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Culture - Théâtre

Toi qui me hais, mets-toi dans ma peau...

« L'étrange destin de M. et Mme Wallace », ou l'histoire avec un grand H, qui condamne l'autre à la mort avant même sa naissance. Une mise en scène de Valérie Vincent, au théâtre al-Madina, jusqu'au 8 avril*.

Photo David Hury

Quoi de plus banal qu'un battement d'ailes de papillon ? Ce flap-flap, frémissement imperceptible de quelques molécules d'air, peut déclencher un ouragan, affirmait le météorologiste Edward Lorenz en 1972, lors d'une conférence intitulée « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? »

Le fameux effet papillon... Cet engrenage subtil par lequel de toutes petites causes entraînent d'étonnantes conséquences. L'étrange pouvoir des petits riens... ou d'un petit nourrisson. On dit souvent que la naissance d'un bébé a l'effet d'un cataclysme sur le couple. Comme le flap-flap d'un lépidoptère. Que serait-ce si ce mioche, la plus pure des créatures, était retrouvé par une nuit sans lune sur un tas d'immondices ? Et si cet enfant à la peau noire se retrouvait, par un tordu coup du destin, sur la poubelle (de l'humanité) de John Wallace, un chef, on ne peut plus raciste, du Ku Klux Klan ? Le dramaturge français Jean-Louis Bourdon ajoute à cette situation initiale un autre élément déclencheur de taille, et pas des moindres : Nicole Wallace, ancienne prostituée repêchée des eaux fangeuses, condamnée à la stérilité. Les langes de cet ange venu d'on ne sait où lui enveloppent le cœur qui ne battait plus pour grand-chose. Elle le désire, ce bébé, tant et tellement qu'elle décide de le garder. Une nuit ou deux et, pourquoi pas, toute une vie. Inutile de préciser que son raciste de John ne voit pas les choses de la même... couleur.

Voilà donc, grosso modo, le topo de L'étrange destin de M. et Mme Wallace, pièce mise en scène par Valérie Vincent au théâtre al-Madina. Ses quatre acteurs – Joe Abi Aad, Cyril Jabre, Cécile Longé et Mohamed Sidibé – servent sur un plateau une performance qui pousse à réfléchir, qui trotte dans les méninges, qui hante le spectateur bien après la baisse du rideau.

 

Un ange est passé
De prime abord, on peut légitimement se demander pourquoi Valérie Vincent, réalisatrice et metteure en scène française (libanaise de cœur), a choisi de monter, sur une scène beyrouthine, ce texte-là de Jean-Louis Bourdon, cette histoire qui se déroule dans l'État du Mississippi, bastion historique des ségrégationnistes du Sud des États-Unis. Mais cette question se dissipe d'emblée, effacée par la force du message véhiculé par cet appel lancinant (comme cette musique tribale enregistrée au Mali, et que l'on entend tout au long de la pièce) à la tolérance. À l'acceptation de l'autre, à aller vers lui et à se mettre dans sa peau. On trouvera difficilement des thèmes plus urgents aujourd'hui.

Quant au principe scénographique de la pièce, il est ingénieux et symbolique à la fois. Notamment cet escalier fait de lattes de bois clair, pièce centrale de la déco, qui ressemble tantôt à des marches menant vers un échafaud, tantôt à une ascension au paradis.
Un ange passe. Déchu de l'histoire avec un grand H, ses plumes noires se sont éparpillées par des siècles d'inhumanité. Il porte toute la symbolique et les chaînes des esclaves de sa couleur... Un personnage bonus ajouté par Vincent, tout comme Noémie, ce bébé plus vrai que nature, poupée reborn dénichée au Royaume-Uni, animée par les bons soins de deux techniciens libanais.

Illustrant la haine, la xénophobie et le racisme, mais aussi le courage, l'amour maternel, le pardon et la rédemption, les propos des comédiens vont se heurter, se rencontrer, se confronter deux heures durant. Le bémol, parce qu'il y en a un, malheureusement : ces longueurs dont la metteure en scène n'a pas voulu se débarrasser, pour rester fidèle au texte du dramaturge, et notamment dans la première partie, sans doute ressenties à cause des dialogues un brin plombés et répétitifs. Si ces derniers ne sont pas l'armature de l'œuvre, la distribution en béton armé vaut à elle seule le déplacement.

Les consciences des spectateurs, qu'ils soient scolaires, étudiants ou adultes, seront forcément interpellées. Si le battement d'ailes d'un papillon peut déclencher une tornade, il peut aussi, peut-être, l'empêcher...

*« L'étrange destin de M. et Mme Wallace » : pièce en français mise en scène par Valérie Vincent au théâtre al-Madina jusqu'au 8 avril, les jeudis, vendredis et samedis, à 20h30. Billets dans toutes les librairies Antoine et sur www.antoineticketing.com. Bénéfices versés à des associations humanitaires.

 

Pour mémoire 

« Après cinq minutes, on oublie totalement que ce sont des enfants ! »

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