Le Premier ministre Saad Hariri représente demain le Liban à la conférence de Bruxelles sur l'avenir de la Syrie et de la région, organisée à l'initiative de l'Union européenne et qui sera coprésidée par l'Allemagne, le Koweït, la Norvège, le Qatar, les États-Unis et l'ONU. Pour la première fois depuis le déplacement de Syriens au Liban, un inventaire des besoins du Liban en infrastructures (électricité, eau, éducation, transports...) sera soumis aux donateurs, dans une perspective non plus d'assistance au Liban mais d'aide à son développement.
Ce plan de réhabilitation de l'infrastructure a été élaboré par la commission ministérielle chargée du dossier des déplacés, avec la participation d'experts et du Conseil du développement et de la reconstruction. Son coût est évalué à dix milliards de dollars US, échelonnés sur une période de cinq à sept ans, l'équivalent de dix mille à douze mille dollars US par déplacé présent sur le territoire libanais. Cette aide serait à distinguer de celle qui avait été approuvée lors de la conférence de Londres et dont le versement – qui n'a été fait que partiellement – doit aussi être discuté à Bruxelles.
Mais plus importante que la valeur des aides sollicitées par le Liban est la politique d'accueil que celui-ci défendra auprès de ses interlocuteurs.
Pour rappel, la conférence de Bruxelles n'a pas tant pour vocation de débloquer des fonds dans l'immédiat que de définir un plan d'action global qui permette d'aider la Syrie et les pays environnants à gérer la crise. C'est justement dans la définition de sa politique d'accueil que se situerait l'innovation initiée par le gouvernement. Ce dernier défendrait ainsi, par la voix de son Premier ministre, le principe du maintien des déplacés au Liban tant que se poursuivent les combats armés en Syrie, et tant que dure la répression des opposants civils au régime. Mais cet engagement à garder les déplacés sur son territoire, le Premier ministre entendrait le monnayer, en exigeant que d'autres pays parmi ceux qui sont menacés par les « boat people » participent au financement de la présence de déplacés en dehors de leur territoire, comme au Liban. C'est cette approche qu'avait d'ailleurs défendue la Turquie lors des deux sommets euro-turcs en novembre 2015 et en mars 2016.
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L'enjeu des négociations à Bruxelles serait donc principalement de convaincre les donateurs de contribuer à financer la présence des déplacés au Liban. « Nous ne réclamerons pas la couverture intégrale de nos projets, seulement une contribution », a expliqué samedi le conseiller de Saad Hariri aux affaires des déplacés, Nadim el-Mounla, à l'agence al-Markaziya, en révélant que l'infrastructure du Liban pourrait aussi bénéficier « d'un financement interne, par le biais de lois ». Le Liban entendrait en tout cas convaincre les donateurs d'investir dans l'économie des pays d'accueil limitrophes de la Syrie, en ce que cet investissement paverait la voie à leur participation éventuelle dans les projets de reconstruction de la Syrie. « L'importance du plan proposé par le Liban est de passer de la perception de crise à celle d'opportunité économique » et d'inciter en parallèle les États donateurs à passer de « la logique de secours aux pays d'accueil à celle du développement durable de ces pays », explique ainsi à L'Orient-Le Jour Ziyad el-Sayegh, expert en politique publique et spécialiste de la question des réfugiés.
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Divergences Hariri-Bassil
M. Sayegh insiste en outre sur « la convergence de toutes les parties libanaises sur le plan stratégique proposé ». Selon lui, toutes les parties au gouvernement se seraient entendues sur trois constantes : « Le respect de la dignité des déplacés au même titre que celle de la société d'accueil, la souveraineté de l'État en tant que pouvoir central de prise de décision sur le dossier des déplacés et la nécessité de faire du Liban une plateforme incontournable de la reconstruction de la Syrie. »
Les divergences entre le Premier ministre et le ministre Gebran Bassil seraient ainsi à minimiser pour l'instant. Contrairement au premier, le second plaiderait pour le retour immédiat des déplacés sur leur territoire. Il serait mû par une volonté, que soupçonnent des milieux indépendants du 14 Mars, de renouer le dialogue officiel avec Damas par le biais du dossier des déplacés.
Il semble qu'à Bruxelles, l'enjeu de protéger les déplacés (et corollairement la société d'accueil) soit en passe de l'emporter.
« C'est une vision nationale commune qui sera transmise à Bruxelles. Une vision dépouillée de toute rhétorique populiste », conclut M. Sayegh.
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commentaires (4)
ET NEGOCIER LEUR DEPART SVP... DU MOINS LE GARANTIR POUR LE JOUR -J- DE LA PAIX EN SYRIE...
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 39, le 04 avril 2017