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Liban - Droits de la femme

La soif d’agir des Libanaises

Le rappel des droits et de la condition féminine locale a fait l'objet d'une conférence organisée à l'hôtel Le Gabriel – Sofitel.

Les deux intervenantes, Nisrine Salhab et Anne-Marie el-Hage.

La salle est pleine pour assister à la rencontre-débat organisée par « Ninar, Espace culturel libanais ». Nisrine Salhab, avocate spécialisée dans le droit des affaires, et Anne-Marie el-Hage, journaliste à L'Orient-Le Jour, ont toutes deux fait le point sur les droits et le vécu actuel des femmes du pays : « On sait tous que les droits de la femme n'existent pas au Liban ou du moins d'une manière loin d'être satisfaisante (...). Des progrès ont été réalisés, surtout ces dernières années, en 2011, 2014 et on l'espère 2017 », affirme d'emblée Nisrine Salhab.

La condition féminine dans la société libanaise a longtemps été déterminée par une société essentiellement construite sur « le modèle patriarcal », ainsi que l'a rappelé l'avocate indépendante. Le mariage des mineures, le viol conjugal, les quotas féminins en politique sont autant de sujets brûlants dans un pays qui a été classé 135e sur 144 dans la catégorie « disparités entre les genres » d'après le rapport 2016 du Forum économique global.

Toutefois, on découvre que, si le problème trouve une solution de jure, cela n'empêche pas certaines sociétés rurales d'imposer de facto leurs règles : « On considère encore dans beaucoup de régions rurales que la relation sexuelle constitue un droit pour le mari », explique Anne-Marie el-Hage. Un médecin, présent dans le public, s'offusque de voir seulement des familles musulmanes représentées dans le diaporama sur les mariages de mineures ; « ce sont des faits divers », déclare-t-il. La journaliste objecte : « Ce sont des réalités largement implantées dans certaines régions. De plus, je suis allée dans des villages chrétiens, j'ai contacté des prêtres (...), je n'ai pas encore réussi à rencontrer des femmes chrétiennes qui se marient toujours aussi jeunes. Mais, cette enquête se poursuit, je pourrai vous donner plus de résultats d'ici à un an. » En outre, elle souligne que « toutes les communautés libanaises aujourd'hui, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes, acceptent le mariage des mineures ».

 

(Lire aussi : Un quota féminin de 30 % sinon... le boycott)

 

Un cadre juridique plus fort
La Constitution est le catalyseur des luttes actuelles à travers la question du « statut personnel » qui renforce l'autorité masculine. Cette question est issue d'un paradoxe : l'article 7 garantit certes que « tous les Libanais sont égaux devant la loi », mais l'article 9 « prévoit le respect de leur statut personnel, et c'est là qu'on a un problème (...) car ils sont rédigés selon le modèle patriarcal, et c'est évidemment le père qui détient tous les pouvoirs et notamment l'accord parental », explique Nisrine Salhab. « Ces statuts personnels instituent une inégalité entre les citoyens, et aussi entre les femmes elles-mêmes », a-t-elle soutenu, non sans évoquer l'importance du système communautaire.

Autre complication en termes de droit : les réserves que le Liban a émises envers certains articles de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw en anglais). « Les réserves qui ont été faites par le Liban concernent l'article 9, c'est-à-dire celui de la nationalité (...), et des articles sur le mariage ou l'autorité parentale », rapporte Nisrine Salhab.

Bien sûr, le droit gagne des batailles, en particulier grâce aux associations féministes, comme l'ONG Kafa, qui a permis le vote de la loi sur la violence familiale en 2014, au demeurant assez restrictive. Nisrine Salhab évoque toutefois le cas du viol conjugal, seulement reconnu s'il est accompagné de séquelles physiques et de menaces. Certaines femmes se retrouvent alors piégées dans des situations ubuesques : si l'homme évite de laisser des traces, « il échappe à toute peine », regrette-t-elle. « On espère l'abrogation en 2017 du fameux article 522 du code pénal qui permet à un violeur qui épouse sa victime d'échapper à toute peine. L'article a été abrogé en commission parlementaire, mais nous espérons que la loi sera vite votée pour que l'abrogation devienne effective », confie-t-elle.

 

(Lire aussi : Jean Oghassabian : « Il faut oser rêver et garder ses horizons ouverts »)

 

« Les mentalités, ces prisons de longue durée »
Si les juristes parviennent à se frayer un chemin pour promouvoir une libéralisation du droit, la réalité sociale des Libanaises nuance le progrès. De nombreuses femmes ne connaissent pas toujours leurs droits et sont en prise avec les exigences de la société traditionnelle. Anne-Marie el-Hage, au cours de ses reportages sur les mariages de mineures – souvent appelés « mariages forcés » –, fait la brève relation de la destruction de l'avenir de ces jeunes filles grâce aux portraits de Ghadir, de Fatmé, ou encore de Nadam : « Un père de famille m'avait avoué qu'il avait retiré de l'école sa fille de 12 ans pour la marier. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a répondu : "Elle a eu un parti, je n'ai pas refusé, je n'ai pas voulu mettre son avenir en péril" », rapporte la journaliste.

Depuis, elle sillonne le pays pour rencontrer des jeunes filles mariées avant l'âge et dénoncer cette réalité principalement visible en milieu rural, étroitement liée à la violence conjugale et familiale. La « honte sociale » a longtemps empêché toute action de la part des femmes mariées et des jeunes épouses, sur le sujet de la violence qui demeure tabou. Cependant, grâce à l'action de l'ONG Kafa, les femmes n'hésitent plus à demander de l'aide auprès des associatifs ou des Forces de sécurité intérieure (FSI) formées à cet effet pour dénoncer les abus : « Avant la loi (sur la violence familiale), l'association recevait entre 200 et 300 femmes par an au maximum, actuellement elle reçoit un millier d'appels à l'aide par an. (...) Elles ont dépassé leurs peurs, leurs craintes même », expose la reporter.

 

Femina politica
« Nous savons tous, du moins intuitivement, que la femme n'occupe pas une grande place politique au Liban », constate Nisrine Salhab. Le manque de participation politique des femmes tient à deux facteurs : le monopole des grandes familles politiques face aux partis indépendants, ainsi que le manque d'éducation politique permettant de s'habituer à voir des femmes installées aux postes de décision : à ce titre, Nisrine Salhab fait l'apologie du quota, « un outil très intéressant qui doit être utilisé au moins à titre transitoire », ou encore du système américain de « formations publiques d'éducation politique ». De même, la décentralisation permet des possibilités de changement par le bas, car « les femmes ont plus d'inclinaison à vouloir participer à la vie locale », analyse la spécialiste du droit des affaires.

Les associations n'ont pas cessé de se mobiliser, telle l'ONG Women in Front, qui a même réussi à proposer une liste « d'une dizaine de CV demandés par M. Hariri ; mais, à l'arrivée, on se retrouve avec une seule femme (au gouvernement) », déplore Mme Hage en reprenant les propos de Nada Anid, cofondatrice de l'ONG. D'où la nécessité d'adopter « un quota féminin de 30 % de participation politique ».
Les initiatives se multiplient : le collectif Lubnaniyun, qui a permis la « signature d'une charte dans laquelle les partis s'engagent à faire participer les femmes », énonce Nisrine Salhab. L'incertitude sur les prochaines législatives laisse en suspens – en raison du débat sur la loi électorale – l'écriture d'une nouvelle page pour la participation politique des femmes libanaises.

 

Pour mémoire

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commentaires (3)

Pourquoi est-ce un homme qui commente cette conférence et non pas une femme..?

M.V.

14 h 29, le 09 février 2017

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Commentaires (3)

  • Pourquoi est-ce un homme qui commente cette conférence et non pas une femme..?

    M.V.

    14 h 29, le 09 février 2017

  • BRAVO à Mesdames Anne-Marie EL-HAGE, Nisrine SALHAB et, bien entendu, à KAFA ! CHAPEAU, Mesdames !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 57, le 09 février 2017

  • IL Y A D,AUTRES CHATS A FOUETTER... A TOUR DE ROLE SVP... A TOUR DE ROLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 04, le 09 février 2017

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