Le président de la République Michel Aoun n'a finalement pas signé le décret convoquant les collèges électoraux puisqu'il continue de rejeter en bloc la loi électorale de 1960. Maintenant que les délais électoraux sont dépassés, il semble qu'une nouvelle loi est en train d'être discutée et pourrait voir le jour le mois prochain, comme l'a d'ailleurs laissé entendre le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk. Ce nouveau développement a par ailleurs poussé le Hezbollah à prendre publiquement position, de nouveau, pour l'adoption d'un système proportionnel intégral, sur la base de la circonscription unique, répondant ainsi par la négative à la nouvelle formule de loi électorale composite proposée par le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Il sort ainsi de son mutisme après avoir suivi en silence les débats des représentants des divers partis politiques, portant sur une nouvelle mouture de loi électorale.
Pourquoi le parti s'attache-t-il de la sorte au mode de scrutin proportionnel et à la circonscription unique ? Et pourquoi rejette-t-il toutes les formules après avoir pris part à toutes les réunions du comité chargé d'étudier le projet dit mixte ? Les sources proches de l'alliance chrétienne avancent que le parti a pour objectif de faire pression sur la présidence de la République pour la placer devant un choix cornélien : soit la prorogation du mandat de la Chambre, soit l'adoption d'une nouvelle loi selon ses propres termes, à savoir la proportionnelle intégrale sur base de la circonscription unique.
(Lire aussi : Le Hezbollah ne parvient toujours pas à imposer le projet de proportionnelle intégrale)
De source proche du parti des Forces libanaises, on croit savoir que l'objectif du Hezbollah est de parvenir à une mainmise totale sur les institutions, notamment le pouvoir législatif et les principaux rouages de l'État. Ils expliquent ainsi qu'aussi bien la proportionnelle intégrale que la circonscription unique ont pour objectif d'empêcher l'alliance chrétienne d'obtenir un quelconque avantage électoral, à savoir plus d'un tiers des députés de la Chambre. Le Hezbollah entend ainsi contrôler la vie parlementaire en y imposant sa ligne politique propre. La source FL ajoute que la manière dont se déroulent les réunions concernant la nouvelle loi électorale, mais aussi les manifestations dans les rues et les débats au sein de la présidence du Conseil constituent les différents moyens employés par le Hezb pour imposer la proportionnelle.
Ce dernier redouterait les éventuels changements régionaux à venir et veille aujourd'hui à consolider sa présence sur la scène politique à travers notamment la résistance et les armes qu'il détient. Deux outils dont il bénéficie et qu'il estime désormais validés par les récentes déclarations du président de la République. Michel Aoun aurait légitimé et assuré une couverture constitutionnelle au Hezbollah en volant à son secours suite à la vague de critiques dont il a récemment fait l'objet.
En fait, le Hezb a plus que jamais besoin de la couverture « légitimante » de l'État libanais, donc pour lui et ses alliés, le vide institutionnel est à proscrire absolument. Mais, d'autre part, pour les FL et leurs alliés, une loi fondée sur la proportionnelle est également à proscrire absolument, car elle signerait l'arrêt de mort de la Constitution, du pacte et de tout ce qui a conduit à la naissance puis à l'adoption de l'accord de Taëf. Il replace le Liban dans le cadre d'une citoyenneté du « nombre » alors que les FL et leurs alliés tentent de parvenir à une citoyenneté de « réel partenariat ». Le projet récemment présenté par Gebran Bassil entendait permettre aux chrétiens de choisir un grand nombre de leurs députés, 58 au total, en comparaison avec les 40 députés qu'ils pourront élire à l'aune de la proportionnelle intégrale. Dans le même temps, le Hezbollah s'active sur le terrain dans le but de récolter le plus grand nombre de députés en apparence « indépendants » mais qui lui seraient favorables.
(Lire aussi : La Constitution et les citoyens, victimes collatérales du nouveau consensus politique ?)
Du côté des FL, on martèle que le projet de la proportionnelle intégrale est totalement inacceptable et qu'il ne « passera pas » même auprès du courant du Futur et du Courant patriotique libre. Le projet exposé par Gebran Bassil avait en fait été validé par les FL, le Futur, le CPL et le mouvement Amal. Quant au PSP, il avait validé à contrecœur le projet mixte, il n'est donc pas question pour lui d'accepter la proportionnelle. Le Premier ministre Saad Hariri l'avait d'ailleurs dit sur le perron de Baabda : « Pas de loi électorale qui n'obtient pas l'aval de Joumblatt. » Les FL affirment au vu de tout cela qu'elles observent de près la situation et continueront de rejeter ces tentatives, en se fondant sur la Constitution, l'accord de Taëf mais également le principe de la représentation juste et équitable. Elles entendent œuvrer afin de préserver l'union nationale et s'éloigner de tout ce qui serait susceptible de diviser les Libanais. « Comme nous avons rejeté l'Assemblée constituante sous toutes ses formes, nous rejetterons la proportionnelle intégrale et la circonscription unique », affirme la source FL.
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commentaires (9)
Suddenly, politicians from all sides unite in debating Lebanon's "New Legislation Law"... to deflect population's attention from Corruption and tax increases. In Lebanon, Presidents & Governments come and go... but CORRUPTION STAYS & GROWS (25+ years after the war, still no Electricity, no water, no roads, etc...)
Hanna Philipe
16 h 28, le 23 mars 2017