La frappe militaire US et la destruction totale de la base d'al-Chaayrate en Syrie marque le retour en force de l'influence américaine au Moyen-Orient par la porte syrienne, région délaissée par Barack Obama au profit de la Russie. La frappe a modifié les rapports de force, si bien qu'elle constitue un tournant crucial dans le conflit syrien. Mieux encore, elle s'est produite durant la rencontre entre le président des États-Unis et son homologue chinois en Californie.
Pour Donald Trump, il s'agit d'une occasion de rejeter toutes les allégations au sujet de ses rapports avec le président russe Vladimir Poutine et leur influence sur l'élection présidentielle américaine. Le président US a également changé d'opinion sur le maintien de Bachar el-Assad au pouvoir au profit de la priorité que constituerait la guerre contre le terrorisme, vision défendue par Moscou. Il s'agit également d'une opportunité d'arracher la carte Assad des mains de son homologue russe, à travers une réponse unilatérale au massacre de Khan Cheykhoun.
Des sources bien informées estiment que la frappe pourrait ainsi accélérer une solution en Syrie à la lumière d'une redistribution des cartes internationales. Pour l'heure, Moscou a encaissé le coup sans broncher, comme le prouve le maintien de la visite du secrétaire d'État US en Russie, les 12 et 13 avril. L'opération militaire ouvrirait cependant la voie à une période dangereuse d'escalade, la Russie réagissant fermement en frappant les régions contrôlées par les rebelles.
Mais Washington entend bien rétablir sa zone d'influence au Moyen-Orient : les pourparlers de Donald Trump avec les responsables arabes (et israéliens), notamment le roi de Jordanie, le président égyptien et le prince héritier saoudien en second, auraient porté sur cette question, et sur le fait que, concernant la crise syrienne, le départ d'Assad est loin d'être hors de question. La frappe syrienne ne serait donc pas orpheline, et il est question d'établir des zones d'exclusion aérienne pour l'aviation du régime.
Tous ces événements interviennent au moment où il est question de la formation d'une force de dissuasion arabe présidée par l'Égypte, avec la participation des pays du Golfe, pour assurer la sécurité dans les régions qui seront libérées du terrorisme et faire respecter le cessez-le-feu et la stabilité, ce qui serait de nature à relancer les négociations politiques pour trouver des solutions aux crises régionales.
Une nouvelle équation devrait donc se mettre en place dans la région après la frappe, avec un effort international accru pour trouver une solution aux crises.
Des sources diplomatiques basées à Paris écartent cependant la possibilité qu'il y ait eu une concertation internationale sur la question de l'opération US, notamment avec Moscou. Au contraire, Washington a voulu griller la carte du régime Assad, détenue par les Russes. Ces derniers réagiront sans doute, mais sans aller trop loin, nul ne voulant provoquer d'escalade et une déflagration militaire. La frappe US accélérerait au contraire le processus de règlement politique, le Conseil de sécurité se chargeant ultérieurement de prendre les positions adéquates pour hâter le consensus.
Qu'en est-il des retombées de l'opération sur le Liban ? Beyrouth ne serait pas à l'abri des développements régionaux, compte tenu de l'influence de la crise syrienne sur la scène locale, notamment par le biais du dossier des réfugiés syrien ou de la participation importante du Hezbollah aux combats aux côtés du régime, selon l'agenda iranien. Qui plus est, de nouvelles sanctions américaines viseraient bientôt le parti chiite.
L'une des premières conséquences du retour US sur la scène régionale pourrait être une prorogation d'un an du mandat de la Chambre et le report des élections en attendant l'élaboration d'une nouvelle loi électorale. Le scrutin aurait lieu sitôt le code électoral prêt. La solution définitive au Liban attendrait ainsi un règlement de la crise syrienne, qui est désormais proche, dans la mesure où la menace terroriste pèse sur l'Occident au quotidien. Or cela n'est possible que si la guerre prend fin en Syrie et Assad quitte le pouvoir, ouvrant la voie à une refonte du régime en place sur base d'une formule similaire à celle de l'accord de Taëf, à même de garantir la participation de toutes les composantes politiques du pays.
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commentaires (8)
Je pense que vous prêtez à notre ami Trump des vertus et des qualités inexistantes: son QI pas très brillant, son absence totale d'experience politique, son impulsivité, sa mégalomanie et rancoeur contre toute personne qui le critique, son côté un peu crapule, le rendent totalement imprévisible et extrêmement dangereux: la seule chose avec laquelle je suis d'accord avec vous: il commençait à être dans de mauvais draps concernant l'enquête sur l'intervention russe dans son élection et voulait détourner l'attention de cela! Quant à lui prêter l'intention d'avoir un plan pour changer le cours des choses en Syrie et au Moyen-Orient, nous allons trop loin et le bourbier syrien est devenu tellement complexe, avec nombreux acteurs tels que russes, iraniens, turcs, kurdes, Hezbollah, ISIS, rebelles modérés.... je ne pense pas que c'est un vertueux, au cœur tellement sensible pour courir au secours d'une population en train de se faire massacrer, au risque de pousser à un conflit international majeur aux conséquences imprévisibles... Cependant, on pourrait lui donner le bénéfice du doute, car quelque chose doit changer dans ce bourbier monstrueux qu'est devenue la Syrie, avec les conséquences humanitaires majeures!
Saliba Nouhad
17 h 51, le 09 avril 2017