire à la démocratie, tout comme la prérogative utilisée par le président selon les dispositions de l'article 59 de la Constitution ne peut être utilisée que dans une situation exceptionnelle. »

Tout en reconnaissant que c'est un sujet complexe, puisque les parties concernées en discutent depuis près de huit ans, M. Huth estime que les élections doivent malgré tout avoir lieu, car le Liban est un pays démocratique et les élections sont indispensables au bon fonctionnement de la démocratie. « Après deux ans et demi de vacance présidentielle et les crises successives qui ont secoué le pays, le Liban doit sortir de la zone de danger et devenir un pays "normal", sinon chaque crise peut provoquer une déstabilisation », souligne-t-il.

Selon lui, ce n'est pas à la communauté internationale de dire aux Libanais quelle loi électorale est préférable. « Nous sommes avec toute loi qui fait l'objet d'une entente entre les différentes parties », dit-il. Et « c'est aux Libanais de décider comment ils veulent être représentés et quelle est la formule qui assure la meilleure représentativité et qui les pousse à participer à la vie institutionnelle. Les politiciens devraient parvenir à une loi pour l'avenir et non seulement pour l'immédiat ».

Rappelant que l'Allemagne s'est dotée d'une loi mixte depuis la naissance de la République fédérale, M. Huth estime que, depuis deux mois, les débats sont entrés dans une phase décisive, même s'il constate que beaucoup de Libanais restent sceptiques sur la possibilité d'une entente. « En ce qui nous concerne, dit-il, la bonne loi est celle qui assure une bonne solution, et celle-ci au Liban passe par un compromis. »

Concernant la dernière réunion de Bruxelles sur la Syrie, Martin Huth précise qu'elle s'inscrit dans le prolongement de la conférence de Londres en février 2016. Il précise que l'Allemagne donnera 2,3 milliards de dollars pour la crise syrienne entre 2017 et 2020. Ces fonds iront à la Syrie et aux pays voisins. Au Liban, l'Allemagne a ainsi donné 200 millions de dollars en 2015, 400 millions en 2016 et pratiquement la même somme en 2017. « Après la Syrie, le Liban est le pays qui a reçu le plus d'aides humanitaires dans le monde, sachant qu'il ne s'agit pas d'un pays pauvre comme la Centrafrique par exemple. »

 

(Lire aussi : L’Allemagne a versé 400 millions de dollars au Liban cette année)

 

 

L'aide au pays du Cèdre
L'ambassadeur explique aussi que l'aide accordée au Liban a évolué. D'abord, il s'agissait de parer au plus pressé : donner des couvertures, de la nourriture, etc. Ensuite, elle est devenue plus globale, axée sur la possibilité de permettre aux réfugiés de gagner leur vie et de scolariser leurs enfants. Aujourd'hui, elle comprend la nécessité d'aider les hôtes. Désormais, un lien est établi entre l'engagement du Liban à continuer d'accueillir les déplacés et celui de la communauté internationale à l'aider. La communauté internationale est donc déterminée à aider le Liban car cela lui permettra de supporter le poids de la présence des réfugiés.
Concernant la possibilité d'un retour partiel et progressif des déplacés syriens chez eux, M. Huth précise que la communauté internationale exige que le retour soit volontaire et sûr. Or, après l'attaque chimique de Khan Cheikhoun, il est clair qu'il n'y a pas de « zones sûres » en Syrie, et, de toute façon, il est difficile de les sécuriser.

M. Huth dément les informations selon lesquelles le Liban aurait reçu moins d'aides que la Jordanie, précisant qu'il y avait visiblement une coordination entre les deux pays à Bruxelles. Il ajoute que le Liban doit aussi procéder à des réformes économiques qui lui permettront d'être la plateforme de la reconstruction de la Syrie. « Aborder ce thème ne signifie nullement que cette reconstruction est imminente, car elle dépend du processus politique et de la transition. Mais le Liban doit être prêt pour attirer les parties impliquées dans la reconstruction », déclare-t-il.

Au sujet de l'armée libanaise, Martin Huth considère qu'elle est un facteur d'unité dans le pays. « Nous avons confiance en elle, assure-t-il, et nous savons dans quelles conditions elle accomplit sa mission. Elle effectue, avec les autres forces armées, un travail remarquable, et chaque jour porte son lot de success stories. » Tout en émettant le souhait que le don saoudien soit de nouveau mis sur les rails, l'ambassadeur rappelle que l'Allemagne s'occupe depuis août 2006 de la flotte navale de la Finul et a signé deux accords avec le commandant en chef de l'armée Joseph Aoun pour le renforcement des frontières terrestres.

Enfin, M. Huth écarte la possibilité d'une nouvelle guerre israélo-libanaise, en se basant sur le fait que, depuis 2006, la situation est plutôt calme au Sud et elle profite aux habitants de cette région. Nul ne voudrait donc remettre en cause ces acquis au Liban, estime-t-il, même si la lutte, voire la destruction d'Israël fait partie de la raison d'être du Hezbollah et que les Israéliens veulent minimiser la menace que représente pour eux cette formation.

 

 

Pour mémoire

Huth : Nous voudrions un Liban qui mette en œuvre la déclaration de Baabda et préserve sa diversité

L'ambassadeur d'Allemagne à Beyrouth, Martin Huth, connaît bien le Liban et la région. Non seulement il est arabisant, mais il était en poste dans cette ville pendant la guerre de 2006. Il garde d'ailleurs un souvenir inoubliable de cette guerre puisqu'en raison du blocus maritime et aérien imposé par les Israéliens au Liban, il dut quitter le pays dans sa voiture jusqu'à Berlin, via la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut