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Lifestyle - This is America

Quand la Cour suprême fait des vocalises

Il y a comme un appel entre art lyrique et art oratoire dans la solennité de ce haut lieu du pouvoir judiciaire.

Ruth Bader Ginsburg dans l’opéra « La fille du régiment ». Elle est ici au centre de la scène, en robe verte, saluant le public et applaudie par les chanteurs et acteurs. Photo DR

La semaine dernière, la vedette d'une soirée d'opéra qui s'est déroulée au Centre Kennedy à Washington, était Ruth Bader Ginsburg. Elle est intervenue en pleine interprétation des arias avec ses propres contrepoints. Évoquant, par exemple, une fraude, se rapportant à ce passage de Falstaff, de Verdi, où deux femmes reçoivent, chacune, une même lettre d'amour rédigée par un même homme. Ou invoquant, ailleurs, ce serrement de mains forcé entre les deux ennemis de l'Elixir d'amour. « Un miroir de la politique contemporaine », note-t-elle. À chacune de ses interventions, le public a applaudi à tout rompre. Car, le public connaît et admire Ruth Bader Ginsburg, qui cultive à fond sa passion de l'art lyrique mais qui est, avant tout, l'une des neuf juges de la Cour suprême américaine.
Deux chemins qui semblent très éloignés l'un de l'autre, mais qu'elle a toujours parcourus avec aisance et qu'elle continue à faire du haut de ses 83 ans.

Cette soirée d'opéra était particulière. Elle fut enrichie par la touche parlée de la juge Ginsburg, qui avait auparavant très justement campé des rôles chantés, mettant en avant sa voix de soprano. L'an dernier, elle avait fait partie de la distribution de La Fille du régiment de Donizetti, en interprétant le rôle de la duchesse de Krakenthorp qui donne aux protagonistes de cet opéra la permission de se marier après un contrôle de leur certificat de naissance. Un « travail de vérification », avait-elle fait remarquer, similaire à sa « fonction de jour ».

 

Des voix qui portent
Ruth Bader Ginsburg, de tendance libérale, avait également partagé les feux de la rampe avec un collègue de la Cour suprême, le juge Antonin Scalia (décédé l'an dernier), amoureux de l'art lyrique comme elle, mais appartenant à l'aile conservatrice. Ils étaient apparus ensemble en 1994 dans Ariane à Naxos de Richard Strauss.

Une grande amitié liait ces deux juges, malgré leurs positions souvent différentes durant les séances d'argumentation. Ruth Bader Ginsberg est la deuxième femme à avoir été nommée, en 1993, au sein de cette haute instance et l'une des trois y siégeant encore aujourd'hui. Les deux autres étant Sonia Sotomayor et Elena Kagan. Ginsberg est connue pour sa défense incessante du droit à l'avortement. Cette juge libérale occupait en 2010 la 31e place au classement des « 100 femmes les plus influentes dans le monde », publié chaque année par le magazine Forbes. Aux antipodes, le juge Scalia cultivait une idéologie juridique conservatrice accompagnée d'une contestation permanente. Hors les murs de la Cour suprême, ils étaient les joyeux lurons des librettos. De plus, refusant d'être juste des artistes du dimanche, ils se sont frottés avec bonheur aux professionnels de l'univers lyrique.

Leur caractère et leur voix (elle soprano et lui baryton sur scène, tonitruant pendant ses plaidoiries) ont inspiré un jeune compositeur doublé d'un avocat, Derrick Wang, qui leur a dédié un opéra portant leur nom : Ginsburg/Scalia. Il avait associé leurs joutes oratoires à un style d'opéra baroque italien intitulé rage aria, qui tend à l'extrême un moment dramatique. Selon lui, chez ce duo de juges, « tous les ingrédients pouvant constituer la trame dramatique d'un opéra sur l'interprétation des lois existaient ». Ajoutant : « la Cour suprême est sérieuse et l'opéra est sérieux. » La première de ce spectacle a eu lieu, en 2015, au Lorin Maazel's Castleton Festival. En août prochain, il sera à l'affiche du Glimerglass Festival qui se tient à Ostego Lake, dans l'État de New York.

Quand la Cour suprême donne aussi de la voix opératique, elle porte bien loin. Cela n'aurait pas étonné l'historien français du XIXe siècle Alexis de Tocqueville, célèbre observateur de la démocratie américaine qui, impressionné par la puissance de cet organisme gouvernemental, a écrit : « Jamais un pouvoir judiciaire aussi important n'a été constitué ailleurs. » De même, et c'est Only in America, des juges de la Cour suprême peuvent se dédoubler en vedettes des planches.

 

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