Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Quand un fumeur de havanes s’empare de l’art...

Kamel Cabbabé, pétulant septuagénaire, présente pour la première fois ses « assemblages créatifs » chez Aïda Cherfan.

Kamel Cabbabé posant devant son « Soleil-Levant » (diptyque 220 x 110 cm).

Si Dieu est un fumeur de havanes, alors Kamel Cabbabé se prend pour (un) dieu. Mais le dieu des petites choses. Celui des débris, des fragments, des particules... Tous ces résidus de notre société de consommation que ce fumeur de cigares s'amuse à collecter, à assembler et à reconfigurer en tableaux ludiques et colorés.

En démiurge des objets jetés, Kamel Cabbabé les récupère, les déconstruit pour leur redonner vie dans « une forme d'art transformationnel », indique le texte de présentation de son exposition à la galerie Aïda Cherfan. Une toute première exposition pour ce businessman (obligé par son père à reprendre l'affaire familiale, une usine de lingerie), architecte contrarié qui a trouvé dans cet art de la récupération un exutoire à son attrait pour le beau, l'harmonieux et le décoratif. Mais aussi l'expression de sa révolte face aux gabegies de nos sociétés consommatrices « qui jettent tout à la poubelle, qui envoient tout à l'incinération », fulmine-t-il. Et de lancer, gouailleur : « Il y a l'art de mentir, l'art de voler, l'art de tuer... Le mien consiste à créer à partir de ce qui est négligé, jeté, détruit... »

Voilà donc ses tableaux, entièrement « construits » à partir de pièces de machines d'usines, d'éléments d'ordinateurs, de bouts de bois ou encore de morceaux de cartons, comme autant de plaidoyers pour le recyclage et la récupération. Sauf que le langage de ce militant anticonsumérisme effréné est ludique, son vocabulaire coloré et son travail esthétisant. On est bien loin de l'univers rugueux et dépouillé des défenseurs de la planète. Car Kamel Cabbabé serait, lui, plutôt du genre hédoniste. Un fumeur de havanes, vous dit-on ! Il a même conçu une toile autour de ce thème. « Et c'est ma préférée », avoue-t-il, en montrant du doigt un mixed-media associant l'image d'une jeune femme fumant un cigare, découpée d'un livre, avec des collages et un texte qu'il a lui-même écrit, éloge à ce plaisir qui part en fumée.

 

(Pour mémoire : Kamel Cabbabé, une question de proportions)

 

Magie noire et ordinateurs
Dégaine soigneusement décontractée, yeux bleus perçants qui virent malicieux lorsqu'il évoque un livre de magie noire que lui a légué son père, ce septuagénaire branché a vécu plusieurs vies : industriel, patron dans la mode, publicitaire, concepteur d'une célèbre marque de biscuits... Il n'en a pas moins gardé partiellement son âme d'enfant. Et cela se reflète dans ses œuvres qui ont quelque chose des jeux de construction du temps de l'enfance. Des sortes de fresques de format carré qu'il élabore chez lui dans son atelier vitré ouvert sur son salon, « un espace toujours parfaitement ordonné », signale cet homme méticuleux. Composées d'éléments divers placés architecturalement sur des fonds de couleurs vives et pures à l'acrylique, elles dégagent, de prime abord, un je-ne-sais-quoi d'attirant et de léger. Mais en y portant un regard plus appuyé, on y décèle une démarche créative plus profonde, quasiment de l'ordre de la réparation. « Car chaque résidu d'objet, chaque morceau de pierre, chaque fragment de machine, chaque brisure de matière, contient la trace, la mémoire, le talent, le génie de l'homme qui a imaginé, inventé, façonné, créé, construit... », soutient Kamel Cabbabé. Lequel a donc décidé de récupérer ces précieuses « Particules de mémoire » (titre de l'exposition) et de les réassembler dans des formats inédits pour leur insuffler une existence nouvelle. Artistique? Disons plutôt décorative. « C'est vrai, mes tableaux sont décoratifs », reconnaît leur auteur. « Ils sont aussi et surtout le résultat de ma curiosité profonde des gens, comme des machines », ajoute-t-il. Une curiosité qui se reflète dans l'éclectisme de ses thèmes, qui vont des portraits des grands génies de l'humanité – qu'il dote de cerveaux d'ordinateurs (Einstein, Newton, Leonardo Da Vinci...) – à des variations autour du symbolisme de la Croix- Rouge (en bois flotté et clous peints) ; d'un triptyque sur le big bang et l'évolution de la voie lactée à un solaire schéma de vie humanisé des particules d'humanoïdes... Et puis, il y a ce très beau diptyque en ode au pays du Soleil-Levant, ce Japon qui le fascine autant pour sa culture traditionnelle que pour sa prééminence technologique...

Bref, d'une pièce d'imprimante, d'un écrou de moteur automobile, d'un écran d'ordinateur, de quelques bouts de cartons, des éléments de céramique (qu'il façonne lui-même) ou encore d'une poutre de bois (qu'il scie de ses propres mains), Kamel Cabbabé réinvente le monde à sa manière. Esthétique et spirituelle...
Jusqu'au 6 avril.


Saïfi-port, rue Georges Haddad, Imm. Beirut Harbor. Horaires d'ouverture : du lundi au samedi, de 11h à 19h. Tél. : 01/985701-702.

 

 

 

Pour mémoire

Violon d'Ingres ... Kamel Cabbabé : la fable du renard qui eut plusieurs vies...

Si Dieu est un fumeur de havanes, alors Kamel Cabbabé se prend pour (un) dieu. Mais le dieu des petites choses. Celui des débris, des fragments, des particules... Tous ces résidus de notre société de consommation que ce fumeur de cigares s'amuse à collecter, à assembler et à reconfigurer en tableaux ludiques et colorés.
En démiurge des objets jetés, Kamel Cabbabé les récupère, les...

commentaires (1)

JE LE FELICITE D,AVOIR TROUVE LE MOYEN DE PASSER SON TEMPS TOUT EN FUMANT SON CIGARE...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 36, le 17 mars 2017

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • JE LE FELICITE D,AVOIR TROUVE LE MOYEN DE PASSER SON TEMPS TOUT EN FUMANT SON CIGARE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 36, le 17 mars 2017

Retour en haut