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Liban - Trois questions à...

Sami Nader : On peut craindre aujourd’hui un scénario à la grecque au Liban...

Interrogé par « L'Orient-Le Jour », l'économiste et analyste politique rappelle que l'imposition de nouvelles taxes ne signifie pas une augmentation de revenus pour l'État.

Êtes-vous satisfait de la procédure qui a accompagné l'adoption de l'échelle des salaires, compte tenu des multiples mises en garde qui l'ont précédée ?
Le budget de l'État ne peut supporter un déficit supplémentaire, son taux de déficit étant déjà, indépendamment de la nouvelle échelle des salaires, de 10 à 11 %, donc à un taux alarmant. Or le financement de la grille des salaires devrait augmenter ce déficit de 40 %, de façon soutenue. En d'autres termes, le même scénario se répétera chaque année, dans un contexte où la dette croît de 4 à 5 %, alors que la croissance économique n'est que de 1 à 1,5 %.

L'imposition de nouvelles taxes est-elle donc justifiée pour assurer les fonds nécessaires au financement de l'échelle des salaires ?
Pas du tout, l'imposition de nouvelles taxes n'est en aucun cas justifiée. Il est très facile de prendre de telles mesures, mais elles ne résolvent rien en fait. Il aurait fallu réfléchir autrement, voir par quels moyens accroître l'économie et assurer des rentrées pour couvrir les dépenses. La logique aurait voulu qu'un programme clair et une vision économique précèdent la discussion autour du budget. Or dans ce pays, on entend des responsables nous exposer les dépenses sans accepter aucun débat autour de cette question et sans se prévaloir d'une quelconque vision économique. Pour ma part, je considère que la plupart des dépenses ne sont pas justifiées. La grille, elle, est justifiée et légitime, parce que la cherté de vie est bien réelle. Mais, en vue de la financer, il aurait mieux valu réfléchir aux moyens de couper les dépenses là où cela est possible, mettre fin à la dilapidation des fonds là où elle a lieu. À titre d'exemple, pourquoi n'a-t-on pas touché au secteur de l'électricité qui nous coûte deux milliards de dollars par an sans aucun résultat probant ?
De plus, l'imposition de nouvelles taxes ne signifie pas une augmentation de revenus pour l'État, parce qu'il est notoire que trop de taxes ralentit l'économie. Au contraire, baisser les taxes équivaut à accroître l'économie, ce qui aurait permis de financer l'échelle des salaires de manière durable. Seule une amélioration économique permet de faire cela.
Enfin, il faut se rappeler que ces taxes vont toucher principalement les personnes travaillant dans le secteur privé : celles-ci vont se retrouver en train de financer les augmentations illusoires des fonctionnaires du secteur public, sachant que personne n'a touché aux secteurs où il y a du gaspillage, ni envisagé une quelconque réforme. Quand un gouvernement fait de la lutte contre la corruption, l'un de ses grands objectifs, et qu'il consacre un ministère à cela, on aurait pensé que le vote du budget serait une parfaite occasion pour prouver ses bonnes intentions, au lieu de prendre des mesures qui auront un impact énorme sur les plans économique et social. Ces mesures vont très gravement affecter les secteurs productifs qui sont les premiers employeurs des jeunes aujourd'hui. Il est facile de prévoir que cette nouvelle augmentation de taxes va pousser davantage de jeunes à l'émigration, et que ceux-ci vont fuir un pays dont le coût de production, à tous les niveaux, est déjà trop élevé.

Au vu de toutes ces constatations, un scénario à la grecque est-il à craindre ?
Je pense que c'est effectivement le cas. Il y a beaucoup de similarités aujourd'hui entre le Liban et la Grèce : un déficit budgétaire et une dette énormes, un ratio dette publique/PNB très élevé (de l'ordre de 160 % pour la Grèce au moment de la crise, à près de 150 % pour le Liban actuellement). Viendra le jour où le Liban risquera lui aussi la faillite. Ce qui nous en a prémuni, c'est qu'il existe beaucoup de liquidités dans nos banques. Ça leur a permis jusque-là de porter des bons du Trésor et de financer l'État. Je dirais même financer le déficit et la corruption de l'État. Il est peut-être temps que les banques cessent de souscrire aux bonsTrésor tant que les réformes nécessaires n'ont pas été effectuées au niveau des autorités.

 

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Êtes-vous satisfait de la procédure qui a accompagné l'adoption de l'échelle des salaires, compte tenu des multiples mises en garde qui l'ont précédée ?Le budget de l'État ne peut supporter un déficit supplémentaire, son taux de déficit étant déjà, indépendamment de la nouvelle échelle des salaires, de 10 à 11 %, donc à un taux alarmant. Or le financement de la grille des...

commentaires (2)

Vivement la faillite pour que les organismes de surveillance et creanciers internationnaux dont le FMI et la Banque Mondiale, fourrent enfin leur nez dans nos affaires crasseuses et fassent le grand manage.

Bibette

10 h 18, le 17 mars 2017

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Commentaires (2)

  • Vivement la faillite pour que les organismes de surveillance et creanciers internationnaux dont le FMI et la Banque Mondiale, fourrent enfin leur nez dans nos affaires crasseuses et fassent le grand manage.

    Bibette

    10 h 18, le 17 mars 2017

  • PAROLES JUSTES ET URGENTES ! MAIS IL FAUT DES CERVEAUX PLEINS ET NON VIDES POUR LES COMPRENDRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 47, le 16 mars 2017

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