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À La Une - Reportage

En Turquie, la fragile victoire du « oui »

Après une campagne musclée, Recep Tayyip Erdogan a proclamé dimanche soir la victoire du camp du « Oui » au référendum sur la réforme de la constitution. Mais, le président turc n'a pas obtenu le plébiscite qu'il espérait. L'opposition, elle, conteste le résultat et dénonce des fraudes massives.

Des partisans du "oui", portant drapeaux turcs et portraits du président Recep Tayyip Erdogan, manifestent leur joie à Istanbul, le 16 avril 2017, après leur victoire au référendum qui prévoit une modification de la Constitution. Photo AFP / OZAN KOSE

Un concert de klaxons et des hurlements de joie dans les rues d'Istanbul. C'est de cette manière que les supporters de Recep Tayyip Erdogan ont accueilli l'annonce des résultats de la consultation, dimanche en début de soirée. Une réaction à la hauteur de l'incertitude qui, jusqu'au bout, a entouré l'issue de ce référendum constitutionnel. D'après un premier décompte, le camp du « oui » l'emporterait de justesse : seulement 51,4% des électeurs turcs se sont prononcés en faveur du changement de régime souhaité par leur président. Rassemblés place Taksim, les partisans du Reis (le chef) expriment leur soulagement : « Notre pays a besoin d'un leader », justifie Murat, drapeau turc sur les épaules.

Si ce dénouement se confirme, la Turquie devrait mettre fin prochainement au régime parlementaire instauré il y a près de cent ans par Mustafa Kemal Atatürk. Les pouvoirs du président de la République seraient alors considérablement renforcés : avec la disparition du poste de Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan se retrouverait seul à la tête de l'Exécutif. Face à un Parlement affaibli, il aurait la possibilité de déclarer unilatéralement l’État d'urgence et de gouverner par décrets, sans aucune forme de contrôle. Une concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme qui n'inquiète pas Murat : « Ce nouveau système va nous apporter plus de stabilité politique. Cela nous permettra de traverser les difficultés que nous rencontrons en ce moment. »

 

Scènes de liesse également devant la résidence officielle du président à Tarabya, sur la rive européenne du Bosphore. Dans un discours prononcé devant ses partisans, Recep Tayyip Erdogan a salué « une décision historique du peuple turc ». D'un ton plus apaisé que durant la campagne, il a néanmoins tenu à féliciter l'ensemble de ses concitoyens. Car l'homme fort de la Turquie sait qu'il va devoir maintenant rassembler derrière lui un pays qu'il a lui-même contribué à diviser ces dernières semaines. Avec ce succès étriqué, le président Erdogan n'a pas obtenu la bénédiction populaire qu'il escomptait. Pire, le « non » l'a emporté dans les grandes villes du pays, dont Istanbul, sa ville de naissance. « Cette victoire a un goût de défaite pour Erdogan », explique sur son compte Twitter, Soner Cagaptay, spécialiste de la Turquie pour le Washington Institute.

Une victoire, qui plus est, d'ores et déjà entachée de nombreuses réclamations. Avant même la fin du dépouillement, le camp du « Non » a appelé à un recompte des voix. Les deux principaux partis d'opposition, le CHP et le HDP, dénoncent des manipulations et contestent la légitimité d'environ la moitié du scrutin. Principal sujet de discorde : une mesure de dernière minute de la Haute commission électorale (YSK) annonçant la validité de bulletins ne portant pas le tampon officiel du bureau de vote. Une décision prise « à la demande de l'AKP », le parti de Recep Tayyip Erdogan, a concédé Sadi Güven, le président de la YSK.

 

 

Face à ces soupçons de fraudes, impossible pour les opposants au projet de réforme de rester silencieux. Alors, petit à petit, des bruits de casseroles ont commencé à résonner dans la nuit d'Istanbul. À la fenêtre de leur immeuble ou dans la rue, certains habitants manifestent ainsi leur mécontentement, une pratique héritée des révoltes contre la destruction du parc de Gezi en 2013. À Besiktas, bastion de la campagne du « non », ils sont plusieurs centaines à s'être rassemblés spontanément à l'appel des casseroles. Ensemble, ils marchent vers le siège local de la commission électorale. « Je ne pense pas que notre action changera quoi que ce soit au résultat final, glisse Sinan, un jeune stambouliote dans le cortège. Mais c'est un devoir pour moi d'être là, sinon je me sentirais coupable car j'aurais l'impression d'abandonner mon pays à son sort. »

Arrivés à destination, les manifestants font face à un cordon de policiers qui leur bloquent l'accès au bâtiment. Aux cris de « YSK démission », ils décident d'entamer un sit-in, autre mode d'action hérité des protestations de Gezi. Pour eux, les résultats du référendum ne doivent pas marquer la fin de leur lutte contre Recep Tayyip Erdogan. « Ce soir, je reste optimiste, rajoute Sinan. Le camp du « Oui » a mené campagne avec des moyens démesurés et malgré cela, ils arrivent à peine à obtenir plus de la moitié des voix. Cela doit nous encourager à continuer de nous battre contre ce gouvernement ! ».

 

 

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commentaires (2)

QUAND ON SE CREVE LES YEUX SOI-MEME !!!!!!!!!!!!!!!!

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 18, le 17 avril 2017

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Commentaires (2)

  • QUAND ON SE CREVE LES YEUX SOI-MEME !!!!!!!!!!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 18, le 17 avril 2017

  • Recep Tayyip Erdogan ou le nouveau sultan nostagique . TRISTE .

    Antoine Sabbagha

    19 h 51, le 17 avril 2017

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