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Actualités - REPORTAGES

Violon d'Ingres ... Kamel Cabbabé : la fable du renard qui eut plusieurs vies .. (photo)

Il a les yeux d’un renard qui guette, observe, son sourire malicieux lorsqu’il devine et saisit. Un renard tendre qui prend son temps pour faire une chose et la faire bien. Personnage que La Fontaine aurait sans doute pris pour ami ou complice, ce qui aurait beaucoup amusé Kamel Cabbabé… Maître renard… eut plusieurs vies, un même talent, la communication. Et une passion, la «construction de tableaux en trois dimensions». L’art de séduire puis de convaincre et le cours – pas tranquille – de son existence ont entraîné Kamel Cabbabé dans de nombreuses aventures professionnelles, des petites vies qui se sont faites et défaites. Il nous tint à peu près ce langage : «J’ai eu une longue carrière, des revers dus à une situation de guerre. J’ai reçu trois claques magistrales. Par rapport à d’autres, ce n’est rien du tout». Pour lui, ce sont des occasions pour recommencer, tenter de nouvelles expériences, avoir d’autres identités. «Je suis un homme qui possède beaucoup de facettes et peu de limitations. Je parle en pessimiste mais j’agis en optimiste. Je n’ai jamais su lequel passe avant». L’art d’être fin renard lui sera enseigné par un oncle qui lui apprend la vie de château, bien manger, bien boire et bien se taire. «Mon grand, lui dira-t-il, ta force dans la vie sera de pouvoir être le plus rapide dans l’analyse des gens. En observant, tu apprends; en parlant, tu fais sortir ton non-savoir». L’élève appliqué retiendra ses leçons de vie et en fera une deuxième peau qu’il gardera sur lui malgré ses différents métiers. Des métiers et des hommes Kamel René Cabbabé a démarré à 18 ans dans la confection ; il apprend l’économie le soir et l’art de fabriquer de la belle lingerie le jour, dans l’usine – très célèbre – de son père. Fort de cette expérience et des licences Ted Lapidus et Petit Bateaux obtenues, il crée à son tour, avec la complicité de ses trois associés, une usine de vêtements et de lingerie. L’affaire grandit, «avec nos 300 employés et une production de qualité, nous étions les rois du Moyen-Orient. J’ai aimé ce métier. Passionnément. Il m’a appris à traiter avec le produit, le marketing et les agences de publicité», et tente de s’exporter en Égypte, «nous voulions rattraper les clients du Moyen-Orient. Nous avons trimé un an pour obtenir un permis. Lorsque tout était prêt, Sadate signe la paix avec Israël. Nos produits sont boycottés». Un malheur entraînant généralement un autre, l’usine libanaise brûle en 1978. Tous ses projets réduits en poussière, Kamel retrouve Paris et s’associe avec un grand homme d’affaires libanais dans Per Spook, l’ambiance du vêtement lui étant déjà familière, la transition est facile. Deux ans plus tard, il rentre au Liban et – nouveau départ – nouvelles fiançailles – rejoint ses amis Farid Chéhab et Charlie Homsy dans leur agence de publicité H&C. Il restera Account Director jusqu’en 1985, date à laquelle notre renard devient conseiller en communication de Amine Gemayel, alors président de la République. «J’avais mon bureau au palais. Je m’occupais de son image de marque, je lui écrivais des discours. Il s’entourait des gens qu’il fallait mais n’écoutait personne». Kamel continue, quant à lui, à tendre l’oreille, écouter, saisir les moindres changements. Après une nouvelle parenthèse parisienne de trois ans, «je ne faisais rien», il fera beaucoup. Un remariage en 1994, un enfant, la douce Camille et une agence de publicité, Early Bird, «une petite agence, la première agence de design à Beyrouth, à l’écoute exclusive de ses clients du Grand-Beyrouth. De Verdun à Naccache». Avec ses trois partenaires, Kamel est un homme heureux. «L’année prochaine, un de mes fils, Omar, viendra prendre la relève, je pourrais enfin me consacrer à mes sculptures». Le renard passe passe… Des tableaux tridimensionnels «J’ai toujours voulu faire de l’architecture» – sans doute un des quelques métiers qu’il n’a pas pratiqués. La peinture tridimensionnelle devient un raccourci et un hobby. Ces peintures-sculptures «sont en fait des constructions d’objets qui font partie du quotidien. Des objets qui existent et à qui je donne une vie en les structurant». Ces immenses toiles – folles passions – sont nées d’une idée, une commande spéciale faite par son ami Charlie qui voulait habiller le grand mur de son living. Cette première «composition-construction» – de 2m 50 x 1m 50 – le résultat est impressionnant – va entraîner de nombreuses commandes thématiques. Les dactylos et leurs entrailles pour Olivetti, une échelle, un seau et tous leurs instruments d’affichage – jaunes – pour Pikasso, une poulie, une chaîne, les outils de travail de l’entrepreneur Samir Lahoud et bien d’autres. À partir de matériaux en fer et en bois, Kamel réalise une composition où chaque objet – retravaillé, coloré, verni, embelli – devient le détail d’un impressionnant tableau. «En général, toutes les pièces me sont procurées par le client». Pourtant, Maître Cabbabé part souvent en chasse, à la recherche d’objets insolites, jetés, abandonnés, inutilisés et inutilisables. Son atelier, «mon bricolage !» devient un mont-de-piété particulier qui réunit en son sein des bouts de papier, des étiquettes, codes bars, allumettes, montres cassées, vieux roulements, pièces de voitures, «et je deviens un éboueur» – de charme – qui récupère le quelconque et le transforme en particulier. La sculpture prend vie en ces lieux, «je travaille au feeling, à partir d’une esquisse que j’ai dans ma tête. Je pique et je mets. Je visse, je cloue, je soude». Le bricoleur, devenu enfin peintre, rajoute les couleurs, le vernis. Et admire… «Je suis un tactile, je travaille du bout des doigts et des yeux. Mais je suis un lent». C’est ainsi que notre renard par les mots alléché tomba pour une fois dans le piège du flatteur flatté. Il s’en alla – lentement mais sûrement – en souriant.
Il a les yeux d’un renard qui guette, observe, son sourire malicieux lorsqu’il devine et saisit. Un renard tendre qui prend son temps pour faire une chose et la faire bien. Personnage que La Fontaine aurait sans doute pris pour ami ou complice, ce qui aurait beaucoup amusé Kamel Cabbabé… Maître renard… eut plusieurs vies, un même talent, la communication. Et une passion, la...